(La Déclaration d’Indépendance – 14 mai 1948)
Traduction simple :
Dans l’Assemblée d’Israël se dégage une couleur propre : les forces vont en se développant, et progressivement lui reviennent la sagesse, le courage, la droiture et la pureté intérieure. Progressivement la nation se construit, elle se répare en vue de sa Délivrance, une Délivrance universelle, et elle s’épanouit dans l’éclat de sa perfection.
Du fait des innombrables vagues de malheurs qui déferlent sur elle, venant de tous les peuples et de toutes les dispersions, elle acquiert un riche capital de connaissances, et une vision de haut vol qui porte loin ; elle ajoute les côtés purs de l’extérieur à son patrimoine propre. La fierté nationale se renforce et la conscience de soi grandit, la nation sait désormais qu’elle a une terre, qu’elle a une langue et une littérature, qu’elle a une armée – elle a commencé d’en prendre conscience pendant cette guerre mondiale.
Et par–dessus tout, elle sait qu’elle possède la couronne de Lumière de sa vie particulière, qui couronne le monde entier à travers elle. Et toutes ces choses ensemble lui apprennent à connaître sa richesse : que sa force est dans le Dieu de vérité.
Commentaire du Rav Aviner :
Dans les dernières générations, le Peuple d’Israël a commencé de s’élever peu à peu vers la Résurrection. Il y a une situation où l’exil est absolu, il y a une situation où la Délivrance domine, et il y a une situation intermédiaire où “la lumière et l’obscurité servent mêlées” [v. Rachi sur Genèse 1, 4]. Quand tout est obscur, ou quand tout est lumineux, chacun le sait, mais dans la situation intermédiaire il est difficile de savoir exactement ce qui se passe. Il faut un esprit courageux pour reconnaître que la nation se lève effectivement vers la Résurrection, tout en sachant que le chemin est encore long ; et inversement pour reconnaître qu’il y a beaucoup de défauts qui nécessitent une correction, sans être empêché de voir qu’effectivement nous avançons, et que nous nous levons vers la Résurrection.
Certes, le peuple éternel provient de la source de l’éternité : « Parce que Moi, l’Éternel, Je n’ai pas changé, vous, les fils de Yaakov, vous n’avez pas été anéantis » [Malachie 3, 6] ; mais en exil son être profond était renfermé et mis au secret, et nous n’étions qu’une “religion humiliée” [Livre du Kouzari]. Dans les ténèbres de l’exil nous étions un peuple mort, des “ossements desséchés” [Ézéchiel chap. 37] et décomposés, “un peuple unique dispersé et divisé parmi les peuples” [Esther 3, 8]. Mais à présent, et peu à peu, dans l’Assemblée d’Israël se dégage une couleur propre, notre caractère particulier se manifeste, ses forces vont en se développant, les forces dormantes, enfouies dans les profondeurs de la nation, se mettent en marche, et progressivement lui reviennent la sagesse, le courage, la droiture et la pureté intérieure, pas seulement comme un phénomène individuel, mais surtout comme un phénomène national.
– progressivement lui reviennent la sagesse... un peuple qui ne se trouve pas sur sa terre est un peuple sans discernement, qui ignore la réalité dans toute sa profondeur et sa vérité. Cependant, la situation actuelle, où le Peuple d’Israël revient sur sa terre, montre que la sagesse nous revient effectivement, car “l’air du pays d’Israël rend intelligent” [Baba Batra 158b].
– le courage… en exil, le Peuple d’Israël était sous la malédiction de la peur : “Dans les pays de leurs ennemis, Je mettrai la lâcheté dans leur cœur : le bruit d’une feuille qui tombe les poursuivra et ils s’enfuiront comme devant l’épée, ils tomberont sans que personne ne les poursuive” [Lévitique 26, 36]. La peur est une faiblesse de caractère, une déconstruction et un effondrement. Nous étions incapables de donner le change à tous ceux qui nous rouaient de coups, pas simplement par inaptitude physique, mais surtout par incapacité psychologique ! Mais notre force de caractère se reconstitue peu à peu. Nous redevenons des braves qui opposent un front d’airain à leurs ennemis. Nous retrouvons à la fois le courage physique et le courage de la pensée. Les gens ‘n’avalent’ plus automatiquement toutes les histoires qu’on leur raconte, mais ils vérifient et ils discutent, ils ne se laissent pas convaincre facilement…
La droiture… contrairement à l’exil, où la pensée était dévoyée…
Et la pureté intérieure… nous nous nettoyons de la boue de l’exil, de la souillure de l’impureté, et de l’influence générale de l’exil.
Progressivement la nation se construit, elle se répare – intérieurement – en vue de sa Délivrance, une Délivrance universelle, et elle s’épanouit dans l’éclat de sa perfection.
Du fait des innombrables vagues de malheurs qui déferlent sur elle, venant de tous les peuples et toutes les Dispersions – après tous les malheurs, les persécutions et les massacres qui eurent lieu dans toutes les Dispersions, nous sortons finalement dotés d’une grande richesse : elle – la nation – acquiert un riche capital de connaissances, de pensées, de concepts, de compréhensions, de points de vue et d’aptitudes, et une vision de haut vol qui porte loin – notre horizon va en s’élargissant, car le Peuple d’Israël est un peuple universel et ‘cosmopolite’, un peuple des Mondes qui possède le regard des Mondes. Et comme il est le « cœur des peuples » [Kouzari 2, 36 ; Zohar 3, 221], quand il est disséminé parmi eux il peut absorber tout le bien qu’il y trouve, ce qui lui donne une largeur de vue illimitée ; c’est tout le contraire d’un peuple qui ne voit les choses qu’à partir de son schéma national particulier. Ce peuple–là voit loin, il saisit et comprend profondément la réalité des Mondes, d’un bout à l’autre.
Elle – la nation – ajoute les côtés purs de l’extérieur à son patrimoine propre. Le Peuple d’Israël a un “patrimoine propre” qui est la Thora. Notre rapport à la Thora fait de nous “un peuple qui réside solitaire, et qui n’est pas compté parmi les nations” [Nombres 23, 9] (les peuples du monde n’ont aucun contact avec ces aspects–là). Mais nous avons de plus nos propres côtés universels. Nous prenons chez les nations les éléments positifs, pourvu qu’ils soient compatibles avec notre propre tradition. Nous sommes ouverts, prêts à écouter les autres et à apprendre d’eux. Cependant nous n’acceptons pas tout, mais seulement ce qui s’accorde avec notre tradition.
La fierté nationale se renforce, nous sommes jaloux de l’honneur de notre peuple. Un fierté nationale de bon aloi se développe chez nous, celle d’être un peuple sur sa terre, et pas seulement des Juifs dispersés ici et là, et la conscience de soi grandit. Bien sûr, tout cela se produit peu à peu, la nation sait désormais qu’elle a une terre, qu’elle a une langue et une littérature – la Terre reprend vie, et avec elle la langue renaît, qu’elle a une armée – elle a commencé d’en prendre conscience pendant cette guerre mondiale. Pendant la Première Guerre Mondiale sont apparus les prémices de l’armée d’Israël – le “Corps des Muletiers de Sion”, premier bataillon juif de l’armée britannique en 1915. Ce furent les débuts des futurs officiers supérieurs de Tsahal, qui y reçurent leur première formation. En vérité, tous les peuples du monde ont une terre, une langue, une littérature et une armée, ce sont des leçons positives que nous avons apprises chez eux, et qui nous ont préparés à la création de notre état.
Et par–dessus tout, elle sait qu’elle possède la couronne de Lumière d’une vie particulière– la Thora est la ‘Lumière de la vie particulière’ du Peuple d’Israël – qui couronne le monde entier à travers elle. Notre grandeur particulière n’appartient pas qu’à nous, mais elle est dédiée au monde entier : “Et Je ferai de toi une grande nation, Je te bénirai et J’agrandirai ton nom, sois une bénédiction !” [Genèse 12, 2].
Et toutes ces choses ensemble lui apprennent à connaître sa richesse – dans son subconscient, dans l’intériorité de son âme : que sa force est dans le Dieu de vérité. Notre force et notre richesse sont notre attachement au Dieu de vérité.