5. La mitsva de la techouva et la confession des fautes


Au début de ses ‘Hilkhot Techouva’, le Rambam tranche ainsi la loi :

Si quelqu’un a transgressé une des mitsvot de la Thora… s’il a fait techouva et s’est repenti de sa faute, il a l’obligation de la confesser… et cette confession est une mitsva positive.

Il semble, d’après la formulation du Rambam, qu’il n’y ait pas de mitsva de techouva, mais que si quelqu’un fait techouva il a la mitsva de se confesser. Ceci est extrêmement étonnant : la techouva, qui est un moment tellement central de la vie juive, ne serait-elle pas une mitsva ?!

Certaines mitsvot n’interviennent qu’a posteriori. Par exemple, si quelqu’un a volé, il a l’obligation de restituer. Mais il n’y a évidemment aucune mitsva de voler pour avoir le mérite de restituer ! Ou encore, si quelqu’un veut manger de la viande, il a l’obligation de faire un abattage rituel. Mais il n’y a aucune mitsva de manger de la viande ! Ou encore, si un homme veut divorcer de sa femme, il a l’obligation de lui remettre un acte de divorce [guett]. Mais il n’y a évidemment aucune mitsva de divorcer de sa femme ! Ces mitsvot n’incombent pas à l’homme a priori, mais s’il se met lui-même dans une certaine situation, comme de commettre un vol, de manger de la viande ou de divorcer de sa femme, alors il a l’obligation a posteriori d’agir de la manière fixée par la Thora. D’après ce que dit le Rambam, il semblerait que la techouva ne soit pas une mitsva a priori, et ceci est très étonnant.

On trouve la réponse à cette question dans l’introduction de son Séfer Hamitsvot, où le Rambam fixe comme principe de son décompte des mitsvot qu’il n’y inclut pas les mitsvot ‘générales’. Par exemple, le verset : “Vous observerez tout ce que Je vous ai dit” [Exode 23, 13] est une déclaration générale concernant toutes les mitsvot, mais pas une mitsva particulière. C’est un principe d’un niveau supérieur puisqu’il inclut tout. La techouva non plus n’est pas comptée comme une mitsva pour la même raison : c’est une mitsva qui inclut toutes les mitsvot. Pour chaque mitsva on doit faire techouva, réparer et améliorer. Si l’on a été défaillant, il ne faut pas se sentir brisé ni désespéré, mais il faut réparer, ne pas persister dans la défaillance.

“Ne sois pas très méchant” [Ecclésiaste 7, 17] – [Ce qui veut dire :] si tu as été un peu méchant, ne te crois pas autorisé à l’être beaucoup.  [Chabbat 31b]

Il faut faire techouva. Cependant, le Rambam a compté la mitsva du vidouï [confession des fautes – Lois de la techouva 1, 1]. À première vue, la confession orale semble une affaire extérieure, car l’essentiel de la techouva se trouve dans les pensées du fond du cœur. La preuve en est que si un homme dit à une femme : “Tu m’es fiancée à la condition que je sois un juste parfait”, elle lui est fiancée au bénéfice du doute, car peut-être a-t-il fait techouva dans son cœur [Rambam, Hilkhot Ichout 8, 5]. Même si cet homme a un bilan global de méchant, il suffit qu’il ait eu des pensées de techouva pour devenir un juste à l’instant même, car s’est dévoilée en lui la volonté d’être bon. S’il en est ainsi, ce sont les pensées de techouva qui font la techouva. Alors quel besoin y a-t-il d’une confession orale ?

Parfois, un homme s’égare dans ses actions, mais sa capacité de penser, son potentiel spirituel, ne se sont pas dégradés dans tous ces égarements. Il y a dans l’homme une énergie intérieure capable de lui rendre toutes ses forces de vie affaiblies. Et certes, tout prend naissance dans son désir intérieur, mais il reste que l’homme se définit comme un ‘être vivant qui parle’ [‘haï medaber’], dont la capacité de penser est révélée par la parole. Quand un homme fait techouva, quand il s’emplit de pensées de techouva, il doit les dire, les exprimer par sa parole. Quand il a la force d’exprimer ses pensées intérieures, sa parole atteste la fermeté de la décision qu’il a prise en pensée. Tel est le rôle de la parole. Bien sûr, nous parlons ici d’une confession sérieuse et sincère, par laquelle l’homme exprime de sa bouche des désirs profonds, et non d’une confession superficielle murmurée du bout des lèvres.

Dans le vidouï, nous disons : “Nous sommes coupables, nous avons trahi…”. Au premier abord, cette expression n’est pas très plaisante, et elle accable la conscience. Mais ce n’est qu’une apparence : l’expression “je suis coupable” est une expression aristocratique, qui dénote l’importance de la personne. Un homme de condition modeste ne peut pas dire “je suis coupable”, il n’est pas encore arrivé au niveau d’être ‘coupable’. Supposons par exemple qu’une maison s’effondre, et que quelqu’un dise : “je suis coupable”. D’où vient ta culpabilité ? Sais-tu seulement comment on bâtit une maison ? Seul l’architecte, qui a les connaissances et les capacités pour construire une maison solide, peut dire “je suis coupable”. Quand un homme dit “je suis coupable”, il a la prétention de dire : “J’avais la possibilité de ne pas tomber et c’est ma responsabilité d’être tombé. Et par conséquent, je suis aussi capable de me sortir de cette situation et de réparer”. Mais s’il dit : “Je ne suis pas coupable, car tout mon mauvais comportement est dû à mes parents, à mes amis, à mes maîtres, à mon éducation, à mes maladies, à mon hérédité, à mon environnement, etc.”, il n’a vraiment plus rien à faire, aucune possibilité de s’en sortir. Un tel homme ne peut pas dire “je suis coupable”, il n’a pas le niveau. À l’inverse, un homme valeureux et courageux qui arrive à la conclusion “je suis coupable” se remplit de force et d’optimisme : “Oui, je suis responsable de cela, et comme j’ai été la cause du problème, je suis également capable d’en sortir”.


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