Toute personne d’Israël doit chérir le pays d’Israël


Rabbi Élazar Azkari  (Safed 1533 – 1600)


C’est une mitsva positive de la Thora d’habiter en Erets-Israël, comme il est dit [Deutéronome 26, 1] : « Tu en prendras possession et tu y habiteras ». Nos Sages ont dit dans le Sifri que cette mitsva pèse autant que toutes les mitsvot de la Thora, et ils ont dit : « Quiconque sort d’Erets-Israël pour habiter à l’étranger sera à tes yeux comme un idolâtre, comme il est dit [Samuel I 26, 19) : « Ils m’ont empêché, en me chassant, de m’associer à l’héritage de l’Éternel, et ils m’ont dit : ‘Va servir des Dieux étrangers’” ! ». On trouve dans le Traité Baba Batra [91a] : « Rabbi Chim’on bar Yohaï dit : « Élimélekh, Mahlon et Kilïon étaient les Grands [en Thora] de la génération, et les chefs de la génération, et pourquoi ont-ils été punis ? Parce qu’ils sont sortis d’Erets-Israël pour aller [habiter] à l’étranger, comme il est dit [Ruth 1, 19] : ‘Toute la ville fut stupéfaite en les voyant, et les femmes dirent : – est-ce là Naomi ?’ Rabbi Itshak explique : « Elles ont dit : ‘avez-vous vu ce qui est arrivé à Naomi, qui est sortie d’Erets-Israël ?’ «  ».

Toute personne d’Israël doit chérir le pays d’Israël et venir le retrouver du bout du monde avec un désir ardent, comme un enfant pour le sein de sa mère, car la faute pour laquelle nous devons pleurer de génération en génération a commencé par le dédain que nous avons eu pour elle, comme il est dit [Psaumes 106, 24] : « Ils ont dédaigné la terre désirable ». Tandis qu’à propos de notre délivrance, il est dit [Psaumes 102, 15] : « Car tes serviteurs aiment ses pierres, et ils chérissent sa poussière » à la suite de [verset 14] : « Tu te lèveras, Tu feras miséricorde à Sion ». Et c’est pourquoi les Amoraïm [1] embrassaient la poussière et les pierres d’Erets-Israël quand ils y arrivaient. C’est une excellente chose de chanter avec la plus grande émotion le chant d’amour composé pour elle par Rabbi Yéhouda Halévy : « Ô Terre sainte, aimée et convoitée etc. ». De même, le premier soir de chaque lunaison nous récitons dans la joie le poème de Rabbi Yéhouda Bar Ilaï, et nous implorons Dieu de ne pas être chassés de notre Terre. Tant ceux qui en sont proches que ceux qui en sont éloignés et qui vivent à l’étranger doivent la désirer et se languir d’elle, car de même qu’Il les a choisis, Il a choisi la Terre d’Israël qui leur fut destinée. En outre, ils ne sont appelés ‘nation unie’ qu’avec elle, puisque c’est ainsi que Rabbi Chim’on bar Yohaï explique le verset [Chroniques I 17, 21] : « Et qui est comme toi, nation une sur la terre ? ».

Nous trouvons dans le Midrach que le Saint-Béni-Soit-Il dit une première fois à Abraham notre père d’aller en Erets-Israël. Il vit la Terre et il revint. Quand il fut revenu, l’Éternel ne lui permit pas d’y retourner avant cinq ans. Et pendant ces cinq ans, il fut consumé du désir d’y revenir. C’est Abraham qui parle dans le verset [Psaumes 55, 7-8] : « Qui me donnera des ailes comme la colombe pour voler vers ma demeure ? Je m’éloignerai dans l’errance, et je passerai la nuit dans le désert » – Mieux vaut passer la nuit dans les déserts d’Erets-Israël que dans les palais à l’étranger. Il était impatient, et dès que l’autorisation lui fut accordée, le verset dit [Genèse 12, 4] : « Abraham alla comme l’Éternel lui avait dit ». Avant d’avoir vu la Terre, elle ne suscitait pas chez lui un attrait exceptionnel, mais après qu’il y fut allé une première fois, et qu’il vit dans une vision prophétique la glorieuse magnificence de sa sainteté [2], il en éprouva un désir extrême. Et nous, ses descendants, nous apprenons de lui à ressentir le même désir ardent pour la Terre d’Israël ; et bien que ses habitants soient soumis à de dures épreuves, nous saurons les accepter dans la joie [3].

Telle est d’ailleurs la raison de l’enchaînement de l’épisode d’Amalek avec le thème de l’entrée en Erets-Israël au début de la section hebdomadaire ‘Ki Tavo’. Comme l’ont dit nos Sages : « Le Saint-Béni-Soit-Il fit trois cadeaux à Israël, qu’ils ne peuvent recevoir qu’à travers des épreuves. Ce sont : la Thora, Erets-Israël et le Monde à venir » [Berakhot 5a]. Et de même que la première fois que nous sommes entrés, Amalek vint nous attaquer – maintenant aussi, lors du rassemblement des exilés, quand nous voulons revenir en Erets-Israël, Amalek se trouve sur notre chemin. Et comme nous le voyons tous les jours, l’Éternel voit et juge.

Quant au verset « Et ce sera, quand vous arriverez au pays… » [Exode 12, 25], il commence par le mot ‘Véhaya’, qui est une des douze permutations du Nom de l’Éternel [4]. Ceci fait allusion au fait que celui qui habite en Erets-Israël est attaché à Dieu, à l’opposé de celui qui habite à l’étranger, « qui ressemble à un athée » [Ketoubot 110b]. Et cela renvoie à ce que disent nos Sages : partout où il est écrit ‘Véhaya’, c’est un signe de joie véritable.

Nahmanide a inclus dans les 613 mitsvot celle d’habiter en Erets-Israël. Chaque instant où l’on vit en Erets-Israël, on accomplit cette mitsva, et chacun sait que pour l’essentiel, le salaire de la mitsva dépend de la joie qu’on a eue à l’accomplir, comme il est dit [Deutéronome 28, 47] : « Parce que tu n’auras pas servi l’Éternel ton Dieu dans la joie » [5]. Par conséquent, celui qui habite en Erets-Israël doit en permanence éprouver de la joie par l’accomplissement de cette mitsva constante avec amour. Il doit aussi être dans une crainte révérencielle, comme l’a écrit Rabbi Chim’on bar Yohaï : « Toute mitsva qui n’est pas accomplie dans l’amour et dans la crainte, ce n’est pas une mitsva » [Tikounei Zohar], et comme il est dit aussi dans ‘Avot de Rabbi Nathan’ : « Sois dans la joie et dans la crainte pour faire les mitsvot ».

Toute personne qui entre en Erets-Israël doit être saisie d’un tremblement, et de la crainte de Dieu beaucoup plus qu’en-dehors d’Israël, car il doit savoir qu’il vient résider dans le palais du Roi.

[Sefer Harédim]


[1] Rabbins de l’époque de la Guemara.
[2] La vision prophétique n’est possible qu’en Erets-Israël.
[3] En comprenant que par ces épreuves nous acquérons le mérite d’habiter en Erets-Israël, comme il est expliqué dans la suite.
[4] Le tétragramme, formé de quatre lettres dont deux sont identiques.
[5] Telle est la cause des malédictions recensées dans ce passage de la Thorah.