La Thora de Moché est éternelle et globale. Le Maître du monde a donné la Thora de manière complète et en une seule fois [Kouzari I, 80-81]. Tout ce qu’il était possible de transmettre depuis les Cieux a été transmis à Moché [voir Midrach Devarim Raba 8, 6]. Depuis lors, aucun prophète n’est autorisé à y rajouter quoi que ce soit, et tous les problèmes nouveaux trouvent leur solution à partir des principes généraux, éternels, qui furent donnés à Moché au Sinaï. Il n’y a pas d’évolution possible dans la Thora, comme c’est chose commune dans les autres religions. Une religion d’origine humaine est créée par un homme qui invente une idée fondatrice. Cette idée plaît à un certain groupe humain, ces gens en discutent entre eux, ils l’étoffent et lui donnent de l’ampleur. Ensuite arrive un autre homme à l’esprit brillant, qui n’est pas satisfait et ajoute autre chose, selon ce qui lui importe. Ainsi, les religions évoluent et se transforment au fil des générations. Mais la Thora, d’origine divine, est éternelle et ne change pas. Elle s’accorde à toutes les réalités passées et futures, et ne dépend pas des contingences.
À ce sujet on raconte une histoire : un cocher avait loué ses services pour transporter des tonneaux dans son chariot. L’hiver était rigoureux et la route était glacée. Son chariot se renversa et les tonneaux se brisèrent. Le propriétaire des tonneaux porta plainte au Beth-Din, et le juge condamna le cocher à payer les dommages conformément à la loi de la Thora. Le cocher demanda au juge : “Quand la Thora fut-elle donnée ?” – “En Sivan.” – “Ahah !” s’exclama le cocher, “en Sivan il n’y a pas de glace, c’est pour cela que la Thora me rend responsable, si elle avait été donnée en hiver, elle ne m’aurait pas pénalisé”.
Il est vrai que les Talmidé Hakhamim introduisent des ‘hidouchim’ [‘innovations’] à toutes les générations, et quand l’un d’eux découvre quelque chose dans la Thora, “on ne le néglige pas” – en méprisant ses paroles, “on ne le met pas mis à l’écart” – en disant de lui que c’est un orgueilleux pour avoir osé dire une chose qu’on n’avait jamais entendue jusque là, “on ne fait pas se rétracter” – on ne l’oblige pas à se démarquer de ce qu’il avait enseigné et à se repentir. Il y a une place pour l’innovation ; même si les Talmidé Hakhamim plus grands que lui n’avaient pas dit comme lui, cela n’invalide pas son hidouch : “ses pères lui ont laissé la place de trouver un champ d’action digne de lui” [‘Houlin 7a, et Rachi sur place].
Cependant nous disons à propos de tous les hidouchim :
Tout ce qu’un étudiant confirmé dira dans l’avenir devant son maître, tout cela fut donné comme halakha à Moché du Sinaï. [Kohélet Raba 5, 6]
Tout hidouch authentique est inclus et enveloppé dans les principes de la Thora donnés à Moché. Les Talmidé Hakhamim ne font que mettre à jour ce qui est enfoui dans la Thora de Moché, ils élargissent et détaillent ses généralités.
Cependant, comment pouvons-nous savoir si les hidouchim sont fondés ? Comment pouvons-nous être sûrs que tous les commentaires et les hidouchim sont effectivement contenus dans la Thora ? Nos sages disent à ce sujet :
“Si écouter vous écoutez…” [Deutéronome 11, 13, deuxième § du Chéma Israël] – si tu écoutes l’ancien, tu entendras le nouveau. [Rachi sur place ; Souka 46b]
Prenons le cas d’un Talmid Hakham qui toute sa vie étudie avec ferveur et dévouement “l’ancien” (c’est-à-dire la Thora transmise par tradition), qui s’efforce de l’approfondir et de la comprendre avec la foi absolue que toute la Thora que nous avons vient des Cieux, qui se remplit de Thora et devient lui-même ‘ancien’ (c’est-à-dire imprégné de la tradition); quand un tel homme dit une parole innovante, il est clair pour nous que son ‘nouveau’ est en continuité avec ‘l’ancien’, avec la Thora de Moché venue du Sinaï. Mais si quelqu’un ne s’inscrit pas dans ce profil, ce qu’il dit ne peut pas être considéré comme de la Thora. Ce n’est pas toute idée nouvelle qui est Thora, ce n’est pas toute chose nouvelle qui se sanctifie [voir Maamaré Haréaïa, ‘Hahadach bemedina ouvemikdach’, pp.181-182]. Il ne faut pas rendre cachère toute opinion sous prétexte d’ouverture.
Un homme fait pousser ses idées selon ce qui est implanté dans son cœur, tout comme lorsqu’on a planté un poirier il ne pousse que des poires et pas des pommes. C’est pourquoi, si un homme est enraciné dans la culture étrangère, ses paroles ne sont pas de la Thora. Si au contraire s’applique à lui la formule : “Et il a planté en nous la vie éternelle” [Bénédictions de la Thora], alors la Thora fleurit dans son jardin.