“Pourquoi Dieu nous fait-il cela ?”
Y a-t-il une signification à ces malheurs, ou est-ce une souffrance pour rien ? Le Maharal de Prague écrit que les souffrances précédant le Messie sont de l’ordre de “l’absence qui précède l’existence” [Netsah Israël 26, p.134] : avant toute germination il y a une décomposition, avant la lumière il y a l’obscurité, avant la Création il y a le tohu-va-bohu, À la mesure de l’absence est la grandeur de l’existence, à la mesure de nos malheurs est la grandeur de la délivrance que nous enverra le Saint-Béni-Soit-Il. Une catastrophe aussi terrible amènera sans aucun doute une construction imposante. C’est ainsi qu’écrit le Ya’avetz : d’après la majorité des opinions, la grandeur et la réussite fleurissent après le désespoir et la chute. Le mal le plus cruel contient en puissance le plus grand bien.
C’est parce que les Juifs se considéraient comme installés en sécurité en exil, que sont venus sur eux tous ces malheurs [Em Habanim Semeha pp.67-68]. C’est ce qui est arrivé dans tous les exils et dans tous les pays de la Dispersion, parce qu’ils se sont détournés de l’idée de revenir en terre d’Israël. C’était donc un plan bien fondé du Grand Architecte, de durcir les conditions de leur exil pour qu’ils veuillent revenir en terre d’Israël. Dès qu’Israël détourne sa pensée d’Éretz-Israël, arrivent aussitôt des décrets sévères contre lui [Ibid].
C’est ce que dit le Midrach à propos du verset
Il renvoya la colombe… et la colombe ne trouva pas de repos pour sa patte” [Genèse 8, 9] :
Si elle avait trouvé un repos, elle ne serait pas revenue. Il est dit la même chose de la communauté d’Israël dont la colombe est la métaphore : “Elle demeura en exil parmi les nations sans trouver de repos” [Lamentations 1, 3] – si elle avait trouvé un repos, elle ne serait pas revenue. [Berechit Rabba, parachat Noah, parachia 33, §6, p. 68].
Le poids de l’exil et la dureté croissante des décrets de jour en jour, c’est pour nous réveiller du sommeil de l’exil :
La voix de mon bien-aimé frappe à la porte. [Cantique des Cantiques 5, 2].
Le Saint-Béni-Soit-Il frappe à la porte de notre cœur pour éveiller en nous le désir nostalgique de revenir dans notre terre sainte, dont nous avons détourné notre pensée pendant presque deux mille ans. Nous nous sommes contentés d’une tranquillité minimale pour habiter chez les goyim, dans le déni de l’honneur de Dieu, de l’honneur de notre nation et de l’honneur de notre terre sainte. Nous avons vendu le droit d’aînesse d’Israël pour un plat de lentilles de la terre des peuples. [Em Habanim Semeha pp.68-69]
C’était bon et agréable en exil, il ne nous manquait rien, et nous avons oublié que tout nous manquait : l’honneur de Dieu, l’honneur de notre nation et l’honneur de la terre d’Israël. Et le Saint-Béni-Soit-Il pleure sur cela :
“Mon âme, en secret, pleurera sur cette fierté” [Jérémie 13, 17] – à cause de la fierté d’Israël qui leur a été enlevée pour être donnée aux idolâtres. [Haguiga 5b]
Chaque nation a un sentiment de fierté nationale, mais Israël…
Israël ne ressent aucune gloire ni aucun honneur à être le peuple d’Israël. [Em Habanim Semeha 69]
Ils ont perdu le respect d’eux-mêmes, et ils se contentent du plat de lentilles que leur propose l’exil. C’est pourquoi le Saint-Béni-Soit-Il est obligé de venir en “voix de mon bien-aimé qui frappe”. C’est la ‘voix de mon bien-aimé’ – il nous aime ; mais il ‘frappe’ – non par haine mais par amour. Les décrets cruels se renouvellent contre nous à toutes les époques pour réveiller chez nous le désir de revenir sur notre terre, de retrouver notre honneur. Parfois les coups sont légers, et parfois ils sont forts. La frappe de la Shoah est la frappe la plus terrible que nous ayons reçue, et elle nous enjoint de revenir en terre d’Israël [Em Habanim Semeha p.140].
Parfois le Saint-Béni-Soit-Il parle par les prophètes, et parfois il parle au moyen de frappes. Tous les événements forts qui nous blessent, qui frappent comme un marteau aux portes de notre cœur et nous réveillent du sommeil de la paresse, sont une partie des discours prononcés par les prophètes. La mission de remontrance confiée autrefois aux prophètes est échue aujourd’hui aux épreuves [Ibid p.145]. Ainsi le dit le Midrach :
Le Saint-Béni-Soit-Il dit aux prophètes : “Que pensez-vous ? Si vous n’accomplissez pas votre mission, n’ai-Je personne à envoyer ?… Je fais accomplir ma mission même par le serpent, même par le scorpion, même par la grenouille.” [Chemot Rabba, parachat Vaéra, parachia 10, §§1-2, p.140]
Ainsi, Élimélekh et ses fils abandonnèrent le pays et restèrent à Moav pendant dix ans. Pendant toutes ces années le Saint-Béni-Soit-Il les avertit qu’ils devaient rentrer en Israël. Comme ils ne firent pas techouva, Il envoya sa main sur leur bétail et sur leurs chameaux. Ils ne ressentirent pas le besoin de faire techouva, et ils moururent [Livre de Ruth ; Midrach Tanhouma, Béhar 3].
Et de même pour Yaakov notre père : il est dit dans le Midrach qu’à son retour en terre d’Israël, les malheurs fondirent sur lui l’un après l’autre parce qu’il ne s’empressa pas d’accomplir son vœu envers Dieu, de revenir au pays de ses pères [Yalkout Hamakhiri, Michlé 20, 25].
Le Saint-Béni-Soit-Il nous promit, et Il scella cette alliance avec nous, qu’Il veillerait sur nous pendant le temps de notre exil, et que nous ne sortirions pas de l’exil de notre propre chef mais seulement sur l’ordre divin. Et en effet, Il a veillé sur nous. Mais aujourd’hui, où on nous a dérobé tout droit à la vie, où on nous a enlevé toute possibilité de subsistance, où on nous a totalement ruinés, il s’avère que le Saint-Béni-Soit-Il nous a enlevé toute cette sécurité en exil, comme s’Il nous disait explicitement : “Mes enfants, à partir de maintenant Je ne veux pas que vous vous attardiez davantage dans les pays de l’exil, c’est pourquoi J’ai retiré de vous la main qui assurait votre protection en exil”. Si nous voulons malgré tout rester, nous en portons la responsabilité.
Nous devons tirer les leçons du comportement d’Avraham notre père :
Il y eut une famine au pays, et Avraham descendit en Égypte pour y séjourner, car la famine était déjà dans le pays. [Genèse 12, 10]
Car ce n’était pas un ordre de Dieu qu’il vive dans la misère et qu’il meure en terre d’Israël. Avraham comprit que la volonté du Saint-Béni-Soit-Il était qu’il s’en aille en Égypte pour y demander de la nourriture. Donc, bien que le Saint-Béni-Soit-Il lui ait ordonné d’aller au pays de Canaan, comme il y avait la famine, Avraham comprit que la volonté du Saint-Béni-Soit-Il était qu’il aille ailleurs pour chercher de quoi se nourrir. Quant à nous, qui n’avons pas reçu l’ordre d’être en exil, on nous tue et nous n’avons rien à manger, alors que les portes de la terre d’Israël se sont ouvertes. Est-ce difficile de comprendre l’allusion, et de voir que la volonté divine est que nous quittions l’exil et que nous revenions en terre d’Israël ?!
La terre d’Israël s’acquiert par les épreuves. [Berakhot 5a]
Par les épreuves que le Saint-Béni-Soit-Il fait venir sur l’homme en rapport avec son lieu d’habitation, l’homme comprend qu’il doit monter en terre d’Israël et participer à sa construction [Em Habanim Semeha pp.146-147], et à la mesure de la destruction sera le salut.