Notre maître le Rav Kook, grâce à l’inspiration sainte [Rouah Hakodech], pénétrait l’intérieur des âmes, comme il l’écrit dans Orot : “Voici que je vois de mes yeux monter la lumière de l’âme d’Éliahou” [Orot Hatéhiya 30]. Le Rav Kook voit la lumière du prophète Élie dissimulée dans les âmes. Il est écrit parfois : “nous voyons” au pluriel, mais c’est une correction des rédacteurs, pour préserver la modestie du langage.
Il y a des ‘âmes nouvelles’, et il y a des ‘âmes anciennes’. “Le fils de David ne viendra que lorsque toutes les âmes du ‘gouf’ seront épuisées [Yébamot 62a]. Il y a un réservoir appellé ‘gouf’ où Dieu a déposé au Commencement toutes les âmes qui devaient naître – cf. Rachi sur Avoda Zara 5a]” [Yébamot 62a]. L’épuisement du stock d’âmes anciennes est donc une condition préalable à l’avènement du Messie..
Dieu est le ‘Maître de toutes les âmes’. Quelle sorte d’âmes le Maître du monde a-t-il implantées dans cette génération ? Quand je saurai quelles sont ces âmes, je saurai comment étudier et comment enseigner. Mais bien entendu, il reste encore des âmes anciennes. Ce n’est pas en un jour que toutes les âmes seront remplacées, il y a une période de recouvrement.
Ce processus a commencé il y a environ 250 ans, avec le développement du mouvement de la ‘Haskala’. Rabbi Menaché d’Ilya, qui était l’élève et le compagnon d’étude du Gaon de Vilna, disait : “Je vois des âmes des temps pré-messianiques, c’est pour cela que le Maître du monde a envoyé l’âme du Gaon” [Alfé Menaché 1, 73, 1, 2]. Le Gaon de Vilna était aussi le rabbin des âmes nouvelles. Comment Rabbi Menaché d’Ilya voyait-il les âmes nouvelles ? Par Rouah Hakodech, ou par son intelligence ? Comme on le voit, cet article Maamar Hador ne concerne pas spécifiquement la génération des pionniers du sionisme, mais il concerne aussi bien celle de Rabbi Menaché d’Ilya, et toute la période de ces 250 dernières années.
Pour pouvoir établir un telle distinction entre les générations, il faut “analyser leur intériorité”, selon les mots du Rav. Et de quelle manière le faisait-il ? Par Rouah Hakodech. Quand fut publié le livre ‘Olat Réaïa, commentaire du Rav Kook sur la prière, le Rav Mordechaï Chmouel Karol, rav du Kfar Hassidim, dit après avoir lu l’explication donnée par le Rav notre maître dans le chapitre des korbanot : “Désormais il est impossible de cacher le fait que le Rav Kook est inspiré par le Rouah Hakodech, car on ne peut pas écrire de telles choses sans être inspiré par le Rouah Hakodech”.
Le Rav Hanazir nous montra un passage écrit de la main du Rav Kook (publié plus tard dans les Chmona Kevatsim [4, 17]), dans lequel il est écrit : “J’écoutai et j’entendis depuis les profondeurs de mon âme, depuis les émois de mon cœur, l’appel de la voix de l’Éternel, et je fus saisi d’un grand tremblement : suis-je descendu au point d’être un faux prophète, disant que Dieu m’a envoyé et la parole de l’Éternel ne m’a pas été dévoilée’ ? Et j’écoute la voix de mon âme qui murmure…”. Il est certain que le Rav notre maître avait un des niveaux du Rouah Hakodech. Toute la citation ci-dessus a été omise par le rédacteur du livre Orot Hakodech [Tome I, p. 157], et le chapitre commence par ce qui suit dans le manuscrit du Rav, avec des points de suspension pour signaler la coupure : “…Voici que jaillit le regain de la prophétie, les fils des prophètes se réveillent, l’esprit de la prophétie va rôder sur la Terre, il se cherche un refuge, il réclame pour lui des hommes vaillants, remplis de vigueur et de sainteté, qui sauront arranger les mots, qui diront la vérité véridique, qui raconteront comment la parole divine leur a été dévoilée, qui ne mentiront pas et ne s’adonneront pas à la flatterie, qui exprimeront fidèlement l’inspiration reçue”.
Quant à nous, nous devons tout expliquer de manière rationnelle. Le Rav notre maître savait-il certaines choses par Rouah Hakodech, et les expliquait-il ensuite de manière rationnelle, ou les comprenait-il par son intelligence de manière à éveiller en lui l’inspiration sainte ? Les deux réponses sont correctes, comme l’explique la Guemara à propos des Psaumes du Roi David [Pessahim 117a] : l’en-tête ‘Mizmor Lédavid’ signifie que c’est l’inspiration divine avait commencé de descendre sur lui, et qu’il avait immédiatement composé son poème ; et l’en-tête ‘Lédavid Mizmor’ signifie que l’inspiration s’était révélée à lui à la suite de ses efforts, et qu’alors seulement il avait commencé à écrire.