Voilà quelle est la nouveauté de la Thora : Dieu parle et s’adresse à l’homme. La foi en un Dieu unique en tant que cause première, possédant une existence éternelle nécessaire, ne nous est pas exclusive. Les philosophes aussi ont parlé d’un dieu qui est ❝nécessairement existant❞, source de toute réalité. Mais leur dieu est lointain, ❝dans les cieux❞ [voir l’article ❛Daat Elokim❜, dans ❛Ikvé Hatson❜]. Que dit à l’homme un tel dieu, philosophique et retranché ? En quoi contribue-t-il à sa vie ? En quoi son existence est-elle en rapport avec lui ? L’homme est à la recherche de lui-même, de son rôle dans la vie, en quoi est-ce un soutien pour lui s’il y a là-bas dans les cieux quelqu’un de ❝nécessairement existant❞ ? Ce n’est pas en cela que la Thora est venue innover :
Ils n’avaient aucun doute qu’il y avait dans le monde un existant nécessaire. Mais ce qu’il leur apporte de nouveau maintenant, et qu’il leur commande de croire, c’est ce qu’il leur dit en Son nom : ❝Je suis l’Éternel ton Dieu❞ – ❛Je suis nécessairement existant❜ , voilà ton guide, c’est cela que veut dire ❛ton Dieu❜. C’est cela le principe de cette mitsva : nous devons croire que c’est de Celui que nous savons être nécessairement existant… c’est de Lui que nous viennent les mitsvot et les mises en garde.
Homélies du Ran, 9 ; cité dans Olat Haréaïa II, p. 475, dans les notes.
Voilà l’innovation de la Thora : Dieu s’intéresse à l’homme, Il s’adresse à lui pour le guider et pour l’élever. Il ne trône pas dans les cieux en laissant l’homme se dégrader sans fin, mais Il se soucie de lui et Il intervient, Il l’oriente et Il lui montre
…le chemin où ils marcheront et les actions qu’ils feront.
Exode 18, 20.
Par le don de la Thora, Dieu nous envoie le cadeau de sa guidance, concentrée dans les Dix Commandements, qui constituent un condensé qui renferme toutes les mitsvot. Et le cœur de tous les Commandements est le premier :
Je suis l’Éternel ton Dieu…
Ibid. 20, 2.
– Je suis, au sein de la Terre, ton Dieu, Celui qui te guide, présent à l’intérieur de ta vie, sur tous tes chemins. Ceci est tout. Tout le reste n’est que détail de cette grande chose.
C’est Lui Dieu, le Guide, Celui…
…qui t’a fait sortir du pays d’Égypte.
Ibid.
Par cela tu réaliseras dans ton cœur la spécificité accomplie, en croyant en Lui, que ses yeux parcourent toute la Terre, que ses yeux surveillent toutes les voies de l’homme, et qu’Il examine le cœur et scrute les reins. Car celui qui ne croit pas à ❝qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte❞ ne croit pas non plus à ❝Je suis l’Éternel ton Dieu❞, et ceci n’est pas la spécificité accomplie. Car c’est cela la segoula d’Israël par rapport à tous les peuples, et c’est le fondement de toute la Thora.
Olat Réaïa, sur place.
Car la supervision du Saint-Béni-Soit-Il sur le monde, et sa puissante implication pour le conduire à son but, se reconnaît précisément à partir du fait qu’il a fait sortir Israël d’Égypte. S’il n’y avait pas la ségoula d’Israël, le rôle particulier du peuple d’Israël pour insérer la parole de Dieu dans le monde réel et dans sa délivrance, alors la sortie d’Israël d’Égypte serait vraiment un événement sans signification.
[En son temps fut produit un téléfilm qui eut le ❛mérite❜ d’encourir les anathèmes et les injures de toutes les églises chrétiennes. On décrit là-bas un petit enfant noir qui se représente Dieu comme un vieil homme, noir évidemment, avec une barbe blanche, entouré d’une escorte d’anges. Il demande à l’un des anges de regarder du balcon, pour voir ce qui se passe dans le monde. L’ange se penche, regarde et fait son rapport : ce n’est pas bon, il y a des querelles, des coups, bref, c’est une mauvaise affaire ! Dieu soupire. Que faire ? Il a une idée : prenons un peuple, trouvons-lui un endroit tranquille et occupons-nous de ce peuple-là, pour qu’il y ait au moins quelque chose de positif dans le monde. Aussitôt dit, aussitôt fait. On apporte un globe terrestre, et le vieil homme [Dieu…] commence à faire tourner son doigt. Il tourne, il tourne, et il se pose sur un certain point de la carte. Alors ? Qu’y a-t-il écrit là-bas ? – Canaan. Bon, qu’il soit là-bas ! Mais malheureusement, ce peuple qui devrait être à cet endroit n’est pas là, mais en Égypte, et à cet endroit justement se trouvent d’autres peuples, les Cananéens. Hé bien, tant pis, nous avons pris la décision. Il faut les faire sortir au moyen des plaies d’Égypte, de l’ouverture de la Mer Rouge et de guerres. À cause de ce scénario, le metteur en scène eut droit à de nombreux anathèmes des religieux chrétiens. Mais si on ne prend pas en compte la ségoula d’Israël, il est impossible de représenter les choses autrement.]
Alors à quoi bon tous ces malheurs ? Comment les justifier ? Pourquoi prendre une nation au sein d’une autre dans des douleurs déchirantes, puis en chasser d’autres de leur lieu de vie pour y faire entrer les premiers ? Cela n’a de sens que si l’on reconnaît la valeur unique de ce peuple, qui révèle par son histoire l’apparition de Dieu dans le monde et dans l’homme. Car le secret de sa formation oblige à ce qu’il se constitue dans le creuset de l’Égypte et dans les guerres de Canaan. Reconnaître Dieu et avoir la foi en son unité, c’est avoir la foi dans l’éternité d’Israël. L’histoire du peuple d’Israël, c’est l’histoire de la révélation divine dans la réalité. Il n’y a pas de foi en Dieu véritable sans la foi dans le peuple d’Israël.