1. L’assurance de la techouva


Dans la Lettre # 378, écrite à son élève le Rav Yaakov Moché Harlap, le Rav notre maître explique ce qui justifie à ses yeux d’écrire un nouveau livre consacré à la techouva, alors qu’il existe déjà de nombreux ouvrages sur ce sujet. La lettre est datée du 1er Eloul 5671 [1911]. Cependant, de nombreuses années passeront avant que le livre Orot Hatechouva soit finalement publié en 5685 [1925].

Le Rav lui-même écrit : “Quant au fascicule sur la techouva, mon désir est immense de le mettre au point et de le rédiger comme il faut, mais les difficultés s’amoncellent du fait de l’extrême importance du sujet. En particulier, il m’est très difficile d’expliquer et d’évaluer jusqu’à quel point faire descendre les secrets du monde, et où est la limite du ‘manteau ancien’”.

[L’expression ‘le manteau ancien’ est tirée du verset : “Mais son gain et ses salaires impurs (ceux de la ville de Tyr) seront consacrés à l’Éternel ; ils ne seront ni entassés ni mis en réserve, les profits de son trafic seront destinés à ceux qui siègent devant l’Éternel, pour manger à satiété et pour le manteau ancien” – Isaïe 23, 18 – la Bible du Rabbinat traduit : “pour se vêtir de façon somptueuse” – NdT]. 

La Guémara essaye d’expliquer le sens de cette expression : “Qu’est-ce que le ‘manteau ancien’ ? – c’est ce qui recouvre les choses qu’a recouvertes ‘l’Ancien des jours’ [le Saint-Béni-Soit-Il]. Et quelles sont-elles ? – les ‘énigmes de la Thora’ ! Et certains disent : c’est ce qui découvre les choses qu’a recouvertes ‘l’Ancien des jours’ ; et quelles sont-elles ? – les ‘saveurs de la Thora’” [Pessahim 119a]. 

C’est-à-dire que les secrets qui doivent rester cachés sont appelés ‘énigmes de la Thora’, et les secrets qu’il faut révéler sont appelés ‘saveurs de la Thora’. La frontière entre les ‘énigmes de la Thora’ et les ‘saveurs de la Thora’ est des plus ténues, et c’est ce qui fait peur au Rav ! Il écrit cependant dans la suite : “‘L’Éternel est Dieu, et Il nous éclairera’ [Psaumes 118, 27] dans son chemin, qui est le chemin du Divin’ [de sorte que je ne découvrirai pas, à Dieu ne plaise, ce qui doit rester recouvert]”.

Et quel est le grand secret enfoui dans la techouva ? – D’abord et avant tout doit venir l’explication générale de ‘l’assurance de la techouva’ , de la paix intérieure et de la joie intense dont doit se parer la personnalité de quiconque a l’âme éclairée par la lumière de la techouva.

Avant toute chose, il faut expliquer que la techouva donne à l’homme assurance, sérénité, joie et force, à l’opposé de ce que les gens pensent à tort, que la techouva rétrécit l’homme, qu’elle l’affaiblit et qu’elle amenuise ses capacités. Ce n’est pas du tout le cas ! Certes, celui qui fait techouva reconnaît ses fautes, mais il n’est pas brisé pour autant. Au contraire, il doit se remplir de ‘l’assurance de la techouva’. Il doit être assuré de sa capacité à réparer ce qui est tordu et finalement de faire techouva, avec ce résultat de le remplir de sérénité, de joie et de force.

(Les Grands d’Israël connaissaient ce grand secret, mais ils ne l’ont pas dévoilé au large public, parce que le temps n’était pas encore venu. En effet, en exil nous étions brisés et écrasés, et de ce fait le service divin reposait sur un fond de brisure. Mais dans nos générations, quand nous revenons sur notre terre dans l’indépendance et la tête haute, il n’y a plus besoin d’une techouva qui brise, mais seulement d’une techouva qui fortifie, qui donne de l’énergie et de la vaillance !)

Voilà donc ce qui vient ‘d’abord et avant tout’ : il faut expliquer que la techouva fait acquérir de l’assurance, de la sérénité, de la joie et de la force. Et en même temps, il faut montrer de manière claire comment cette joie authentique, cette satisfaction rayonnante de sainteté, ne brisent aucunement la crainte de Dieu – il n’y a aucune contradiction entre la joie de la techouva et la crainte que l’on ressent devant la Divinité, et n’affaiblissent en rien l’éveil de la conscience suscité par toutes sortes de représentations de la ‘crainte inférieure’ (celle qui détourne l’homme du mal par la peur du châtiment et des épreuves, à l’opposé de la ‘crainte supérieure’, qui l’en détourne pour la seule raison que c’est le mal, par la crainte révérencielle dont l’homme est rempli devant le Maître du monde, la crainte de la grandeur sublime éprouvée devant le Saint-Béni-Soit-Il). Au contraire, elles renforcent encore la propension naturelle de l’âme à éviter le mal et à s’empresser vers le bien. Dans toute action il y a un côté extérieur-factuel, et un côté intérieur-spirituel. Également dans la ‘tendance à l’évitement du mal’ et dans celle à ‘l’empressement vers le bien’, il y a un côté ‘extérieur-factuel’, quand l’homme s’écarte du mal et fait le bien dans ses actes, et un côté ‘intérieur-spirituel’, quand il éprouve le désir ardent de s’écarter du mal et de faire le bien. Et lorsque cet homme ressent une ‘joie authentique’, un ‘contentement venant d’une splendeur sainte’, cela développe sa ‘tendance native’, c’est-à-dire le noyau intérieur-primordial-spirituel des qualités morales d’évitement du mal et d’empressement vers le bien.

De plus, à côté de la crainte révérencielle qui accompagne la techouva, la grandeur suprême de la bonté radieuse de la lumière originelle, de la techouva, emplit toutes les chambres de l’âme d’une assurance puissante, d’une confiance dans la possibilité de réparer, d’une confiance que la techouva n’est ni étrangère à l’homme ni éloignée de lui, “car cette chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour l’accomplir” [Deutéronome 30, 14], au point qu’avec une force sans faille, et dans la plénitude de l’âme, retentit un chant de sainteté originel, un ‘chant de sainteté’ qui jaillit de la source intérieure suprême de l’âme, qui célèbre magnifiquement et à pleine vie : “Celui qui pardonne toutes tes fautes, qui guérit toutes tes maladies, qui sauve ta vie de l’abîme, qui te couronne de bonté et de miséricorde, qui te rassasie de bien-être – comme l’aigle tu retrouves une nouvelle jeunesse” [Psaumes 103, 3-5] ; un chant puissant émerge de l’âme pour dire qu’il est possible de réparer, qu’il est possible de guérir, qu’il est possible de se régénérer !

L’assurance se renforce ; la joie, l’allégresse, et une délectation rayonnante vont en augmentant, de sorte que l’âme commence de ressentir, d’un sentiment pur, intime et délicat, comment toutes les fautes intentionnelles quelle que soit leur gravité, et à plus forte raison les fautes involontaires de toute nature, se transforment en mérites parfaits. L’âme ressent par ses propres sens que la techouva a la capacité de transformer les fautes involontaires – et même les fautes volontaires – en mérites ! Voilà le grand renouvellement que permet la techouva : non seulement l’homme peut s’extraire de son mauvais passé, non seulement il peut effacer ses mauvaises actions comme si elles n’avaient jamais existé, mais il peut même transformer tout cela en bien ! L’homme peut transformer l’énergie négative, qu’il a investie dans la faute et dans le péché, en énergie positive ! – comment un acquis considérable et une grande richesse apparaissent grâce à la techouva à partir d’amoncellements de ténèbres, de toutes ces défaillances accablantes. “Mon âme jubilera grâce à l’Éternel, elle se réjouira de son salut – quand un homme fait techouva, il se réjouit d’être sauvé de la faute et d’échapper à l’obscurité, tous mes os proclameront – le corps entier dira : Éternel, qui, comme Toi, sauve l’indigent de plus fort que lui, et le pauvre et le miséreux de son spoliateur ?” – c’est-à-dire : le penchant au mal est plus fort que moi et il me vole ma vie, mais grâce à la techouva, j’en suis délivré !