(Marc Chagall – Bouquet, détail)
Traduction simple :
L’Âme est pleine de lettres emplies de lumière de vie, emplies de connaissance et de volonté, emplies de profondeur du regard et d’existence pleine. À partir de la splendeur de ces lettres vivantes se remplissent de rayonnement de vie tous les autres niveaux de la construction vitale, correspondant aux différentes couches de la volonté, de la connaissance et de l’action, de l’esprit et de l’âme dans tous leurs domaines .
[1] Quand nous abordons une mitsva, elle est toujours pleine d’un rayonnement de vie de tous les mondes. Chaque mitsva est pleine de lettres grandes et merveilleuses, émanant des 613 mitsvot rattachées à chaque mitsva, provenant de la vie de tous les mondes qui est dans le secret de la foi. La Lumière radieuse du Dieu vivant, la lumière du Vivant des mondes, vit en pleine harmonie dans la splendeur de chaque mitsva.
Aussitôt que nous abordons une mitsva pour l’accomplir, grandissent toutes les lettres vivantes qui constituent notre essence ; nous grandissons et nous nous renforçons, nous nous fortifions dans une lumière de vie et d’existence suprême, grandiose, riche de la richesse du Saint des mondes, dans une lumière de Thora et dans un rayonnement de Sagesse.
Les lettres des sources de la Thora affluent vers nous, et en face d’elles s’élèvent les lettres de vie emplies de rayonnement et de lumière intérieure de notre être. Et il se forme une effervescence créatrice de mondes.
Un dynamisme de joie sereine, une exultation de sainteté et une jubilation de délices se constituent à l’intérieur de notre esprit, et dans tout l’univers se renouvellent la lumière et la vie. Grâce à nous, le monde penche du côté du mérite, et sur tous les visages apparaît un surcroît de lumière et de droiture, de volonté et de plénitude intérieure.
[2] En Terre d’Israël, les lettres de notre âme grandissent, là elles révèlent leur brillance, elles tirent une vitalité propre du rayonnement de vie de l’Assemblée d’Israël, elles sont alimentées directement au secret de leur création originelle. L’air du Pays d’Israël suscite la croissance fraîche de ces lettres de vie dans une splendeur magnifique, une agréable amitié et une intrépidité retentissante, joyeuse et emplie d’un flot de sainteté, “[Sera déclaré saint…] quiconque est inscrit pour la vie à Jérusalem” [Isaïe 4, 3].
L’espoir de voir la beauté d’une terre chérie, le désir ardent de la Terre d’Israël, font croître les lettres de sainteté, les lettres de vie proprement israéliennes qui sont dans l’intériorité de notre être, ils les font croître d’un grandissement spirituel intérieur. “L’un y est né, et l’autre espère la voir” [Ketoubot 75a] ; “et de Sion on dira : ‘celui-ci et celui-là y sont nés’, et Lui [l’Eternel] l’établira [Sion] en-haut. L’Éternel comptera dans le registre des peuples : ‘celui-ci y est né’ -Sélah.” [Psaumes 87, 5-6]
[3] Le ‘Jugement’, pilier central sur lequel s’appuie tout l’édifice, est “comme une princesse qui marche avec les pans de sa robe de part et d’autre, [représentant] les jugements et la centralité de la Thora” [Midrach Rabba, Michpatim, paracha 30, § 3]. Ils sont l’essence de la vie, le “Jugement des Bnei Israël” [Exode 28, 30], l’essence du désir de l’âme qui imprègne l’âme du Messie, [surnommé] “le souffle de nos narines” [Lamentations 4, 20], celui qu’on appellera “L’Éternel est notre Droit” [Jérémie 23, 6], qui dévoilera la lumière du jugement divin sur la Terre avec une force souveraine, abolissant toute guerre et toute effusion de sang.
Le Jugement des Bnei Israël sur le cœur d’Aharon, condensé des lettres de l’âme de tout Israël, rayonne sur les ‘Ourim et Toummim’ : “elles se mettent en relief ou s’associent” [Yoma 73b].
Commentaire du Rav Aviner :
Les concepts abordés dans ce chapitre sont tirés de l’Intériorité de la Thora*. Ils expliquent la profondeur du lien entre l’homme d’Israël et la Terre d’Israël à partir du processus qui se déroule à l’intérieur de l’âme juive quand elle se trouve en Terre d’Israël.
L’âme est la force vitale de l’homme, la vie divine qui est en lui : “la part de Dieu venue d’en-haut” [Job 31, 2] ; “L’âme de l’homme est une lumière divine” [Proverbes 20, 27]. L’âme est une réalité éternelle qui existe avant le corps, après le corps et au-dessus de lui, et dont une parcelle seulement se dévoile dans le corps*. L’âme est pleine de lettres. Tout comme le monde matériel est composé d’atomes, l’âme est composée de lettres qui en sont les molécules élémentaires. L’âme ne constitue pas une entité uniforme, mais elle est composée d’une multitude de lettres qui composent sa vie dans l’unité et l’harmonie. Ces lettres de vie, qui sont les briques de l’édifice spirituel de l’homme*, et qui se trouvent dans l’âme de tout homme*, sont emplies de lumière de vie, pas d’une simple lumière, mais d’une lumière qui confère la vie, l’existence et la réalité*. Ces lettres sont emplies de connaissance* et de volonté*, emplies de profondeur du regard, elles influencent le regard de l’âme et sa vision du monde*, elles permettent à l’âme de contempler la réalité en profondeur et non de manière superficielle, et d’existence pleine, car lâme a une réalité authentique et une existence intrinsèque, contrairement au corps qui n’est que ‘l’ombre de l’âme’*. L’âme se définit comme quelque chose qui est lumière, vie, connaissance, volonté, profondeur du regard et pleine réalité, et tout cela en rapport avec les lettres qui s’y trouvent.
À partir de la splendeur de ces lettres vivantes se remplissent de rayonnement de vie tous les autres niveaux de la construction vitale – ainsi, l’essentiel de la force de vie de l’homme est ancré dans les lettres de son âme, qui sont la source de toutes les capacités humaines. Tous les niveaux de la vie et ses manifestations, le corps, le psychisme, la pensée, l’intellect, l’imagination, l’activité et la créativité, tout cela commence par l’âme. L’homme a la possibilité, soit de laisser ces puissantes forces spirituelles en sommeil, soit de les mettre en œuvre, et de remplir ainsi de “rayonnement de vie” tous les niveaux de sa vie – correspondant aux différentes couches de la volonté, de la connaissance et de l’action, car il y a différentes couches dans la volonté de l’homme, dans les concepts et dans les motivations qui le poussent l’action et à la réalisation. Ces ‘couches’ se présentent différemment dans le psychisme du petit enfant et dans celui de l’adulte. Ces couches, “les couches de la volonté, de la connaissance et de la créativité”, sont celles de l’esprit et de l’âme dans tous leurs domaines, ce sont elles qui se remplissent de “la splendeur de ces lettres vivantes”.
[1] – Comment active-t-on le potentiel de ces lettres de l’âme ? Comment les fait-on projeter leur lumière ? Pour remplir ce rôle, il existe des canaux de vie que sont les mitsvot. La mitsva se définit comme une action par laquelle l’homme se remplit de vie : “Vous garderez mes décrets et mes jugements, que l’homme accomplira et par lesquels il vivra ; Je suis l’Éternel” [Lévitique 18, 5].
Quand nous abordons une mitsva, elle est toujours pleine d’un rayonnement de vie de tous les mondes. Toute la vitalité de tous les mondes se trouve dans chaque mitsva. Chaque mitsva est pleine de lettres grandes et merveilleuses, émanant des 613 mitsvot rattachées à chaque mitsva. En apparence, chacune est une entité individuelle en tant que telle, il y a une mitsva pour l’ablution des mains, une mitsva pour les aliments qu’on met en bouche, une mitsva pour sanctifier le jour du Chabbat, etc. Mais en réalité, chaque mitsva est une petite partie d’un grand ensemble unitaire. Quand l’homme accomplit une petite mitsva, il est relié simultanément à toutes les mitsvot, comme le précise la prière qu’on a coutume de réciter avant l’accomplissement d’une mitsva : “Pour l’unification du Saint-Béni-Soit-Il et de sa Chekhina dans la crainte et dans l’amour, pour unir le nom formé de ‘youd ké’ et de ‘vav ké’ [les deux moitiés du Tétragramme] dans une unification parfaite, au nom de tout Israël…, qu’il soit agréé devant Toi, Éternel notre Dieu et Dieu de nos pères, que [telle] mitsva soit considérée devant le Saint-Béni-Soit-Il comme si je l’avais accomplie dans tous ses détails, ses précisions, ses intentions, avec les 613 mitsvot qui lui sont liées”.
Ainsi, chaque mitsva est complexe, et intégrée dans l’ensemble de toutes les mitsvot. Il en résulte que chaque mitsva est remplie de millions de lettres*. Il y a donc dans chaque mitsva de grandes et puissantes forces vitales provenant de la vie de tous les mondes qui est dans le secret de la foi. Et puisque la foi est l’ensemble et que les mitsvot sont les éléments, l’implication globale de l’homme dans sa foi l’amène à la concrétiser pratiquement pat l’accomplissement de chacune des 613 mitsvot *.
Le Rav revient insister sur ce qu’il écrivait dans la phrase précédente : la lumière radieuse du Dieu vivant, la lumière du Vivant des mondes – la lumière divine qui se répand dans tous les mondes*, car il y a de nombreux mondes que nous ne connaissons pas, il y a des mondes matériels et des mondes spirituels, des mondes inférieurs et des mondes supérieurs, mais leur point commun à tous est d’être chacun une création divine, et de recevoir la vie de la “lumière du Vivant des mondes”, cette lumière puissante et merveilleuse qui vit en pleine harmonie dans la splendeur de chaque mitsva. C’est ainsi que dans la plus petite mitsva se cachent des lumières qui convoient la vie à tous les mondes ! “Ta mitsva est extrêmement vaste” [Psaumes 119, 96] ; “Que la bienveillance de l’Éternel notre Dieu soit sur nous ! L’action de nos mains, affermis–la pour nous, l’action de nos mains, affermis–la !” [Psaumes 90, 17].
Aussitôt que nous abordons une mitsva pour l’accomplir, grandissent toutes les lettres vivantes qui constituent notre essence. Quand un homme aborde une mitsva pour l’accomplir, les lettres de son âme ‘s’allument’ ; et pas seulement les lettres qui correspondent à cette mitsva, mais “toutes les lettres”, tout son être s’élève, s’amplifie et se renforce. Parfois il le ressent, comme il est écrit : “La lumière est une semence pour le juste, et pour les hommes au cœur droit elle est une joie” [Psaumes 97, 11] ; “Les ordres de l’Éternel sont droits, ils réjouissent le cœur ; la mitsva de l’Éternel est pure, elle éclaire les yeux” [Psaumes 19, 9]. Mais dans tous les cas, ce phénomène par lequel la mitsva ‘crée des ondes’ et renforce la lumière de l’âme* a bien lieu, même s’il n’est pas ressenti. Nous grandissons et nous nous renforçons, nous nous fortifions dans une lumière de vie – “[Vous garderez mes décrets et mes jugements, que l’homme accomplira] et par lesquels il vivra” [Lévitique 18, 5] – et pas dans une vie misérable et mesquine, mais dans une vie d’existence sûpreme, grandiose, riche de la richesse du Saint des mondes, dans une lumière de Thora et un rayonnement de sagesse.
Les lettres des sources de la Thora affluent vers nous comme des rivières et des fleuves chargés de millions de lettres. La Thora elle-même est constituée de livres formés de chapitres composés de phrases qui regroupent des mots formés de lettres, et en face d’elles s’élèvent les lettres de vie emplies de rayonnement et de lumière intérieure de notre être. Comme nous l’avons dit, il y a des lettres dans la Thora et des lettres dans l’âme, et entre les deux il y a une parfaite identité, ce qui est écrit dans l’une est aussi écrit dans l’autre. La différence est que dans la Thora ce sont des lettres écrites, alors que dans notre âme elles sont vivantes : “Israël et la Thora sont une seule chose*” [Zohar (III) 73, 1]. Quand les deux sortes de lettres se rencontrent, dans une situation où un Juif accomplit des mitsvot de la Thora, ces lettres ‘s’allument’, et il se forme une effervescence créatrice de mondes, par la conjugaison des lettres de l’âme avec les lettres de la Thora.
Quand nous accomplissons des mitsvot, un dynamisme de joie sereine, une exultation de sainteté et une jubilation de délices se constituent à l’intérieur de notre esprit, et pas seulement en nous : comme nous sommes reliés à tout ce qui existe, dans tout l’univers se renouvellent la lumière et la vie*, qu’on le ressente ou non. Grâce à nous, le monde penche du côté du mérite*, et sur tous les visages apparaît un surcroît de lumière et de droiture, de volonté et de plénitude intérieure, et tout cela par l’accomplissement d’une seule mitsva ! La mitsva change le monde au point de le rendre méconnaissable, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune ressemblance entre la réalité d’après la mitsva et celle d’avant la mitsva. Ce n’est plus la même réalité* !
[2] – Lorsque l’âme rencontre la Terre d’Israël, il se produit un phénomène semblable à la rencontre avec la Mitsva : en Terre d’Israël, les lettres de notre âme grandissent. Cette lumière divine, qui se déploie et qui descend des hauteurs célestes pour former les lettres de l’âme et les lettres de la Thora, est aussi la lumière qui demeure en Terre d’Israël et y forme ses lettres. C’est pourquoi le simple fait qu’un homme d’Israël se trouve en Terre d’Israël, même s’il ne pratique pas les mitsvot*, dévoile les lettres de son Âme. Là, elles révèlent leur brillance, les lettres enfouies au fond de l’âme apparaissent et grandissent en Terre d’Israël*, elles tirent une vitalité propre du rayonnement de vie de l’Assemblée d’Israël, de l’âme de la nation, et c’est seulement en Terre d’Israël que nous vivons notre vie authentique, naturelle et normale ; elles – les lettres de l’âme – sont alimentées directement au secret de leur création originelle*, car en Terre d’Israël, le courant s’écoule directement vers les lettres de l’âme depuis la source suprême*.
L’air du Pays d’Israël suscite la croissance fraîche de ces lettres de vie – c’est seulement en Terre d’Israël que nous vivons vraiment : “L’air de notre pays fait vivre les âmes*” [Rabbi Yéhouda Halévy, Cantiques, ‘Tsion Halo Tichali’] – dans une splendeur magnifique, non pas comme un apport étranger imposé de l’extérieur, mais dans une agréable amitié, une amitié de l’âme*, et dans une concordance profonde entre le Peuple d’Israël et la Terre d’Israël, non pas dans la faiblesse, mais dans la force intérieure et dans une intrépidité retentissante, comme : “Yéhouda est un jeune lion” [Genèse 49, 9] qui gambade “sur les hauts–lieux de la Terre” [Deutéronome 32, 13], sur cette terre “où tu ne mangeras pas le pain avec parcimonie, où tu ne manqueras de rien, une terre où les pierres sont de fer, et où tu extrairas le cuivre des montagnes” [Deutéronome 8, 9] ; et tout cela de façon joyeuse, car nous ne sommes joyeux qu’en Terre d’Israël, “joie de toute la Terre” [Psaumes 48, 3], “car on ne peut se réjouir qu’en habitant la Terre d’Israël” [Or Hahaïm Hakadoch sur Deutéronome 26, 1], et emplie d’un flot de sainteté, parce qu’en Terre d’Israël apparaît la vie : “[Sera déclaré saint…] quiconque est inscrit pour la vie à Jérusalem” [Isaïe 4, 3], car celui qui habite à Jérusalem, et dans toute la Terre d’Israël, c’est lui l’homme vivant ! C’est ainsi que la Terre d’Israël agit sur les lettres de l’âme de l’homme d’Israël.
Mais ce n’est pas seulement celui qui est physiquement en Terre d’Israël dont les lettres de l’âme grandissent, il en est de même pour celui qui est entièrement rempli d’attente authentique de la Terre d’Israël. En effet, l’espoir de voir la beauté de cette terre chérie, même chez celui qui en est empêché parce qu’il n’a pas la possibilité d’y monter, le désir ardent de la Terre d’Israël, le dégoût de l’exil associé à un puissant sentiment de nostalgie pour le pays, font croître les lettres de sainteté, les lettres de vie proprement israéliennes qui sont dans l’intériorité de notre être, ils les font croître d’un grandissement spirituel intérieur. Comme le dit la Guemara : “L’un y est né, et l’autre espère la voir” [Ketoubot 75a] à propos du verset : “Et de Sion on dira : ‘celui-ci et celui-là y sont nés’, et Lui [l’Eternel] l’établira [Sion] en-haut. L’Eternel comptera dans le registre des peuples : ‘celui-ci y est né’ – Sélah” [Psaumes 87, 5-6]. C’est pourquoi, celui qui attend vraiment et sincèrement la Terre d’Israël, pour ainsi dire s’y trouve déjà* !
[3] –Jusqu’à présent, nous avons dit que les lettres de l’âme grandissent quand elles rencontrent les mitsvot, et aussi quand elles rencontrent la Terre d’Israël : d’un côté, la Terre d’Israël s’accorde avec notre nature et les lettres de notre âme grandissent quand nous nous implantons physiquement sur cette terre, et de l’autre, la Thora est également s’accorde aussi avec notre nature et les lettres de notre âme grandissent quand nous nous implantons spirituellement* dans la Thora. [Les lettres de l’âme, qui tissent les liens entre l’âme d’Israël, la Thora d’Israël et la Terre d’Israël, ont aussi un lien essentiel avec le Jugement, à l’image du pectoral du Grand–Prêtre, dont les lettres s’allumaient pour édicter les jugements divins – ndt.]
Le Jugement [michpat], l’ensemble des dispositions de la vie quotidienne ordonnées par la Thora*, qui apparaissent dans l’ordre ‘Nezikim’ du Talmud et dans le ‘Tour’ [‘Hochen Michpat’], est le pilier central, le cœur, sur lequel s’appuie tout l’édifice. Contrairement à d’autres piliers comme la Bonté ‘hessed’, la rigueur ‘din’, et la paix ‘chalom’, qui sont des piliers latéraux, le Jugement est la colonne centrale qui fait tenir le tout ; c’est le pilier qui stabilise l’ensemble de l’édifice et qui maintient son équilibre*. Nos Sages, de mémoire bénie, font remarquer que les ‘Dix Commandements’ apparaissent dans la Thora entre le passage qui décrit la désignation des juges, “ils jugeront le peuple en toute époque” [Exode 18, 22], et la section hebdomadaire ‘Michpatim’ : “et voici les jugements…” [Exode 21, 1]. Le Jugement est “comme une princesse qui marche avec les pans de sa robe de part et d’autre, [représentant] les jugements et la centralité de la Thora” [Midrach Chemot Rabba 30, 3]. La réalité est constituée de forces opposées et contradictoires, c’est pourquoi le Jugement pèse, calcule, dénombre et ordonne les choses dans l’harmonie, de sorte qu’aucune partie ne soit lésée. Le jugement est donc le chemin du milieu, la voie royale, il construit l’équilibre parfait entre toutes les forces*.
Ils – les jugements – sont l’essence de la vie, ils sont l’essence de notre vie en tant qu’Israël, par opposition aux nations du monde qui vont et disparaissent parce qu’il leur manque le ‘Jugement’, c’est-à-dire cet équilibre intérieur qui harmonise les différentes parties. C’est la raison pour laquelle, lorsque les nations penchent d’un certain côté, elles ne sont pas capables de revenir à l’équilibre et elles disparaissent de l’Histoire. Au contraire, le Peuple d’Israël est construit sur le Jugement à la base, et quand il a tendance à exagérer dans un sens, aussitôt se crée une réaction inverse qui rétablit l’équilibre, comme il est dit : “le Jugement des Bné-Israël” [Exode 28, 30] c’est-à-dire que le ‘Jugement’ appartient exclusivement aux Bnei Israël*. L’essence du désir de l’âme de la Nation d’Israël, l’essence de la vie israélienne, c’est le Jugement qui est le sommet du dévoilement divin suprême sur la Terre ici-bas. Bien sûr, toutes les autres mitsvot constituent aussi une part essentielle de notre vie, mais en fin de compte elles sont des piliers latéraux de l’édifice, alors que le pilier principal, qui est au centre et sans lequel tout s’écroulerait, c’est le Jugement qui imprègne l’âme du Messie, [surnommé] le “souffle de nos narines” [Lamentations 4, 20], celui qu’on appellera “l’Éternel est notre Droit” [Jérémie 23, 6]*. On donne au Messie le nom du Saint-Béni-Soit-Il, et l’un de ses surnoms est “l’Éternel est notre Droit”, parce que le Messie veut mettre en œuvre la justice de l’Éternel par l’exercice de son Jugement à travers le monde. Le Messie fera beaucoup par lui-même, mais à la racine de toutes ces actions, l’âme qui les inspirera, l’aspiration spirituelle qui sera leur force, l’idéal intérieur qui les fera vivre, ce sera la volonté que la justice de l’Éternel et son Jugement apparaissent dans le monde. C’est cela le “souffle de nos narines”, c’est-à-dire le souffle intérieur de la Nation d’Israël, “le désir de l’âme qui imprègne l’âme du Messie” et y est caché* ; c’est lui qui dévoilera la lumière du Jugement divin sur la Terre avec une force souveraine, abolissant toute guerre et toute effusion de sang. Pourtant, au début de sa mission, le Messie devra lui-même faire des guerres* et répandre du sang. Mais finalement, tous se soumettront à lui et écouteront ses paroles, et toutes ces guerres désastreuses deviendront inutiles*.
Le thème des lettres de l’âme, qui s’allument et qui s’éclairent, a sa source dans le passage de la Thora qui décrit le jugement des Bnei–Israël qui est sur le cœur d’Aharon, comme il est écrit : “Aharon portera les noms des Bnei–Israël sur le Pectoral du Jugement, sur son cœur, quand il entrera dans le Sanctuaire, en commémoration devant l’Éternel, toujours : tu mettras sur le pectoral du Jugement les Ourim et les Toummim, et ils seront sur le cœur d’Aharon quand il viendra devant l’Éternel, et Aharon portera le Jugement des Bnei–Israël sur son cœur devant l’Éternel, toujours” [Exode 28, 29-30]. Aharon, qui est le cœur de la Nation d’Israël, porte celle-ci sur son cœur, et avec elle les lettres de l’âme qui sont en elle, sur le ‘pectoral du Jugement’ où se trouve le condensé des lettres – les 22 lettres – de l’âme de tout Israël* – et les messages du pectoral font connaître le jugement juste et la conduite à suivre, quand cet alphabet rayonne sur les ‘Ourim et Toummim’*, “elles se mettent en relief ou s’associent”* [Talmud de Jérusalem, Yoma 73b]. De même que les lettres ‘s’allument’ dans le pectoral du Jugement, de même les lettres ‘s’allument’ dans l’âme de l’homme d’Israël, quand il accomplit des mitsvot ou quand il se trouve en Terre d’Israël*.