À ceux-là nous devons enseigner une Thora de vie issue de la source de vie, telle est la méthode du Rav notre maître, « enseigner une Thora de vie issue de la source de la vie ». Ce n’est pas quelque chose qu’il a inventé, mais qu’il a fait ressortir. Aucun des grands Aharonim n’a rien inventé, même le Baal Chem Tov. Souvent, un grand sage fraye un chemin et on pourrait penser qu’il innove, mais il n’en est rien : il renouvelle un enseignement ancien qui a été oublié. Avec le recul du temps, on peut comprendre que les enseignements ‘novateurs’ sont en réalité anciens. « La voie des Justes est comme la lumière du matin, qui éclaire progressivement jusqu’au plein jour » [Proverbes 4, 18].
Enseigner une Thora de vie – y a-t-il une Thora qui ne soit pas de vie ? – Oui, c’est la Thora du contrôle de soi, celle qui réprime les forces de vie. Comme un médecin qui supprime les forces, qui parfois même coupe un membre, ou donne au patient des médicaments qui le transforment en serpillière. Bien sûr, il doit agir ainsi car c’est pour sauver une vie, et il faut parfois frapper les forces malsaines même si cela frappe aussi les forces saines. Cependant, la voie de la ‘Thora de vie’ consiste à n’affaiblir aucune tendance naturelle, à ne pas diriger quelqu’un vers une techouva qui le brise. Nous ne sommes pas opposés à une techouva qui brise, mais pas pour cette génération, comme l’écrit le Rav notre maître à propos du besoin d’écrire un livre sur la techouva issue d’une liberté supérieure [Orot Haréaïa II, lettre 378]. Le livre du Kouzari parle aussi de la ‘Thora de vie’ [début du troisième chapitre], mais chez le Rav notre maître il s’agit d’une méthode à part entière.
…des voies d’éducation morale pleines de lumière et d’enthousiasme, pleines de joie, de force et de créativité, des paroles pleines de charme et d’intelligence, des paroles droites, logiques, sans références au Guéhinom, qui donnent le sentiment d’être déjà au Guéhinom ! Les harédim qui tournent le dos à leur entourage et à leur foi sont appelés ‘nocherim’ [‘qui tombent’]. Les harédim organisent des séminaires à leur intention, auxquels ils invitent des orateurs qui ont fait techouva à parler du ‘monde à venir’, comme s’ils étaient déjà ‘morts’ et dans le ‘monde à venir’ ! Un jour, un de ces ‘nocherim’ a dit : « Je crois en l’existence du monde à venir, mais il faudrait me convaincre de la valeur de ce monde-ci ! » – et bien sûr, pas au sens de la jouissance grossière.
…clarifiées et épurées, choisies et précises, c’est-à-dire un judaïsme débarrassé des scories de la superstition, et des fausses idées propagées au nom de la religion. ‘Précises’ veut dire ‘bien définies’, définir clairement ce qui est mal et ce qui est bien. Quand tout est embrouillé, on n’a d’autre choix que de tout repousser en bloc. Quand un chirurgien n’a pas d’instruments assez précis, il taille indistinctement dans la partie malade et dans la partie saine. Le Rambam nous a donné les têtes de chapitres dans ce domaine, dans les enseignements où il nous parle de la ‘voie du milieu’. Par exemple, on doit se garder de l’avarice, mais en même temps de la prodigalité ; il faut craindre Dieu, mais on ne doit pas être peureux ; on doit être courageux mais pas effronté [Hilkhot Déot chap. 1]. L’homme doit faire une délimitation claire entre des traits de caractères qui se touchent, sinon le mal qui fait irruption avec le bien, ou bien est réprimé avec le mal. Cette analyse doit être faite au moyen de l’intelligence [Moussar Avikha chap. 3]. Il faut montrer à l’homme que ce qu’il cherche se trouve dans la Thora plus que dans toute autre vision du monde, qu’il s’y trouve plus d’humanisme et plus de socialisme que partout ailleurs.
… jusqu’à ce qu’ils découvrent eux-mêmes l’aboutissement de tous leurs idéaux, la puissance de leurs désirs les plus élevés et les plus éminents, – tous les idéaux de la vie, toutes les envies et les désirs se trouvent dans la Thora. La Thora n’est pas une Thora de serpillières. Le ‘Nouveau Testament’ est une Thora de serpillières. C’est Nietsche qui a dit que la plus grande faute de l’histoire humaine a été la décision d’accoler le Nouveau Testament avec l’Ancien, car l’Ancien Testament est un livre de héros, et le Nouveau un livre de serpillières.
… qui s’accordent avec la force et la splendeur – la splendeur, c’est harmonie. Toutes les forces agissent ensemble vers un but commun, avec la richesse et la majesté de la lumière du monde, du trésor de la vie, de la Thora de vie. Écrire la Thora dans le langage de la Thora de vie, c’est un travail qui peut prendre des dizaines d’années, en particulier parce que le Rav notre maître est resté seul à s’y consacrer. Il n’est donc pas étonnant que la génération ne soit pas encore réparée !
Un jour quelqu’un écrivit : “Le Rav Kook s’est imaginé que si l’on parlait comme cela, dans le style de la ‘Thora rédemptrice’, tout s’arrangerait. Eh bien le Rav Kook a parlé de cette manière, et les choses ne se sont toujours pas arrangées !”. Notre maître le Rav Tsvi Yéhouda lui répondit [Lénétivot Israël II, p. 45] : “Le Rav peut-il tout faire à lui seul ? Et qu’ont fait les autres rabbanim ? Ils sont restés à l’écart, et ils se sont employés à injurier et à insulter la génération…”. Si tous les Sages d’Israël lui avaient emboîté le pas, le problème aurait été résolu depuis longtemps, comme le Rav notre maître lui-même le dit au Ridbaz :
“Il n’y aucun doute que si votre Excellence et d’autres Grands de la génération m’avaient prêté main forte, m’avaient accompagné, avaient repris ma démarche autant que possible selon leur point de vue, il en aurait résulté une sanctification du Nom du Ciel, et une abondance de paix et de bénédiction aurait afflué sur le peuple d’Israël et sur la Terre d’Israël. De grandes foules auraient fait une techouva complète, et la réalité des progrès de la Délivrance se serait très vite dévoilée à la Maison d’Israël. Il est tout-à-fait impossible de décrire la profusion de bienfaits, de sainteté et de réparation du monde qui en aurait découlé”. [Igrot Haréiya II, lettre 755]
La génération ressemble à un âne qui travaille très dur. Il y a déjà un siècle que l’âne travaille à son rythme. Et toi ? Tu te tiens devant l’âne [‘hamor’] et tu l’injuries : « Tu es fait de matière [‘homeri’] ! Bouge-toi vite ! Étudie la Guémara ! » – Finalement il s’arrête, il n’est pas d’accord !
Maamar Hador est une introduction à l’introduction au Beit Hamidrach pour les enseignants de Thora, comme nous l’avons dit. Tu dois connaître ton élève !