4. La moralité participe à la construction du monde


La faute blesse la réalité de la nature. Certaines fautes sont dirigées contre le corps, et celui-ci y réagit par des maladies. C’est la techouva naturelle du corps’ qui s’y oppose [Orot Hatechouva, chap.1].

Et il y a certaines fautes qui s’en prennent à la force vitale, et celle-ci y réagit par un sentiment de malaise. C’est ce que nous appelons la ‘morale des reins’. De plus, nous constatons que ces fautes provoquent des réactions négatives du corps qu’on appelle maladies psychosomatiques. Ce phénomène constitue un exemple du lien qui existe entre le corps et l’esprit.

De même que ce lien existe à l’intérieur de l’homme, de même il existe dans le monde entier : il y a un lien entre le monde matériel, la nature [d’une part], et le monde moral [d’autre part]. La nature réagit aux fautes morales selon un processus intrinsèque, divin, automatique. Le monde est un. Il y a des dégradations spirituelles que la terre ne supporte pas. Elles lui font ‘mal au ventre’, pourrait-on dire. La terre réagit alors par une convulsion, cause de catastrophe et de destruction.

[Il existe des études scientifiques sur le phénomène du Déluge, qui s’appuient sur des versets et des commentaires de nos Sages. Par exemple, le Déluge aurait été provoqué par une inclinaison de 23° de l’axe de la Terre par rapport à la verticale. Ce phénomène résulterait de la force d’attraction d’une comète qui aurait frôlé le globe terrestre. Ceci évoque les paroles de nos Sages, que Dieu a amené le Déluge en déplaçant des étoiles. L’inclinaison de l’axe terrestre entraîne notamment l’alternance de l’été et de l’hiver, ce qui évoque la promesse divine après le Déluge, que “l’été et l’hiver ne cesseront pas” [Genèse 8, 22]. Il est toutefois bien difficile de savoir quelle est la part de vérité dans ces études.]

Beaucoup de gens ont une vision dualiste du monde : il y a le monde de l’esprit, et le monde de la matière en parallèle. Ces deux mondes sont séparés, et ils sont dirigés par des forces divines différentes : le monde naturel, celui de la réalité matérielle, est régi par un dieu, et le monde de la réalité spirituelle est  régi par un second dieu. D’un côté il y a le Tétragramme“il était, il est, il sera”, qui correspond à une définition théologique abstraite et n’a pas de consistance matérielle, et de l’autre il y a Élokim’ – “le Maître de toutes les forces” [voir : Exode 3, 14 et commentateurs ; Choulhan Aroukh, Orah Haïm 5]. ‘Élokim’ a la guématria de ‘hatéva’ [‘la nature’]. Élokim s’occupe de diriger la nature dans sa réalité concrète. Pour les dualistes, il n’y a pas de liaison entre les deux principes divins, chacun gérant son domaine. Il est clair que l’homme a des devoirs par rapport aux deux, et qu’il a l’obligation d’être moral. Mais il n’y a aucun lien entre le comportement moral et la réussite matérielle, ce sont deux mondes séparés.

Cette dualité existe dans l’esprit de la plupart des gens. Certes, elle ne porte pas les signes extérieurs de l’idolâtrie, c’est-à-dire qu’on ne pense pas qu’il y a un dieu préposé à un domaine, et un dieu différent préposé à l’autre domaine. Mais quoi qu’il en soit, on considère le monde de la spiritualité et de la morale comme coupé de celui de la matière et de la technique. On peut respecter des commandements moraux, mais on ne pense pas que cela contribue à l’amélioration, à la réparation et à la construction du monde matériel, ni qu’à l’inverse toute dégradation dans l’un des mondes endommage et détruit l’autre monde. D’après cette conception, le Maître du monde est écarté pour devenir une sorte de ‘Président d’Honneur de l’Histoire’ !

Face à eux, nous disons…

…que la morale n’est pas seulement une morale individuelle, ni seulement humaine et générale, bien que tout cela y soit inclus. Elle est divine, et c’est un enseignement qui continue la Création, pas moins que cela. La Thora d’Israël explique comment l’existence du monde et la morale humaine sont dépendantes l’une de l’autre, elle nous fait comprendre que les progrès du monde sont liés aux progrès de la morale par un lien inaltérable. C’est la notion de base dans la connaissance du Dieu d’Israël.  [Orot Hakodech III, p.66]

Voilà notre contribution principale à la pensée mondiale et à la construction de l’homme : la morale ne construit pas seulement la personnalité individuelle, la famille, la société, la nation et la culture universelle, mais elle construit également le monde matériel et technologique. À la fin de la prière de Néïla, nous disons : “L’Éternel [Tétragramme] est Dieu [Élokim]”. C’est-à-dire : ‘l’Éternel’ – l’immatériel spirituel – est aussi ‘Dieu’ – le maître des forces matérielles de toutes sortes.

Il y a sept types de forces qui animent les processus matériels [correspondant aux sept jours de la Création], et nous répétons sept fois “L’Éternel est Dieu” en vis-à-vis. Puis nous disons : “Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est un”tout est un, la spiritualité et la matérialité, la morale et la nature.

Ce lien n’est pas un lien extérieur, rajouté par le Créateur de manière artificielle. Il n’existe pas deux mondes, l’un spirituel et l’autre matériel, dirigés par un même maître qui pourrait les relier par un lien extérieur. Il n’existe pas deux domaines, mais tout forme un domaine unique, celui de ‘l’Unique du monde’. Sa Création est une :  le lien entre l’esprit et la matière est inscrit dans la structure intrinsèque et naturelle du monde. La réaction de la réalité matérielle aux déviances morales est donc un phénomène naturel, spontané et automatique.

La faute de l’homme le fit déchoir complètement au niveau moral, au point que la terre se remplit de violence… Le monde se souleva contre lui, et le Déluge descendit pour effacer l’univers entier.  [Orot Hakodech III, p.66]

Et ce déluge était un déluge tangible, un déluge d’eau, et pas un ‘déluge’ de réflexions et d’explications morales, envoyé par un ‘dieu moral’ coupé de la réalité matérielle…

Le décret qui frappa la génération du Déluge fut signé pour sanctionner le vol [Sanhédrin 105]. C’était une atteinte portée à la texture de base de la morale. C’était une faute des plus grossières, une faute rédhibitoire qui ne se laissait nullement ‘digérer’. C’est pourquoi :

La voie de la techouva la plus fondamentale et la meilleure est l’étude approfondie des lois consacrées à la législation civile et aux jugements entre l’homme et son prochain, qui chez nous sont enseignées dans le Hochen Michpat… Cette étude répare tous les défauts du cœur dans [les situations de] la vie, et elle installe la justice divine sur sa base la plus sûre. Elle soulage l’âme de l’impact du doute et de la confusion, en projetant sa clarté sur les chemins de la vie pratique.  [Orot Hatechouva 13, 5]


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