(à Tel Aviv aujourd’hui)
Traduction simple :
(1 – commentaire) Cet immense chagrin, qui accable l’Âme d’une terrible peine, et qui dans notre génération habite le cœur de quiconque pense et réfléchit un peu, surtout s’il est aussi doté d’une sensibilité raffinée et droite, ne peut être ni décrit ni raconté. Nous voici accablés et confondus à la vue de toute une génération – ensemble, les pères et les fils d’une nation entière – dévastée par ses tourments et livrée à une terrible détresse, dans les affres de l’enfer. Son chagrin est si grand qu’il lui retire même l’usage de la parole, au point qu’elle ne peut d’aucune manière décrire ses malheurs en termes clairs et intelligibles, ce qui la soulagerait bien sûr beaucoup, et adoucirait pour une bonne part les vastes tracas de son cœur. Elle prend la parole, mais pas pour raconter les plaies de son cœur et en être soulagée, seulement pour mépriser et injurier, ou pour tempêter et maudire.
Cette terrible détresse, spirituelle et matérielle à la fois a hélas plongé notre monde dans l’obscurité, elle a confisqué l’éclat et la dignité de notre vie, et nos yeux assombris sont devenus insensibles au respect de nous-mêmes. Nous sommes descendus au plus profond de l’abaissement des gens méprisables, dont les humiliations, les insultes, les malédictions, et tout caractère emporté et irascible, constituent le pain quotidien.
Si c’était vraiment ce que nous valons, d’être des laissés pour compte dénués de toute dignité, alors certainement notre cœur n’en serait pas affecté, car l’affliction du cœur n’existe que lorsque “les princes marchent à même la terre à la manière des esclaves”, quand des hommes dignes d’honneurs et d’estime s’avilissent au point d’oublier eux-mêmes leur dignité et leur valeur : “Vois, Éternel, et regarde comme je suis devenue vile !”
(2–3–4 – commentaire) En réalité, si notre génération était véritablement perverse et corrompue, pénétrée de son vice, alors nous accepterions encore avec amour d’être couverts de mépris et de déshonneur, faute de convenir au schéma d’une vie plus honorable : “Couchons–nous dans notre honte, enveloppons-nous dans notre ignominie !”. Mais comment serons-nous consolés si au contraire, quand nous approfondissons l’intériorité de sa situation morale et intellectuelle, nous ne trouvons ni une génération méprisable, ni même une génération vraiment fautrice ? Chez les pères comme chez les fils, on trouve une multitude de bonnes choses, des sentiments délicats, des volontés louables.
(5) Et pourtant, nous voyons que tout nous manque. Non seulement nous avons reçu double ration de coups, non seulement nous sommes poursuivis sans cesse, non seulement notre sang est répandu sur le sol comme de l’eau, mais nous ne trouvons dans notre âme aucune manière de nous consoler, même d’une consolation minime, pour tout ce sang précieux et chéri, le sang de nos fils et de nos frères bien-aimés. Notre cœur est pétrifié, notre cerveau comme un lingot de plomb, et nous ne savons que nous affoler, être furieux, nous mettre en colère et éprouver de la haine. Le malheur est notre lot, “la fille de mon peuple est devenue un être cruel comme les autruches du désert”. De plus, l’hostilité générale nous entoure de tous côtés, venant d‘une innombrable multitude, et le mépris et l‘abaissement intérieur transpirent même du cœur de ceux qui compatissent à notre déchéance.
(6) Et ceux qui disent qu’il faut avoir pitié de nous, nous ont démoralisés à ce point que nous non plus, nous ne pouvons plus nous regarder que d’un regard de colère, de suspicion et de mépris, comme si nous, et nous seuls, étions les brigands et les fauteurs, les idiots et les attardés, parmi tous les peuples de la Terre. Hélas, trois fois hélas !
(7) Les mains sont sans force, les genoux fléchissent, le cœur défaille et les yeux s’égarent dans l’errance : peut-être y a-t-il un point de lumière, quelque étincelle de consolation qui soit capable d’éclairer et de réchauffer, de ranimer par sa force la flamme de la sainteté ?
Mais ils ne trouvent rien. Les pères sont effrayés et désespérés, et les fils sont pleins de colère et de fureur, “l’un ne connaît pas et ne comprend pas le langage de l’autre”. Chacun se barricade dans ses souffrances particulières, chacun incrimine son prochain et lui fait porter le carcan à lui seul. Et quant à faire revenir les cœurs les uns vers les autres, et à plus forte raison entrelacer les mains dans une œuvre d’importance commune, personne ne l’exige et personne ne le réclame.
“Les douleurs de l’enfantement me saisirent” [Daniel 10, 16] ; “Je m’en allai, amer, dans l’échauffement de mon esprit, et la main de l’Éternel pesait lourdement sur moi” [Ézéchiel 3, 14].
Traduction avec commentaire :
2. Analyse approfondie de la Génération.
3. L’importance de l’intériorité.