Les mains faiblissent, les genoux chancellent, le cœur défaille, et les yeux s’égarent en errant ici et là à la recherche d’un point de lumière, un désespoir terrible s’empara du peuple d’Israël à cette époque : pogroms en Europe, grande pauvreté en Terre d’Israël, et en plus l’abandon de la religion par la plus grande partie de la nation (80 %). Notre peuple était à la recherche d’une quelconque étincelle de consolation, d’un quelconque espoir, capable d’éclairer et de réchauffer, de ranimer à elle seule une flamme de sainteté, mais ils ne trouvent absolument rien.
Les pères sont effrayés et désespérés – par ‘les pères’, il faut entendre la communauté observante des mitsvot, et vis-à-vis d’eux les fils – c’est-à-dire les hilonim [laïcs] – sont remplis de colère et de fureur, les fils disant aux pères : “Vous nous étouffez et vous confisquez notre vie !”, “l’un ne connaît ni ne comprend la langue de l’autre” [d’après Genèse 11, 7]. C’est un problème de communication interculturelle : les pères et les fils ne parlent pas le même langage. Chacun s’enferme dans ses souffrances personnelles, chacun accuse son prochain, et lui fait porter le collier à lui seul. Et quant à faire revenir les cœurs l’un vers l’autre, et à plus forte raison faire se retrouver les mains dans une œuvre d’importance collective, il n’y a personne pour le vouloir ni l’exiger – il est évident que s’il n’y a pas de dialogue, il n’y a pas de collaboration possible.
Restaurer le partenariat entre les pères et les fils, “il ramènera le cœur des pères vers les fils, et le cœur des fils vers les pères” [Malachie 3, 24], c’est le travail d’Éliahou Hanavi [le Prophète Élie]. Le Rav notre Maître disait : “Je travaille pour Éliahou Hanavi afin de ramener le cœur des pères vers les fils”. Ce travail-là ne se résume pas à la techouva des fils, comme si nous disions : “nous, les religieux, nous sommes la crème du genre humain, et les laïcs en sont la mauvaise part, mais comme nous les aimons, nous leur ferons faire techouva !”. Les choses ne sont pas ainsi. Chaque composante du peuple doit apprendre de l’autre. Un jour, dans un des pays d’exil, un Rav vit une chaise d’Éliahou Hanavi sur laquelle était écrit : “Il ramènera le cœur des fils vers les pères”. Il fit remarquer: “Mais il manque la première moitié du verset !” – On lui répondit: “Il n’y a pas besoin de ramener le cœur des pères vers les fils, mais seulement le cœur des fils vers les pères…” (!!!).
Un Rav raconte qu’à la fête de fin d’études de la classe de terminale du kibboutz Eïn Harod, on invita des jeunes de toutes les catégories de la population qui avaient terminé leur 13e année, et on leur demanda de parler de ce qu’ils avaient fait pendant l’année écoulée. Parmi les invités, il y avait deux étudiants de la yéchiva Merkaz Harav, qui attirèrent l’attention parce qu’ils n’avaient pas le même mode de vie que le reste du public (ils n’allaient jamais au cinéma, etc), et qui racontèrent longuement en quoi consistait pour eux la vie religieuse. Vers la fin de la soirée, une femme se leva dans la salle et leur dit : “Cela fait déjà un bon moment que nous vous écoutons, moi je voudrais vous demander : qu’avez-vous à apprendre de notre kibboutz ?” – et ils répondirent qu’ils ne savaient pas. Quand ils revinrent, ils firent le récit de l’événement à notre maître le Rav Tsvi Yéhouda, et celui-ci en fut très chagriné. Il leur dit : “C’est cela que vous avez appris dans toute une année à la yéchiva ?! Et qu’en est-il de votre intégration au pays ? de votre vie de travail ? de votre droiture et de votre dévouement ?”.
De même qu’il y a des choses à apprendre de nous, nous avons aussi à apprendre de la population différente de nous pour tout ce qui concerne l’édification du pays, l’engagement dans l’armée, les activités agricoles, l’industrie et le peuplement du pays. Le prophète écrit : “Il ramènera le cœur des pères vers les fils, et le cœur des fils vers les pères”, dans cet ordre ! Il faut d’abord ramener le cœur des pères vers les fils, et ensuite les fils reviendront vers les pères. Cet article, ‘La Génération’, a été écrit essentiellement dans ce but, afin de ramener le cœur des pères vers les fils.
“Les douleurs de l’enfantement me saisirent” [Daniel 10, 16] – des contractions douloureuses qui n’aboutissent à rien, semblables aux douleurs de l’enfantement ; “Je m’en allai, amer, dans l’échauffement de mon esprit, et la main de l’Éternel pesait lourdement sur moi” [Ézéchiel 3, 14].