4. Les âmes nouvelles et les âmes anciennes

Notre maître le Rav Kook, grâce à l’inspiration sainte [Rouah Hakodech], pénétrait à l’intérieur des âmes, comme il l’écrit dans Orot“Voici que je vois de mes yeux monter la lumière de l’âme d’Éliahou [Orot Hatéhiya 30]. Le Rav Kook voit la lumière du prophète Élie dissimulée dans les âmes. Il est écrit parfois : “nous voyons” au pluriel, mais c’est une correction des rédacteurs, pour préserver la modestie du langage.

Il y a des âmes nouvelles’, et il y a des ‘âmes anciennes’. “Le fils de David ne viendra que lorsque toutes les âmes du ‘gouf’ seront épuisées [Yébamot 62a. Il y a un réservoir appellé ‘gouf’ où Dieu a déposé au Commencement toutes les âmes qui devaient naître – cf. Rachi sur Avoda Zara 5a]” [Yébamot 62a]. Autrement dit, il faut d’abord épuiser le stock d’âmes anciennes.

Dieu est le ‘Maître de toutes les âmes’. Quelle sorte d’âmes le Maître du monde a-t-il implantées dans cette génération ? Quand je saurai quelles sont ces âmes, je saurai comment apprendre et enseigner. Bien entendu il reste encore des âmes anciennes, ce n’est pas en un jour que toutes les âmes seront remplacées, il y a une période de recouvrement.

Ce processus a commencé il y a environ 250 ans, avec le développement du mouvement de la Haskala. Rabbi Menaché d’Ilya, qui était l’élève et le compagnon d’étude du Gaon de Vilna, disait : “Je vois des âmes des temps pré-messianiques, c’est pour cela que le Maître du monde a envoyé l’âme du Gaon” [Alfé Menaché 1, 73, 1, 2]. Le Gaon de Vilna était lui aussi le rabbin des âmes nouvelles. Comment Rabbi Menaché d’Ilya voyait-il les âmes nouvelles ? Soit par Rouah Hakodech, soit par son intelligence. Ce qui est écrit dans le présent article Maamar Hador ne concerne pas spécifiquement la génération des pionniers du sionisme, mais tout autant celle de Rabbi Menaché d’Ilya, et toute la période de ces 250 dernières années.

Pour pouvoir établir un tel critère distinctif entre les générations, il faut “analyser leur intériorité”, selon les mots du Rav. Et de quelle manière le faisait-il ? Par son Rouah Hakodech. Quand fut publié le livre ‘Olat Réaïa, commentaire sur la prière du Rav Kook, le Rav Mordechaï Chmouel Karol, rav du Kfar Hassidim, dit après avoir lu l’explication donnée par le Rav notre maître dans le chapitre des korbanot : “Désormais il est impossible de cacher le fait que le Rav Kook est inspiré par le Rouah Hakodech, car on ne peut pas écrire de telles choses sans être inspiré par le Rouah Hakodech”.

Le Rav Hanazir nous a montré un passage écrit de la main du Rav Kook (publié plus tard dans les Chmona Kevatsim [4, 17]), dans lequel il est écrit :

“J’écoutai et j’entendis depuis les profondeurs de mon âme, depuis les émois de mon cœur, l’appel de la voix de l’Éternel, et je fus saisi d’un grand tremblement : suis-je descendu au point d’être un faux prophète, disant que Dieu m’a envoyé et la parole de l’Éternel ne m’a pas été dévoilée’ ? Et j’écoute la voix de mon âme qui murmure…”.

Il est certain que le Rav notre maître avait un des niveaux de Rouah Hakodech. Toute cette citation a été omise par le rédacteur dans le livre Orot Hakodech [Tome I, p. 157], et le chapitre commence par la suite du manuscrit du Rav, avec des points de suspension pour signaler la coupure :

“…Voici que rejaillit le regain de la prophétie, les fils des prophètes se réveillent, l’esprit de la prophétie va rôder sur la Terre, il se cherche un refuge, il réclame pour lui des hommes vaillants, remplis de vigueur et de sainteté, qui sauront arranger les mots, qui diront la vérité véridique, qui raconteront comment la parole divine leur a été dévoilée, qui ne mentiront pas et ne s’adonneront pas à la flatterie, qui exprimeront fidèlement l’inspiration reçue”.

Nous, nous devons tout expliquer de manière rationnelle. Le Rav notre maître savait-il les choses par Rouah Hakodech et les expliquait-il ensuite de manière rationnelle, ou bien les comprenait-il par son intelligence de manière à éveiller chez lui l’inspiration sainte ? Les deux réponses sont correctes, comme l’explique la Guemara à propos du Roi David dans ses Psaumes [Pessahim 117a] : l’en-tête ‘Mizmor Lédavid’ signifie que l’inspiration divine avait commencé par descendre sur lui, et qu’il avait composé son poème immédiatement à partir de là ; et l’en-tête ‘Lédavid Mizmor’ signifie que l’inspiration s’était révélée à lui à la suite de ses efforts, et qu’alors seulement il avait commencé d’écrire.