Qu’est-ce que le « post-modernisme » ?


Rav Chlomo Aviner chélita – ‘Chéïlat Chlomo’, Adar 5778.


Q : J’entends beaucoup parler du ‘post-modernisme’. Qu’est-ce que c’est exactement ?

R : un courant de pensée dominant dans tout l’occident, et même chez nous, de manière consciente ou inconsciente, et qui est l’envers du modernisme.

Q : Alors procédons par ordre : qu’est-ce que le modernisme ?

R: C’est un courant de pensée qui stipule qu’il faut examiner toute vérité de façon raisonnée, logique et critique.

Q : Évidemment !

R : Cela n’a pas toujours été évident. Le christianisme a dominé le monde pendant un millier d’années, il l’a débarrassé de diverses idolâtries extravagantes et tordues, et il a interdit à l’humanité de penser ! Mais finalement, les gens se sont réveillés et ils ont compris que c’était une chose insupportable. Alors ils se sont révoltés contre le christianisme, et ils ont dit : “À partir de maintenant, nous déciderons nous-mêmes au moyen de notre intelligence ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est bien et ce qui est mal”.

Q : C’était un changement dans le bon sens ?

R : Évidemment ! Cela nous a libéré du christianisme dans une grande mesure.

Q : Mais nous avons perdu Dieu ! Dans le christianisme, il y a Dieu, même si c’est déformé. Et il est clair qu’on ne peut pas tout expliquer par le raisonnement, il y a des choses qui le dépassent. Ne se servir que du raisonnement risque d’amener à l’athéisme !

R : C’est une question complexe. Il y a un défaut dans l’athéisme, qui est l’absence de foi. Et il y a un défaut dans le christianisme, comme dans toute idolâtrie, qui est que bien qu’il y ait une forme de foi, celle-ci est complètement falsifiée. Comme on dit dans les yéchivot : d’un côté un cadavre, de l’autre un corps sans vie… De plus, l’intelligence rationnelle a amené de grandes bénédictions au genre humain, par la révolution critique et par la révolution scientifique.

Q : La rationalité ne peut pas tout éclaircir ! 

R: Mais elle peut éclaircir une partie. Le Rambam, dans une de ses lettres, explique qu’il y a trois composantes à la connaissance humaine : l’expérience, l’intellect et la prophétie.

Q : Revenons à notre sujet. S’il en est ainsi, quel problème le post-modernisme a-t-il trouvé dans le modernisme ? 

R : Justement ce que nous venons de dire. Il n’a pas de certitude. Il n’a pas de foi. Il n’a pas de Dieu. Cela ne suffit pas à remplir l’âme. Il n’a pas de vérité absolue et sûre. Après une période de grand enthousiasme, est venue une période de grande déception.

Q : Alors que propose le post-modernisme pour expliquer la vérité ?

R : Il ne propose rien du tout. C’est cela son innovation. Il n’y a pas de vérité absolue. À chacun sa vérité. Chaque homme vivra de sa propre croyance. Il n’y a pas de valeurs absolues. Moi j’ai un système de valeurs, toi tu as le tien, et nous gérons le dialogue entre nous.

Q : Et comment détermine-t-on ses propres valeurs ? 

R : Selon son sentiment, selon sa manière d’être, selon sa tendance personnelle. On reçoit des messages de toutes les directions possibles, et on organise pour soi-même son monde intérieur.

Q : Et on n’est pas déçu de soi-même ? 

R : Bonne question. On désespère de Dieu, on désespère de la rationalité, on désespère de tout, et il semble qu’on soit aussi assez désespéré de soi-même. Mais on se modèle soi-même, et chacun construit son monde pour soi-même.

Q: Et nous, que disons-nous ? 

R: Que Moché est vérité et que sa Thora est vérité. L’Éternel Dieu est vérité, et l’Éternel nous a donné une Thora de vérité. Heureux sommes-nous, et combien bonne est notre part ! Heureux sommes-nous de dire chaque jour toujours deux fois avec amour : “Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est Un” !