C’est à partir de la faute de Noé et de son ivresse que s’organise la division fondamentale entre différentes catégories de l’humanité : Chem, Yaphet et Ham – le ‘saint’, le ‘profane’ et l’‘impur’.
Le domaine de Chem, c’est le ‘saint’ :
Béni soit l’Éternel, Dieu de Chem. [Genèse 9, 26]
Chem est préposé au domaine intérieur, à l’âme du réel. Dieu l’habite, c’est le croyant qui adhère étroitement à la Divinité, relié à ce qui est au-dessus du domaine matériel, à l’intériorité du monde. Et nous, le peuple d’Israël, nous sommes le ‘fer de lance’ de Chem, la continuation de sa voie dans le monde [en effet, les Arabes sont des antisémites bien qu’étant eux-mêmes descendants de Chem ; nous seuls portons le nom de ‘sémites’ en vérité].
Melchisédech, qui n’est autre que Chem dans sa vieillesse [Midrach Berechit Rabba 56, 10], est appelé “prêtre du Dieu suprême”. Bien-entendu, il est roi à Jérusalem, et c’est là qu’il rencontre Avram et le bénit :
Béni soit Avram par le Dieu suprême possesseur du ciel et de la terre. [Berechit 14, 18-20]
Ce Dieu suprême, immatériel, spirituel, est le ‘possesseur’ du ciel et de la terre, c’est-à-dire le Maître de toutes les forces. Tel est l’héritage spirituel de Chem.
Chem offre à Avram du pain et du vin, et de cette manière il lui transmet son rôle. Après neuf générations, il a trouvé un homme qui peut continuer sa mission dans le monde :
Il lui a révélé les lois concernant le grand-prêtre, il lui a révélé la Thora. [Midrach Berechit Rabba 43, 6 ; voir Nédarim 32, 2]
Le domaine de Yafet, c’est le ‘profane’ :
Dieu élargira Yafet. [Genèse 9, 27 ; voir Rachi sur place]
Yafet s’occupe de l’élargissement du champ de l’homme, du perfectionnement du monde. Son domaine est celui “des mathématiques, de la physique, de la métaphysique, et aussi de la musique”. Toute son activité appartient au domaine de la réalité matérielle, au profane. Même sa réflexion métaphysique se limite à la compréhension humaine des phénomènes, alors que Chem s’occupe de la foi en Dieu [‘émouna’], de ce qui est au-dessus du domaine matériel.
Il n’y a cependant pas d’antagonisme entre Chem et Yafet, il n’y a pas de guerre entre le saint et le profane. Sur la base de la ‘émouna’, depuis l’intériorité, il y a aussi une place pour un élargissement culturel de l’humanité et un développement mondial :
Dieu élargira Yafet et il résidera dans les tentes de Chem. [Genèse 9, 27]
[Un jour notre maître le Rav Tsvi Yéhouda voyagea sur un navire où se trouvait également le poète Chaoul Tchernikhovsky. Ce dernier organisa une ‘soirée poétique’ où il déclama ses poèmes. Le lendemain, il demanda à notre maître le Rav Tsvi Yéhouda s’il était intéressé de les entendre. Notre maître lui répondit par l’affirmative. Tchernikhovsky prit une pose théâtrale et commença de réciter ses poèmes sur un ton pathétique. Quand il eut terminé, il dit à notre maître : “Vous m’avez surpris, quand je récitais, j’ai regardé et j’ai constaté que vous écoutiez !” – Comme le Rav notre maître s’étonnait, il lui expliqua sa surprise : “Vous, les gens de la sainteté, qu’avez-vous à faire de la poésie profane ?” – Notre maître le Rav Tsvi Yéhouda lui répondit : “Il n’y a pas d’antagonisme entre le saint et le profane, il est possible d’aménager une relation adéquate entre les deux. L’antagonisme se trouve entre le saint et l’impur. Là, la guerre est sans compromis. C’est pourquoi, continua notre maître, il y a lieu de penser qu’il y a quelque chose à réparer dans ta maison (Tchernikhovsky était marié à une non-juive)”. Tchernikhovsky resta pensif et dit : “C’est possible”.]
Contrairement à Yafet, Ham est problématique. On pourrait dire qu’il a le ‘tempérament chaud’, au sens péjoratif, qu’il se dévoie dans la débauche. Le domaine de Ham, c’est la part de l’impur dans l’humanité. Avec lui, il n’y a pas de compromis. Il ne peut y avoir de rapports entre le saint et l’impur :
Guerre pour Dieu à Amalek de génération en génération ! [Exode 17, 16]