5.4. Caractère global et caractère partiel – les controverses dans la Thora

Quelqu’un dira peut-être : certes, Moché a reçu la Thora, mais c’est la manière dont lui-même l’a comprise, peut-être peut-on la comprendre autrement. En effet, nous voyons qu’il existe des controverses entre les sages, et nous disons à ce sujet :

Les unes et les autres [opinions] sont des paroles du Dieu vivant.  [‘Irouvim 13b]

Peut-être peut-on aussi comprendre la Thora d’une autre manière que Moché notre maître ?

Eh bien non. Moché n’est pas qu’une partie de la Thora, il en est la totalité. C’est une âme spéciale créée par le Maître du monde pour recevoir toute la Thora. Tout ce qui pouvait être transmis depuis les Cieux à un être de chair et de sang a été transmis à Moché notre maître, depuis les généralités jusqu’aux détails. Tout autre sage ne représente qu’une certaine compréhension de la Thora [‘Haguiga 3b]. À chacun ses lunettes, et la couleur des verres à travers lesquels il voit le monde. Même l’individu voit différemment de ses deux yeux, et celui qui regarde d’un seul œil n’a pas la perception de profondeur qu’a celui qui regarde avec ses deux yeux.

D’un sage à l’autre les points de vue diffèrent. L’un voit tout sous l’angle de la ‘loi’ [le ‘din’], alors que l’autre voit tout sous l’angle de la ‘bonté’ [‘hessed’]. Chacun est un homme de vérité, et il a raison de son point de vue, c’est pourquoi “les unes et les autres [opinions] sont des paroles du Dieu vivant”. Mais chaque point de vue n’est que partiel, et donc restreint. Tel n’est pas le cas de Moché notre maître.

Dans toute ma maison il est le plus digne de confiance.  [Nombres 12, 7]

Il voit d’une vision limpide.  [Yébamot 49b].

C’est une vision claire, sans écrans, sans lunettes colorées. Il voit l’intérieur de la maison par toutes les fenêtres à la fois, et pas dans une perspective particulière – c’est pourquoi il voit tout. Il est toute la Thora. Il n’est pas possible de comprendre autrement que Moché, car toute compréhension différente est une compréhension extérieure à la Thora. C’est pourquoi on ne peut pas s’opposer à Moché, et Korah’ et sa faction, qui s’étaient lancés dans une controverse avec lui, ont été engloutis par la terre.

Bien que nous disions à propos des controverses des Sages : “Les unes et les autres sont des paroles du Dieu vivant”, les disputes ne sont pas l’idéal. L’idéal, c’est Moché notre maître, qui voit tous les aspects différents à la fois, exactement à leur place, car alors il n’y a pas de controverse. La controverse vient de la vision partielle, quand chaque sage voit les choses de son propre point de vue. Il faut réduire les controverses en élargissant le regard, en agrandissant l’angle d’approche. Plus un homme est grand, plus il saisit les choses à leur racine, et plus les controverses s’estompent. Et à l’inverse :

Quand se multiplièrent les élèves de Chammaï et d’Hillel qui n’avaient pas complété leur service, les controverses se multiplièrent en Israël.  [Sanhédrin 88b]

Parce qu’ils n’avaient pas suffisamment servi leurs maîtres, leur vision des choses était restreinte et partielle, c’est pourquoi les controverses se multiplièrent. C’était comme si leurs maîtres eux-mêmes, Hillel et Chammaï, regardaient dans la pièce chacun par une fenêtre, alors que les élèves regardaient chacun par un petit trou. Ils y voyaient donc beaucoup moins bien, et chacun voyait quelque chose d’autre. Ce que voit chaque élève est véridique, mais c’est une vérité partielle réduite à son point de vue. Si les élèves avaient suffisamment servi leurs maîtres, ils auraient élargi leur regard jusqu’à l’ampleur de vue de leurs maîtres. Alors ils auraient vu davantage, plus seulement l’image très limitée visible de leur petit trou, mais la grande image que voyaient leurs maîtres, et alors les points de controverse auraient été beaucoup moins nombreux. Mais chacun n’était qu’une miette de son maître, c’est pourquoi les controverses se multiplièrent.

L’idéal est d’arriver à une vision globale, de s’approcher autant que possible du regard global et unificateur de Moché, qui voit tout. Alors chaque valeur est remise à sa place, et tout se retrouve en ordre dans le chalom.


(Paragraphe suivant : 5.5 Transmission et renouvellement dans la Thora)