Jérusalem, le messianisme et la paix des nations


Par Menahem Brégégère – paru dans ‘J’ANNONCE’ n° 159, janvier 2018.


Jérusalem ! Capitale d’Israël depuis 3000 ans, capitale de David et  Sanctuaire de l’Éternel pendant un millénaire… Même après sa destruction, elle ne fut jamais la perle d’un autre empire. Arrachée au joug ottoman par les Britanniques en 1917, elle fut rendue à ses héritiers de haute lutte, en 1948 et en 1967. Aujourd’hui, un nouveau président des États-Unis la reconnaît comme capitale de l’État d’Israël, et plusieurs états se préparent à y transférer leur ambassade.

Mais cela n’empêche pas que dans un immeuble de verre à New York, une résolution anti-israélienne (une de plus !) soit votée par l’ONU pour dénier le statut juif de Jérusalem. Pourquoi le pays le plus moral du monde est-il aussi le plus condamné dans les instances internationales ?

Et pourtant l’ONU, et avant elle la SDN, avaient été créées pour organiser la paix au lendemain des deux guerres mondiales, dans une prise de conscience ‘à chaud’ des horreurs de la guerre, et de son caractère inhumain. Mais au fil des années, l’une comme l’autre ont fait la preuve de leur inefficacité. Aujourd’hui les organisations de l’ONU sont devenues une véritable foire de l’antisionisme, du négationnisme, voire du soutien aux dictatures et au terrorisme. On est dans l’absurdité la plus totale. Faut-il pour autant désespérer des velléités internationales en faveur de la paix, et faut-il renoncer aux efforts pour empêcher la guerre de renaître perpétuellement de ses cendres ?

Dans ‘Orot’, le Rav Kook aborde directement ce sujet. Il est évident que la guerre en soi est une calamité. Il est clair que chez les nations, elle découle de conflits d’intérêts et qu’elle libère de manière monstrueuse la violence contenue en temps de paix. Mais aussi, disait le Rav il y a déjà plus d’un siècle, chaque ‘grande guerre’ fait avancer l’humanité vers sa Délivrance, d’abord parce qu’elle aboutit généralement à la défaite des régimes les plus injustes, et ensuite parce que la catastrophe humanitaire qu’elle constitue amène le monde à prendre conscience de la nécessité d’organiser la paix.

Et en effet, il y eut tout-de-même des effets positifs de cette prise de conscience dans les immédiates après-guerres. Notamment, c’est à ces moments-là qu’eurent lieu les premières étapes de la renaissance de l’état juif : la Conférence de San Remo, en 1920, plaça la Palestine sous mandat britannique avec mission d’y refonder le foyer national juif, et le vote de l’ONU, en 1947, concrétisa l’assentiment des nations à la création de l’État d’Israël. Avec une clairvoyance impressionnante, le Rav Kook avait vu, dans la simultanéité des prémices du retour à Sion avec la première guerre mondiale, le signe d’une portée messianique de cette guerre.

Mais ne nous égarons pas : si le Rav Kook voyait dans cette guerre une dimension messianique, il n’était pas pour autant un ‘va-t-en guerre’ ! Tout le judaïsme vise au contraire à faire régner la paix et la fraternité entre les hommes, et si le messianisme a si mauvaise presse aujourd’hui dans le grand public, c’est parce qu’on l’associe à une vocation guerrière, ou à une perspective apocalyptique de fin du monde, qui appartiennent peut-être à l’imaginaire d’autres religions, mais qui n’ont rien à voir avec le messianisme juif !

Certes nos prophètes parlent des guerres qui auront lieu à la fin des temps, mais comme étape nécessaire et douloureuse afin d’éliminer la cause des guerres dans le monde. Or ces guerres, nous voyons bien de nos jours qu’elles existent, nous ne les avons pas inventées, nous les avons vues se généraliser au 20e siècle à l’échelle mondiale, et nous voulons comprendre comment d’après le Rav Kook elles s’intègrent dans le processus de la Délivrance.

Et c’est un fait que cela continue, que les institutions internationales ont failli, et que le monde s’enfonce de nouveau dans la guerre sous la poussée de régimes totalitaires comme la Corée du Nord, ou islamiques comme l’Iran, et d’autres. C’est un fait également qu’y contribuent des idéologies hostiles à la morale, prêchant tantôt la violence et le meurtre pour conquérir le monde, tantôt le laxisme et l’individualisme qui atrophient l’esprit humain et le rendent indifférent à la barbarie et à l’injustice. Toutes ces forces sont les opposants naturels d’Israël et de sa Thora et elles les combattent, soit directement par la violence, soit en répandant l’antisionisme et l’antisémitisme dans le monde.

L’État d’Israël, né sur la lancée d’un espoir de paix, se trouve donc aujourd’hui au centre de ces conflits, non pas comme fauteur de guerre, mais au contraire comme noyau dur de la résistance mondiale aux forces de violence et d’abandon, se posant en bastion de la dignité humaine. Conçu comme l’outil de la délivrance du peuple juif, l’État d’Israël est aujourd’hui le facteur décisif pour délivrer l’humanité entière de la violence et de la haine qui hante son histoire depuis les origines.

Tel est le messianisme juif, au centre des guerres malgré lui, et pour y mettre fin. Que ceux qui parlent de la ‘droite messianique’ comme du comble de l’abomination veuillent bien y réfléchir : le messianisme d’Israël est l’espoir du monde, et sans lui la fatalité de la guerre et de la destruction est irrémédiable. Le Créateur ne veut pas que son monde soit détruit, et c’est la raison d’être de son peuple de faire en sorte qu’il ne le soit pas.

Alors il faut apprendre à lire l’Histoire, non seulement dans les livres, mais aussi dans la réalité, en consultant des sources sérieuses, et en s’éloignant des âneries des médias. Ceux qui parlent de ‘défaite d’Israël à l’ONU’, ou à l’UNESCO, n’ont rien compris. Que vaut le vote d’une brochette de diplomates contre une vérité historique et fondamentale, celle de Jérusalem comme capitale de l’état juif ? L’histoire avance toujours dans le sens de la vérité. Elle a fait un pas en avant avec la déclaration du Président Trump, et c’est une bonne chose que notre Knesset ait voté dans la foulée la loi sur l’unité de Jérusalem. Jérusalem est historiquement renforcée.

Ceci dit, il faut aussi se garder de mépriser l’aspiration à la paix des nations, même quand elle s’exprime comme maintenant d’une manière absurde et qui nous est défavorable. Il faut avoir la clairvoyance de reconnaître que malgré la dérive désastreuse de l’ONU, l’existence d’une instance internationale pour organiser la paix est en soi un progrès considérable, par rapport à la situation antérieure où la guerre permanente était la norme. Cela aussi, c’est un signe messianique ! Et les erreurs, comme dans toute l’histoire humaine, ne sont là que pour être corrigées !

L’idée d’une organisation mondiale de la paix est en soi une idée juste, on pourrait même dire une idée juive. Le moment venu, il faudra remettre sur pied une assemblée des nations dont les éléments de barbarie auront été éliminés, et qui sera entièrement animée de bonne volonté. Il faut pour cela que l’État d’Israël se développe et s’affirme davantage dans la fidélité à ses origines et à sa vocation, pour que de ‘bouc émissaire des nations’ il devienne le ‘phare des nations’. C’est cela, la perspective messianique de la Thora, à travers des guerres parce qu’on ne peut pas faire autrement, mais dans le but d’instaurer la vraie paix entre les hommes. Le Rav Kook avait vu il y a déjà un siècle que cette évolution était en marche, et aujourd’hui, il nous suffit d’un peu de clairvoyance pour le voir nous-mêmes.