Le monde est donc composé de deux versants opposés : du côté de la conception il est entièrement bon, et du côté de la réalité il est brisé et confus. Cependant, le monde est certes en état de crise depuis son origine, mais il a aussi été créé de manière à être réparé, et il est certain qu’il sera finalement réparé.
À quoi la chose ressemble-t-elle ? Quelqu’un va acheter une table, et on lui propose des pièces de bois séparées. Il s’étonne : “C’est cela, la table ?” – “Oui, c’est une table ‘à monter soi-même’”. Notre monde lui aussi est livré en pièces détachées, il est ‘à monter soi-même’. Il ne faut pas s’inquiéter, toutes les pièces sont là, toutes les adaptations et les assemblages nécessaires sont réalisables, et nous avons la promesse qu’à partir de ces éléments il est possible de construire un homme réparé, et un monde réparé. Le processus de ‘montage soi-même’, la réparation et le perfectionnement vers un état parfait, c’est la techouva. Dans ce sens, “la techouva précéda le monde” : le monde a été créé a priori de telle façon que seule la techouva peut l’amener à la finalité de son existence et à son total accomplissement. C’est pourquoi les crises et les manques que nous trouvons dans le monde ne doivent pas nous conduire au désespoir. Au contraire nous devons comprendre que le monde est construit ainsi, que la techouva – qui est la possibilité de la réparation et de l’élévation – est inhérente à son fondement.
Le monde a trois états. Dans le premier, l’homme et le monde sont dans leur vérité intacte selon le projet divin, dans leur forme idéale absolue. Dans le second, l’homme et le monde sont dans leur situation réelle dans les faits : c’est l’ère des crises et des chutes. Le troisième est le retour à l’état premier. Mais ce troisième état est supérieur au premier, du fait qu’on est passé par le second : nous avons surmonté tous les problèmes, et nous avons élevé la réalité vers son idéal en faisant l’expérience de tous les déboires. C’est cela la techouva.
Cependant la question se pose : pourquoi le Maître du monde n’a-t-il pas créé d’emblée un monde parfait ? Pourquoi le monde doit-il traverser des crises pour arriver à son achèvement ? Nous ne le savons pas. Il semble évident que ç’aurait été mieux… Mais au fond, Dieu a créé un monde parfait, mais par une démarche progressive…
À quoi la chose ressemble-t-elle ? À un homme qui apporte du tissu à un tailleur pour qu’il lui fasse un costume. Après quelques jours il retourne chez le tailleur : “Où est mon costume ?” – celui-ci lui montre les morceaux de tissu qu’il a découpés. Alors il se lamente : “Cela ne suffit pas que tu n’aies pas fait le costume, il fallait aussi que tu gâches l’étoffe !” Le tailleur se moque de lui : “C’est ton costume, mais nous sommes simplement au milieu du travail !”. Eh bien, le Saint-Béni-Soit-Il est Lui aussi au milieu de l’œuvre de la Création, et elle se complète et se parfait par nos soins. C’est un honneur pour nous d’être ses partenaires dans l’œuvre créatrice.
Le Saint-Béni-Soit-Il a créé dans la réalité un monde incomplet, prédisposé aux fautes, aux crises et aux chutes. Mais il l’a créé pourvu des ressources qui lui permettent de surmonter tous ses défauts : les forces de la techouva. Nous ne sommes pas responsables de ce que le monde est de manière générale porté à la faute, de ce que la capacité de fauter est gravée dans sa nature. Mais nous ne sommes pas dispensés pour autant d’être responsables, et c’est à nous qu’incombe la responsabilité de réparer toutes les fautes et tous les manques.
(Paragraphe suivant : 4. La techouva, mondiale et individuelle)