5. Le combat de l’homme droit

Et s’il arrive qu’il ait besoin– l’homme droit – de faire la guerre, il montrera un courage tout autre, complètement différent, car il ne refoulera aucune de ses forces vitales – même celles qui semblent mauvaises – pour les garder enchaînées et captives, pour les empêcher d’agir, mais au contraire il les prendra et les asservira, “avec les liens de l’humanité et les chaînes de l’amour”, au bien et à la droiture,

Comment l’asservissement peut-il faire bon ménage avec l’amour ? Il faut savoir que l’asservissement n’est pas forcément une coercition. Cependant, il implique un joug. “C’est une bonne chose que l’homme ait porté un joug dans sa jeunesse” [Lamentations 3, 27]. C’est un joug aimé ! La prière et l’étude sont un joug, un joug aimé, comme le dit le Kouzari [3, 3] au sujet  du hassid [= l’homme pieux] : c’est un gouverneur qui aime ses administrés, et non un tyran qui brise et maltraite ses sujets.

… à l’éminence des objectifs les plus élevés, – tu as un don pour écrire des poèmes ? Très bien, le Rav Kook notre maître a lui aussi écrit des poèmes dans sa jeunesse. Tu aimes discuter ? Parfait, adonne-toi à l’étude. Tu aimes voler ? Travaille pour le Mossad. Tu as une tendance à l’orgueil ? Travaille à développer la fierté nationale. Tu es triste ? Bien sûr, à cause de la destruction du Beit Hamikdach et de l’exil de la Chekhina ! – qui sont les volontés divines.

Alors il sortira de sa condition d’esclave – comme le maître a l’obligation de toujours y inciter son esclave – et il sera un homme libre – le ‘Traité des Pères’ [6, 2] nous dit [à propos des tables de la Loi gravées par Dieu] : “Ne lis pas ‘harout’ [‘gravure’], mais ‘hérout’ [‘liberté’]” – heureux, couronné de la servitude suprême – c’est une servitude, mais une servitude suprême – qui est une couronne de magnificence, “une couronne d’or pur sur sa tête”. 

Il y a parfois des guerres pour des objectifs antagonistes, mais la guerre dont on parle ici est d’une autre nature. Le Rav notre maître la surnomme parfois ‘milhémet ahim’ [‘guerre entre frères’], c’est-à-dire une guerre entre des gens qui s’aiment. Par exemple, un homme est parfois déchiré dans son amour de l’étude entre la Guémara et la émouna, ou entre le désir d’étudier en profondeur et celui d’accumuler les connaissances. Ce n’est nullement une lutte entre des entités ennemies. “Comme est grande ma lutte intérieure”, disait le Rav à propos de lui-même.

Un jour quelqu’un écrivit : “Le Rav Kook était déchiré, et Chaoul Tchernikovsky aussi était déchiré”. Notre maître le Rav Tsvi Yéhouda réagit par ce commentaire : “Tchernikovsky était déchiré entre son judaïsme et son épouse non-juive, alors que le Rav mon maître était déchiré parce que ‘les Talmidé Hakhamim ne connaissent pas le repos, ni dans ce monde ni dans le monde à venir’ [Berakhot 64a], et il était déchiré entre les différentes sortes d’études”. Les guerres entre les idéaux, comme celle entre la vérité et la paix, sont des luttes très difficiles qui requièrent un grand courage, justement parce qu’elles ne sont pas des guerres entre ennemis.