Mais elle ne pourrait pas, même si elle le voulait, être soumise et résignée, supporter un joug, une charge dans laquelle elle ne pourrait trouver aucune trace de lumière de vie pour la connaissance et le sentiment. La Génération ne fera que des choses avec lesquelles elle est en plein accord, au niveau de l’intelligence et du sentiment.
Il y a une discussion dans la Guemara [Roch Hachana 26b], pour savoir si le chofar dans lequel on sonne à Roch Hachana doit être courbé comme la corne du bélier, ou dressé comme celle de l’antilope ; et pour savoir si celui qui prie à Roch Hachana doit baisser la tête vers le sol, ou lever les yeux vers le ciel. Il est tranché pour la halakha que le chofar courbé est préférable [Orah Haïm 586, 1]. La Guemara fait cependant remarquer que le chofar du Yovel, par lequel on retrouve la liberté, doit avoir une forme dressée. Dans la manière d’éduquer aussi, il y a des générations dont il faut courber la vitalité, et il y a des générations dont il faut redresser la vitalité. Il y en a encore d’autres pour lesquelles il faut combiner les deux opérations, ce sont les générations de ‘bein hachemachot’ [‘du crépuscule’ – thème développé dans Chabbat 34b-35b].
Les générations corrompues et perverses dans leur volonté et dans leurs actes, il faut les soumettre, selon ce qui est dit : “Qui est l’homme fort ? Celui qui maîtrise son penchant” [Avot 4, 1] – son penchant au mal. Mais les générations qui sont portées au bien, même si ce n’est que dans les intentions, il n’y a pas besoin de les briser, ce serait dommage ! Elle se sont emmêlées, elle se sont embrouillées, elles sont frappées d’incompréhension, c’est pour cela qu’elles fautent. Dans de telles générations, il faut développer le penchant au bien. À l’opposé, si l’on essaye de développer la volonté d’une génération perverse, c’est essentiellement la tendance au mal qu’on fera grandir, et il en résultera une catastrophe. C’est pourquoi, dans une telle génération, il faut multiplier les jeûnes, briser la volonté et mortifier le corps.
Les choses étant ce qu’elles sont, le Rav notre maître dit que “même si notre génération le voulait, elle ne pourrait être soumise et résignée”, elle n’est pas construite psychologiquement pour se prêter à cela.
L’homme, en tant qu’homme, doit porter un joug. Mais quel joug ? Si la Génération voit qu’il y a par–derrière ce joug une lumière de vie, de connaissance, d’intelligence et d’idéal, elle sera prête à aller dans le feu ou dans l’eau pour lui. Mais si on lui dit simplement : “tu es obligée”, elle n’en a aucun désir.
Elle ne pourra pas revenir par la crainte – même si elle voulait, la peur n’a pas de prise sur elle. Bien sûr on parle de la génération dans son ensemble, et non d’un groupe de gens ici ou là ont encore les caractères des générations précédentes], mais elle est tout-à-fait apte à revenir par l’amour, auquel la ‘crainte de la grandeur’ [‘irat haromemout’] viendra se joindre. Par ‘crainte de la grandeur’, on veut parler d’un frémissement de sainteté qu’on éprouve devant des choses sublimes, et donc la ‘crainte de la grandeur’ est associée à l’amour de Dieu.
Dans les faits, notre génération déstabilisée n’a encore rien produit. Elle est toujours en effervescence, elle discute, elle nie, mais que fait-elle ? – rien, car par elle-même la négation de tout n’a jamais produit quelque chose de positif.
étant dans le déni de tout par excellence, elle n’a pas produit quoi que ce soit de positif. C’est du moins ce que le Rav notre maître a écrit à son époque, mais entre temps, la ‘génération déstabilisée’ a fait beaucoup de choses ! Elle mis en marche la construction du pays et le retour à Sion, elle a fondé l’État et elle a créé l’armée. Et aussi, la terre d’Israël est pleine de Thora, alors qu’à l’époque du Rav il n’y avait que quelques yéchivot.
Mais elle a un grand potentiel. La grandeur de la Génération est du côté de son potentiel, et non de celui des réalisations concrètes. Et aujourd’hui, le potentiel de la Génération est plus grand que dans le passé, du fait que la sainteté s’accumule avec le temps, comme on l’a vu plus haut à propos du secret de la ‘montée des générations’ [voir § 8]. Et en effet, notre génération a réalisé énormément de choses, dans le domaine du ‘saint’ et dans celui du ‘profane’.
Une génération comme celle-ci, qui va vaillamment se faire tuer pour des buts qu’elle considère comme suprêmes, et dont une part notable n’est motivée que par un sentiment de droiture, de justice, et une conviction profonde, ne peut pas être vile, même si ses objectifs sont complètement erronés. Au contraire, son esprit est élevé, grand et imposant. Comme on le voit par exemple dans la révolution communiste, qui a lutté pour la situation des travailleurs, et dans laquelle des Juifs aussi ont milité. Ou encore aujourd’hui, quand on voit des gauchistes extrémistes se coucher devant les bulldozers pour empêcher la construction d’un quartier juif, pour empêcher qu’on fasse du tort aux Arabes. Ce sont des idéalistes, même s’ils se fourvoient complètement. Ils participent à des manifestations violentes, ils refusent d’être incorporés dans Tsahal, même au prix d’un emprisonnement, ce qui n’est pas une partie de plaisir… Bien sûr qu’ils sont dans l’erreur, ils sont dans la confusion, ils sont misérables – mais ce sont des idéalistes !