La mise en action du potentiel de l’homme n’est pas simple du tout. Elle est liée à une lutte entre forces opposées. C’est la définition de l’épreuve : une situation où l’homme agit malgré des forces opposées. C’est quelque chose où l’on peut réussir ou échouer. La lutte n’est ni assurée, ni décidée, ni coulée dans le moule comme la segoula :
Le Génie d’Israël ne mentira pas et ne se désavouera pas. [Samuel I 15, 29]
Ici, l’homme met sa force à l’épreuve dans le but de l’emporter, et il y a une lutte dont l’issue n’est pas garantie. L’épreuve donne à l’homme un défi à relever, non pas ‘parce que…’, mais ‘bien que…’. Il y a des gens dont les actions positives sont conditionnées par différentes raisons : “auparavant j’ai fait cela parce que…” ; maintenant, dans l’épreuve, il me manque le ‘parce que…’. Justement c’est l’inverse : si tu ne peux pas le faire ‘parce que…’, fais-le ‘bien que…’, c’est quelque chose de beaucoup plus grand.
L’épreuve imposée à l’homme n’est pas au-dessus de ses forces. Il doit connaître ce grand principe : le Saint-Béni-Soit-Il ne place pas l’homme dans des situations qu’il ne puisse pas surmonter. Il faut avoir foi en Dieu. Le Saint-Béni-Soit-Il n’a aucun intérêt à faire échouer les hommes. Son but est d’élever l’homme et de le faire avancer. C’est pourquoi Il lui envoie des situations qu’il est obligé d’affronter en mettant en œuvre ses ressources cachées, et de ce fait il s’élève [voir Midrach Raba Noah 2 ; ‘Haémek Davar’ / Berechit 22, 1].
Cela ressemble aux exercices imposés à l’élève, qui sont composés pour que l’élève soit capable de les faire s’il exerce son intelligence, et en les faisant il comprend le sens de ce qu’il a appris. Écouter un enseignement théorique n’assure pas la compréhension du sujet, tant que l’élève ne s’exerce pas à l’appliquer. Cela ne lui ‘va’ pas toujours d’avoir à résoudre des exercices, mais il peut et il doit les résoudre. Il en est de même pour les ‘exercices’ que nous avons dans la vie – à savoir les épreuves. Chaque fois que le Saint-Béni-Soit-Il éprouve un homme, c’est signe qu’il peut maîtriser la situation. Le Saint-Béni-Soit-Il ne vient pas vers ses créatures avec des griefs, et Il ne veut pas les faire échouer. L’épreuve vient pour élever et non pour faire chuter.
L’homme rencontre toutes sortes de complications dans la vie , il a froid, il a chaud, il n’a pas d’argent, il n’a pas de forces, il n’a pas envie, ça le ‘casse’ et ça le dégoûte, mais il doit rassembler ses forces malgré le désespoir. Rassembler ses forces quand on n’est pas désespéré, ce n’est pas bien malin. La difficulté est d’être désespéré – et plein d’espoir. Quand l’homme est plein d’espoir – il n’a encore rien fait. La situation désespérante est une occasion extraordinaire : un homme attendra cela toute sa vie, quand enfin il sera désespéré. Et quand cette “mitsva” viendra à sa portée il ne la laissera pas passer. Il se réjouira du désespoir qui s’est présenté à lui, et déjà il n’est plus désespéré.
On peut considérer les difficultés de la vie de trois manières. La première est de dire : “Il n’y a pas de problèmes, tout est lisse !”. Nos sages définissent cette méthode comme celle de l’ivrogne. À l’ivrogne le monde apparaît tout plat, comme il est dit :
Quand il met les yeux dans son verre il marche droit. [voir Yoma 75]
– “Tout est droit, tout est permis, tout est comme il faut, il n’y a pas de problèmes dans le monde”.
La deuxième méthode est à l’inverse : “Tout est difficile, impossible d’en venir à bout, les obstacles sont insurmontables, tout est perdu”.
Au contraire, la troisième méthode qui est la nôtre est de dire : “Il y a des difficultés, nous en sommes conscients et nous ne nous les cachons pas, mais nous lutterons contre elles et nous les surmonterons”.
La lutte avec les difficultés, la mise à l’épreuve, vient pour mettre en œuvre ce qu’il y a en l’homme. Ce n’est pas une entrave, mais au contraire une aide. Sans l’épreuve, l’homme ne peut pas découvrir les forces qui sont cachées en lui. Et Dieu, le Créateur de l’homme, qui connaît les forces implantées au fond de lui, envoie des difficultés pour les révéler.
Cependant il n’y a pas besoin de demander les épreuves, la vie nous en invite plus qu’il n’en faut. Nous ferons des efforts et nous les surmonterons, et ainsi se révèlera notre valeur. L’épreuve ne doit pas forcément nous accabler, mais au contraire, les difficultés sont faites pour être aimées, elles constituent un défi, comme cet enfant qui saute des marches dans un sens et dans l’autre, en avant et en arrière, ou qui essaye de manger des vermicelles avec une paille : quand il réussit, il est saisi d’une grande joie. Pourquoi se compliquer la vie ? On peut faire les choses simplement ! Mais quoi, l’enfant aime les difficultés, cela l’ennuie de manger sa soupe avec une cuillère tous les jours. L’enfant a de grandes forces, et il a besoin de s’en servir, de faire des efforts et d’avoir le dessus. Il est interdit d’opprimer les forces de l’enfant, même quand il nous paraît qu’il s’en sert pour des bêtises. Il pourra employer ses forces pour des sujets plus importants. C’est la même chose pour l’homme en général, les épreuves constituent le défi dans la vie.
Ainsi, le Saint-Béni-Soit-Il a créé le monde pour se faire connaître et se révéler, et Il se révèle à travers ses créatures. L’homme qui a été créé à l’image de Dieu se fait connaître dans le monde, et sa valeur se révèle par sa tenue dans les épreuves. Certains expliquent le mot ‘nissaïon’ [‘épreuve’] à partir du mot ‘ness’ [‘étendard’] [Midrach Raba 55, 1], un drapeau qui proclame et fait connaître hautement la valeur de l’homme.