Puis se lèvera un vent de tempête…


Rabbénou Méïr Simha Cohen de Dvinsk  (Lituanie 1843 – 1926)


« Et même alors, quand ils seront dans le pays de leurs ennemis, Je ne les aurai pas dédaignés ni détestés au point de les anéantir, de rompre mon alliance avec eux, Je suis l’Éter­nel leur Dieu » [Lévitique 26,44].

Notre sujet est une invite à réfléchir aux voies de la Providence suprême, au peu que nous pouvons en comprendre.

Quand la Sagesse suprême décida d’envoyer Israël dans l’errance en différents pays pendant de très, très nombreuses années, jusqu’au temps fixé par le projet divin… un attachement naturel se noua dans l’âme de ses fils, qui les fit se languir pour la Terre de leurs ancêtres, et se considérer comme des résidents étrangers… « non pas descendus pour s’im­planter définitivement », mais seulement pour séjourner jusqu’à ce qu’arrive la fin des temps, sans se considérer eux-mêmes comme des citoyens à part entière…

Et telle est la voie de la Providence, qu’ils y demeureront pendant une ou deux centaines d’années, et qu’ensuite se lèvera un vent de tempête, dont les secousses multiples se répandront pour anéantir, flétrir, détruire et noyer sans pitié – jusqu’à ce qu’isolés les uns des autres, les dispersés décampent et fuient vers une contrée lointaine, où ils finiront par se réunir pour constituer une large communauté. Leur Thora grandira alors et leur sagesse les fera réussir… Mais c’est ainsi qu’ils oublieront leur statut de résidents temporaires en pays étranger, le considérant comme leur propre patrie, et cessant d’attendre le salut divin à l’échéance promise. Alors viendra un ouragan de tourmente plus fort encore, qui leur rappellera dans un vacarme assourdissant : « Tu es juif, et qui donc t’a fait homme ? « Va pour toi vers un pays que tu ne connais pas »… [d’après : Genèse 12, 1] ».

L’Israélite oubliera ainsi complètement ses origines, et il se considérera comme un nouveau citoyen ; il oubliera l’enseignement de sa tradition pour apprendre des langues qui ne sont pas les siennes ; il s’imaginera que Berlin est Jérusalem… C’est alors que se déchaînera un véritable cyclone qui le déracinera de sa souche et de sa langue, le langage de notre sainteté, et il ne gardera que les langues étrangères comme habits provisoires…

[Mechekh Hokhma, section Behoukotaï 26, 44]