Il est dit dans le Zohar que ceux qui consacrent leurs efforts à la Thora se tiennent en-haut, dans un endroit qui s’appelle ‘Tiféret’ [=’magnificence’], et que les prophètes se trouvent en-bas, dans un endroit qui s’appelle ‘Netsah vé-Hod’ [=’éternité et splendeur’]. Par conséquent, ceux qui consacrent leurs efforts à la Thora ont l’avantage sur les prophètes, ils leur sont supérieurs [Zohar parachat Tsav 35, 1]. Comment pouvons-nous comprendre que les sages sont supérieurs aux prophètes ? – C’est que les prophètes parlent de ce qu’ils ont vu et rencontré dans leur réalité à eux, alors que les sages ne suivent pas leur démarche personnelle, mais celle de la Thora de Moché notre maître, en s’appuyant sur ses enseignements. C’est pourquoi ils ont une approche plus globale, et ils sont plus grands.
À quoi la chose ressemble-t-elle ? À un astronaute qui s’est posé sur la lune, et qui nous raconte de là-bas ce que voient ses yeux de la réalité à laquelle il est confronté. Alors vient un autre homme qui n’a jamais été là-haut, et qui lui aussi nous raconte dans les moindres détails ce qui se trouve sur la lune. D’où le sait-il ? Il a un livre d’astronomie. Avec l’aide du livre, il sait des choses que l’astronaute ne peut pas voir. Et à partir de ce qu’il a appris dans les livres, ce savant pourra dire aussi ce qui se passe sur le soleil, là où aucun astronaute ne pourra jamais aller.
Le prophète a été dans des régions spirituelles que le sage n’a jamais fréquentées. Mais le sage connaît des lieux et arrive à des connaissances que le prophète ne peut pas atteindre [Zohar, parachat Tsav 35, 1 ; Maharal, Discours de Chabbat Chouva p.4 ; Guevourot Hachem, Introduction 1 ; Tiféret Israël chap.57].
Le prophète était là, et il a vu réellement. Là, le Maître du monde s’est révélé à lui à ce sujet. C’est le prophète lui-même qui a entendu et saisi ces choses sublimes, qui s’est élevé jusqu’à ces niveaux suprêmes, lui-même, et non à l’aide d’un livre. Quant au sage, il n’était ni là, ni ailleurs, mais il est arrivé par sa compréhension abstraite à des régions que le prophète ne peut atteindre. Il y a des niveaux élevés que le prophète ne peut pas saisir, mais que les sages connaissent par la force des connaissances qu’ils ont reçues de Moché notre maître. Par exemple, nos sages enseignent :
Tous les prophètes ont prophétisé sur les jours du Messie, mais quant au monde à venir, “aucun œil n’a vu, Dieu, à part toi, ce qui sera fait pour celui qui l’attend”. [Berakhot 34b ; Isaïe 64, 3, d’après André Chouraqui]
Même l’œil des prophètes, qui voit très loin, ne voit pas ce qui est attendu dans le ‘monde à venir’. Et pourtant, la Guemara pose dans la suite la question : qu’est-ce que “Aucun œil n’a vu” ? Autrement dit, quelles sont ces choses que l’œil n’a pas vu, même pas l’œil des prophètes ? Et la Guemara continue : “C’est ‘le vin vieux’, c’est ‘l’Éden’”. C’est-à-dire que les sages nous expliquent quelles sont ces choses que les prophètes n’ont pas vues, en vertu de la sagesse et de la tradition reçues de Moché du Sinaï. L’œil de Moché notre maître voit beaucoup plus loin que celui des prophètes, jusqu’à l’infini, jusqu’à la fin des temps ; il voit des mondes plus élevés, plus lointains et plus secrets que l’œil des prophètes ne peut apercevoir. Les sages ont reçu de Moché notre maître des connaissances qui s’étendent jusqu’à ces mondes supérieurs et secrets. Les sages ‘savent’, les prophètes ‘voient’. Il n’y a pas à comparer la connaissance du prophète avec celle du sage, de même qu’il n’y a pas à comparer la présence sur la lune avec la lecture d’un livre sur la lune, ou l’ascension des montagnes de l’Himalaya pendant quatre mois avec le visionnage d’un film sur le même sujet pendant un quart d’heure. Le prophète ‘voit’ : à partir d’une montée en sainteté et d’un lien étroit avec le Maître du monde, il arrive à capter la parole divine. Le sage ne fait que ‘savoir’, ce n’est pas à partir d’une élévation sublime qu’il atteint la connaissance, mais à partir de l’étude, l’étude des concepts de la Thora. Et en partant de la Thora de Moché il arrive, par son intelligence et par ses connaissances, à des mondes secrets auxquels seul Moché notre maître est arrivé, à l’exclusion des autres prophètes.