7. L’un ne comprend pas le langage de l’autre

Les mains sont sans force, les genoux fléchissent, le cœur défaille, et les yeux s’égarent dans l’errance : peut-être y a-t-il un point de lumière – un désespoir terrible s’empara du peuple d’Israël à cette époque : les pogroms, une grande pauvreté en Terre d’Israël, et en plus de cela l’abandon de la religion par la plus grande partie de la nation (80 %). Notre peuple errait à la recherche de quelque étincelle de consolation, de quelque espoir, qui soit capable d’éclairer et de réchauffer, de ranimer par sa force la flamme de la sainteté ?

Mais ils ne trouvent rien. Les pères sont effrayés et désespérés – par ‘les pères’, il faut entendre la communauté observante des mitsvotet vis-à-vis d’eux les fils – c’est-à-dire les hilonim [laïcs] – sont pleins de colère et de fureur. Les fils disent aux pères : “vous nous étouffez et vous confisquez notre vie !”, “l’un ne connaît pas et ne comprend pas le langage de l’autre” [d’après Genèse 11, 7]. C’est un problème de communication interculturelle : les pères et les fils ne parlent pas le même langage. Chacun se barricade dans ses souffrances particulières, chacun incrimine son prochain et lui fait porter le carcan à lui seul. Et quant à faire revenir les cœurs les uns vers les autres, et à plus forte raison entrelacer les mains dans une œuvre d’importance commune, personne ne l’exige et personne ne le réclame. Il est évident que s’il n’y a pas de dialogue, il n’y a pas de collaboration possible.

Restaurer la coopération entre les pères et les fils, c’est la mission d’Éliahou Hanavi [le Prophète Élie] : “il ramènera le cœur des pères vers les fils, et le cœur des fils vers les pères” [Malachie 3, 24]. Le Rav notre Maître disait : “Je travaille pour Éliahou Hanavi afin de ramener le cœur des pères vers les fils”. Ce processus ne se résume pas à la techouva des fils, comme si nous disions : “nous, les religieux, nous sommes la crème du genre humain, et les laïcs en sont la mauvaise part ; mais comme nous les aimons, nous leur ferons faire techouva !”. Les choses ne sont pas ainsi. Chaque composante du peuple doit apprendre de l’autre. Un jour, dans un pays de l’exil, un Rav vit une chaise d’Éliahou Hanavi sur laquelle était écrit : “Il ramènera le cœur des fils vers les pères”. Il fit remarquer: “Mais il manque la première moitié du verset !” – On lui répondit: “Il n’y a pas besoin de ramener le cœur des pères vers les fils, mais seulement le cœur des fils vers les pères…” (!!!).

Un Rav raconte qu’à la fête de fin d’études de la classe de terminale du kibboutz Eïn Harod, on invita des jeunes de tous les secteurs de la population qui venaient de finir leur classe de terminale, et on leur demanda de parler de ce qu’ils avaient fait pendant cette dernière année. Parmi les invités, il y avait deux étudiants de la yéchiva Merkaz Harav, qui attirèrent l’attention parce qu’ils n’avaient pas le même mode de vie que le reste du public (ils n’allaient jamais au cinéma, etc), et qui racontèrent longuement en quoi consistait pour eux la vie religieuse. Vers la fin de la soirée, une femme se leva dans la salle et leur dit : “Cela fait déjà un bon moment que nous vous écoutons, mais moi je voudrais vous demander : qu’avez-vous à apprendre de notre kibboutz ?” – et ils répondirent qu’ils ne savaient pas. Quand ils revinrent, ils firent le récit de l’événement à notre maître le Rav Tsvi Yéhouda, et celui-ci en fut très fâché. Il leur dit : “C’est cela que vous avez appris pendant toute l’année à la yéchiva ?! Et qu’en est-il de votre implantation dans le pays ? de votre vie au travail ? de votre droiture et de votre dévouement ? …”

En effet, de même qu’il y a de quoi apprendre chez nous, de même nous avons de quoi apprendre du public qui n’est pas comme nous, pour tout ce qui concerne l’édification du pays, l’engagement dans l’armée, les activités agricoles et industrielles, et le peuplement du pays. Le prophète écrit : “Il ramènera le cœur des pères vers les fils, et le cœur des fils vers les pères”, dans cet ordre ! Il faut d’abord ramener le cœur des pères vers les fils, et ensuite les fils reviendront vers les pères. Cet article, ‘La Génération’, a été écrit essentiellement dans ce but, afin de ramener le cœur des pères vers les fils.

“Les douleurs de l’enfantement me saisirent” [Daniel 10, 16] – des contractions douloureuses qui n’aboutissent à rien, comme les douleurs de l’accouchement ; “Je m’en allai, amer, dans l’échauffement de mon esprit, et la main de l’Éternel pesait lourdement sur moi” [Ézéchiel 3, 14].