3. Yaakov notre père – la confrontation aux problèmes

L’attitude de Yaakov notre père consiste à lutter et à guerroyer de l’intérieur des difficultés.

Question :

Nos pères Avraham et Itzhak n’ont-ils pas eu eux aussi des combats et des problèmes ? Quelle différence entre eux et Yaakov ?

Réponse :

Il est vrai que nos pères Avraham et Itzhak ont des confrontations et des problèmes avec différents facteurs, mais le caractère problématique se présente à eux de manière différente. Certes, Avraham notre père fait la guerre aux quatre rois et les poursuit jusqu’à Damas, il y a eu dans sa vie des événements pénibles, mais ce qui ressort de tout cela est le fait qu’il domine les problèmes. C’est un géant, doué d’une énergie exceptionnelle, d’une activité débordante, et il maîtrise la situation, il gagne sur la réalité à partir d’une position souveraine.

Itzhak notre père a lui aussi des confrontations dans la réalité, comme la querelle à propos des puits et d’autres du même genre, mais il se situe au-dessus des problèmes d’une manière différente d’Avraham : il ne se bat pas avec la réalité pour la vaincre, mais simplement il n’est pas concerné par les complications, il n’entre pas dans les problèmes et il est impossible de l’y faire entrer. On se querelle avec lui à propos des puits ? – Il se met à l’écart. Lui-même ne se querelle jamais, ce sont les bergers qui se querellent. Il est au-dessus de tout cela, au-dessus de ce monde ci. Certes, quand il s’occupe de ce monde il a droit à une bénédiction extraordinaire venue du ciel, au-delà de tout ce que peuvent atteindre les autres :

Cette année-là il récolta au centuple, et l’Éternel le bénit.

Genèse 26, 12.

Mais c’est un homme du ciel, il est agi par la réalité. Ce n’est pas de la passivité ou de la soumission, mais une conformité à l’action divine, une appartenance à un ordre des choses sublime qui transcende les problèmes, dans lequel toute la réalité se dispose d’elle-même pour la bénédiction. Il est amené à la ligature ; sa bénédiction est donnée sous une forme compliquée sans qu’il le sache, et il apparaît qu’elle est donnée à l’homme qu’il faut ; on choisit une femme pour lui sans qu’il y soit mêlé, et cela se révèle être une bénédiction :

Il l’amena dans la tente de Sarah sa mère… et il l’aima.

Genèse 24, 67.

Itzhak appartient au niveau le plus élevé, celui de l’origine où le mal n’existe pas.

À l’opposé, Yaakov se situe à l’intérieur des problèmes et non au-dessus d’eux. Yaakov notre père ❛entre dans l’épaisseur de la poutre❜ [❛il prend le taureau par les cornes❜], il ne se soumet pas. Il entre dans les complications mais il se bat. Il est ❛Ya’akov❜, il suit de près [❛O’kev❜] la réalité et s’y embusque pour intervenir au moment opportun, et faire tourner les choses à son avantage. Il se bat et se construit à l’intérieur des complications. Depuis ses débuts il se querelle pour s’affirmer :

❝Ils se bousculaient❞ – ils se querellaient sur l’héritage des deux mondes.

Rachi sur Genèse 25, 22.

Sa main tenait le talon d’Essav.

Genèse 25, 26.

Il ne renonce pas au droit d’aînesse qui lui appartient en vérité, et au bout du compte il obtient gain de cause en l’achetant .

[Par la suite nous retrouvons une lutte semblable entre ses descendants, Péretz et Zérah fils de Yéhouda, quand Péretz qui est le puîné force le passage et sort le premier devant son frère, après que celui-ci a déjà sorti son bras. Et dans la descendance de Péretz naîtra le Messie fils de David [Genèse 38, 29-30]].

Ensuite, avec l’aide de sa mère il lutte pour avoir la bénédiction de son père Itzhak et il l’obtient. Essav cherche à le tuer et il s’enfuit à Haran. Là, il commence de construire une vie nouvelle. Puis, quand Rachel est remplacée par Léa, il ne crie pas et il n’essaye pas d’éluder le problème. Il ne se plaint même pas, il ne pleure pas et il n’écrit pas de complaintes romantiques ni des romans entiers sur ce qui s’est passé [comme l’on fait certains écrivains qui ont transformé leurs échecs dans ce domaine en source de revenus, en écrivant des romans fleuves sur leurs amours déçus]. Yaakov surmonte l’épreuve et il se construit aussi à partir de cela : il aura à la fois Léa et Rachel.

De même en ce qui concerne la rétribution de son travail. Lavan change son salaire une dizaine de fois, mais Yaakov ne faiblit pas :

S’il disait ❝les [agneaux] pointillés seront ton salaire❞, tout le troupeau mettait bas des pointillés, et s’il disait ❝les bigarrés seront ton salaire❞, tout le troupeau mettait bas des bigarrés.

Ibid. 31, 8.

Il s’arrange au sein de toute cette complication, et en fin de compte :

L’homme s’enrichit énormément, il eut un bétail nombreux, ainsi que des servantes, des serviteurs, des chameaux et des ânes.

Ibid. 30, 43.

Après cela, il s’enfuit devant son beau-père Lavan qui veut le tuer, et l’affaire se termine par la conclusion d’une alliance, et par la transformation de la guerre en paix. De même avec la rencontre avec Essav, le frère ennemi se transforme en ami, au moins pour un temps. Ensuite a lieu l’aventure de Dina à Chekhem, avec toute la douleur et la honte qui s’y rapportent, qui se termine par la conquête de Chekhem :

…que j’ai prise de la main de l’Émorréen, par mon épée et par mon arc.

Ibid. 48, 22.

Et ainsi de suite, tout au long de sa vie.

Dans la réalité il y a des problèmes, on ne peut s’y dérober, mais on peut lutter de l’intérieur pour se construire à partir d’eux.

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