(Vue de Tel Aviv)
Traduction simple :
La créativité propre à Israël, tant dans la pensée que dans les actes de la vie et ses réalisations, n’est possible au Peuple d’Israël qu’en Terre d’Israël. Cependant, dans tout ce que fait le Peuple d’Israël en Terre d’Israël, l’aspect universel s’estompe devant l’aspect propre à Israël, pour le plus grand bonheur d’Israël et du monde.
Les fautes qui sont cause de l’exil sont celles qui souillent [notre] source particulière, et la font relâcher des écoulements impurs – “Il a rendu la demeure de l’Éternel impure”. Et quand cette source, qui nous est propre et spécifique, est neutralisée, [notre] ressourcement fondamental s’élève vers la part supérieure et primordiale qui est celle d’Israël dans la spécificité humaine, qui ne peut être récupérée qu’en exil. Alors, la Terre d’Israël se dévaste et se désole, et sa ruine fait expiation pour elle.
La source [qui nous est propre] cesse de couler, et elle décante peu à peu. L’expression de la vie et de la pensée passe [désormais] par le canal général, qui se ramifie dans le monde entier – “Comme les quatre vents du ciel Je vous ai déployés”, jusqu’à ce que cessent les écoulements impurs particuliers, et que la force de la source revienne à sa pureté.
Alors, l’exil devient complètement odieux, il est superflu. La lumière universelle revient jaillir de la source propre et spécifique d’Israël dans toute sa puissance. La lumière du Messie qui rassemble les exilés, commence d’apparaître, et le son mélancolique des pleurs de Rachel, qui se lamente pour ses enfants, s’adoucit sous l’afflux des consolations : “Retiens les pleurs de ta voix et les larmes de tes yeux, car il y aura un salaire pour tes actes, parole de l’Éternel : ils reviendront du pays de l’ennemi, et il y a un espoir pour ta postérité, parole de l’Éternel : les enfants reviendront à l’intérieur de leurs frontières”.
Et la créativité de notre vie particulière, dans toute sa lumière et sa spécificité, abreuvée de la rosée de richesse universelle du “Géant parmi les géants” (la bénédiction d’Avraham), revient se dévoiler précisément grâce à ce retour : “ ‘Sois bénédiction’ ‒ on conclut par toi”.
Commentaire du Rav Aviner :
La Guemara de Yébamot [63a] affirme que : “Tout homme qui n’a pas de femme n’est pas un homme”, et de façon semblable : “Tout homme qui n’a pas de terrain n’est pas un homme”. À plus forte raison, toute nation qui n’a pas de terre n’est pas une nation ! De même que l’arbre planté dans un milieu inadapté peut tout au mieux survivre, alors que sur son terrain naturel il est plein de vie, il se développe et il fleurit, de même le Peuple d’Israël : tant qu’il est en exil, tout au mieux il survit, et c’est seulement en Terre d’Israël qu’il vit et qu’il exprime son potentiel*.
Puisque le Peuple d’Israël* ne se trouve dans toute sa vigueur authentique que lorsqu’il habite sur sa terre, il va de soi que la créativité propre d’Israël, tant dans la pensée – sa créativité intellectuelle, spirituelle, artistique, culturelle et éducative – que dans les actes de la vie et dans ses réalisations – la créativité d’Israël dans les activités concrètes et pratiques – n’est possible au Peuple d’Israël qu’en Terre d’Israël* alors qu’en exil, il nous est difficile de créer une œuvre authentiquement israélienne*, et que de toute façon une telle œuvre ne saurait avoir de force.
Cependant, bien qu’en–dehors de la Terre d’Israël la “créativité propre à Israël” est impossible, dans tout ce que fait le Peuple d’Israël en Terre d’Israël, l’aspect universel s’estompe devant l’aspect propre à Israël*, en Terre d’Israël nous devenons de plus en plus israéliens, et même dans leur dimension générale, nos qualités humaines prennent une forme israélienne. Mais alors, se pourrait-il que nous devenions sectaires, ‘provinciaux’, chauvins, renfermés et nationalistes, et que nous perdions contact avec le genre humain ? – Absolument pas, ceci est pour le plus grand bonheur d’Israël et du monde*. C’est ce qu’écrit le Or Hahaïm Hakadoch dans son commentaire sur Exode 19, 7 : “Heureux le monde qui a cette nation en lui !”, car lorsque le Peuple d’Israël sera vraiment lui-même, il fera rayonner la lumière et la bénédiction sur l’humanité entière, et il trouvera un remède à tous ses maux.
Chaque transgression entraîne une punition “mesure pour mesure” [Sanhédrin 90a]. Cependant, la punition n’a jamais pour but la vengeance*, à Dieu ne plaise, mais la réparation. Et puisque “nous avons été exilés de notre terre à cause de nos fautes” (prière de Moussaf des trois fêtes), il faut préciser quelles fautes il s’agit de réparer. Les fautes qui sont cause de l’exil sont celles qui souillent [notre] source particulière…* – les fautes qui entraînent la punition de l’exil sont celles qui altèrent notre authenticité nationale, et il en résulte que la possibilité de produire une création israélienne originale est compromise. Quand nous sommes en Terre d’Israël, nous restons fidèles à notre originalité. Mais voilà que cette originalité se décompose et se pourrit ?! Alors, le Saint-Béni-Soit-Il nous la retire et nous renvoie parmi les peuples. Là, dans les affres de l’exil, nous sommes moins israéliens, et davantage humains–universels*.
… et la font – notre ‘source particulière’ – relâcher des écoulements impurs : “Il a rendu la demeure de l’Éternel impure”* [Nombres 19, 13] ‒ l’enceinte intérieure du Sanctuaire. Et quand cette source, qui nous est propre et spécifique – quand le courant de vie d’Israël, le naturel d’Israël – est devenue neutralisée, il est nécessaire ‘d’aller en maison de convalescence’. Alors, [notre] ressourcement fondamental s’élève vers la part supérieure et primordiale – condensée – qui est celle d’Israël dans la spécifité humaine* – chaque peuple représente une variante particulière de l’universel humain, et le peuple d’Israël en constitue la variante la plus haute, la plus intérieure et la plus brillante : “Vous êtes appelés ‘Adam’” [Yébamot 61a]. Quand l’image divine d’Israël est défigurée, nous abandonnons notre source particulière et nous retournons à l’image divine de l’homme dans sa dimension générale*, et qui ne peut être récupérée qu’en exil, parce qu’en exil nous nous trouvons parmi les peuples, et que nous pouvons capter chez eux les valeurs humaines universelles, et les intégrer à notre construction spirituelle*.
Alors, la Terre d’Israël se dévaste et se désole, et sa ruine fait expiation pour elle. Cette destruction répare vraiment les choses à la racine*, car puisque nous nous retrouvons coupés de notre territorialité et de notre spécificité, nous devenons des citoyens du monde.
Comme nous l’avons dit, quand la nation était installée sur sa terre, elle créait et elle construisait dans la vérité. Mais peu à peu ces créations sont devenues indigentes et précaires, jusqu’à ce que “la source relâche des écoulements impurs”, et que nous pervertissions nos voies. Il fallut donc boucher cette “source particulière” et bannir la Terre de notre vie nationale. Alors, la source [qui nous est propre] cesse de couler, et elle décante peu à peu, elle se sépare du “rebut malodorant” [Lamentations 3, 45] qui était en elle, dans la collectivité d’Israël pervertie et dans ses œuvres corrompues, mêlées d’un chaos d’impureté et de pureté enchevêtrées.
L’expression de la vie et de la pensée, qui ont bien sûr continué chez nous, même quand nous étions en exil, passe [désormais] par le canal général – universel – qui se ramifie dans le monde entier – nous ne sommes bien sûr plus en Terre d’Israël, ni sous la surveillance directe du Saint-Béni-Soit-Il, mais dispersés parmi les nations et sous la surveillance des leurs anges tutélaires* : “Comme les quatre vents du ciel Je vous ai déployés” [Zacharie 2, 10]. La Guemara de Ta’anit [3b] précise qu’il n’est pas dit “dans les quatre vents” – c’est-à-dire dans les quatre directions -, mais “comme les quatre vents”, car “de même que le monde ne peut exister sans ‘directions’ – points cardinaux –, il ne peut exister sans Israël”. C’est à dire que le Peuple d’Israël a été dispersé dans le monde entier, jusqu’à ce qu’il en devienne un constituant essentiel*.
…jusqu’à ce que cessent les écoulements impurs particuliers, et que la force de la source revienne à sa pureté. Au début, nous avons abandonné le canal spécifique d’Israël, nous nous sommes dispersés dans le monde entier, et nos actions sont passées par le canal général de l’humanité, afin de laisser le canal d’Israël se reposer et se rétablir. Et maintenant, après deux mille ans d’exil, ce canal a fini de s’assainir, il est revenu à sa pureté*, et le Peuple d’Israël est revenu sur sa terre.
Le signe manifeste que la ‘source particulière’ s’est assainie est que le Peuple d’Israël est dégoûté de l’exil* : alors, l’exil devient complètement odieux, il est superflu. Tout l’acquis positif de notre séjour en exil reçoit maintenant le cachet spécifique d’Israël : la lumière universelle revient jaillir de la source propre et spécifique d’Israël dans toute sa puissance, de nouveau nous recevons cette lumière par la source particulière d’Israël*. La Lumière du Messie, qui rassemble les exilés, commence d’apparaître*, et le son mélancolique des pleurs de Rachel, qui se lamente pour ses enfants, s’adoucit sous l’afflux des consolations. Le prophète décrit ceci : “Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive et des sanglots amers, c’est Rachel qui pleure pour ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler pour ses fils qui ne sont plus” [Jérémie 31, 15]. Cependant, ces pleurs amers, sur le bris et l’exil de la nation, sont adoucis et consolés par l’apparition de la Lumière du Messie, et par le rassemblement des exilés d’Israël* : “Retiens les pleurs de ta voix et les larmes de tes yeux, car il y aura un salaire pour tes actes, parole de l’Éternel : ils reviendront du pays de l’ennemi, et il y a un espoir pour ta postérité ; parole de l’Éternel, les enfants reviendront à l’intérieur de leurs frontières” [ibid. 16-17].
Et la créativité de notre vie particulière, au moment où nous redevenons Israël dans toute sa lumière et sa spécificité, quand tout prend une forme exclusivement israélienne, abreuvée de la rosée de richesse universelle du “Géant parmi les géants”*, Avraham notre père, ce qui existait chez lui au niveau individuel se retrouve chez nous au niveau du peuple, de sorte que nous ne perdons pas la dimension universelle, mais nous la recevons par notre canal propre (La bénédiction d’Abraham ‒ “Par toi seront bénies toutes les familles de la Terre” [Genèse 12, 3]), revient se dévoiler précisément grâce à ce retour. Avraham notre père reçut ce commandement : “Va-t’en pour toi de ton pays, du lieu de ta naissance et de la maison de ton père, vers le pays que Je te montrerai, et Je ferai de toi une grande nation, Je te bénirai et Je ferai grandir ton nom. Sois une bénédiction !” [Genèse 12, 1-2]. C’est seulement grâce à ce départ pour la Terre d’Israël que s’est réalisée la bénédiction : “Par toi seront bénies toutes les familles de la Terre”.
De même, nous aussi, le Peuple d’Israël, nous devons revenir sur notre terre et y constituer “une grande nation”, afin de devenir ainsi une bénédiction pour l’humanité entière. Car plus nous sommes israéliens, plus nous sommes universels, et c’est seulement de cette manière que nous pouvons amener la bénédiction sur l’humanité entière : “‘Sois bénédiction’ – on conclut par toi” [Pessahim 117b].