Le harcèlement du Premier Ministre est-il justifiable ?


Par Menahem Brégégère – paru dans ‘J’ANNONCE’ n° 157, novembre 2017.


Il y a trop longtemps que nous subissons un matraquage médiatique sur les prétendus délits de  notre cher Premier Ministre et de son épouse. J’ai fait mon aliya il y a vingt ans sous son premier mandat, et déjà les journaux rapportaient en long et en large des plaintes de femmes de ménage, et autres accusations peu reluisantes contre le couple Netanyahou. Comment pouvait-on placer de telles rumeurs sur le même plan que la politique du pays et les enjeux internationaux ?

Vingt ans après ça continue : de nouveau on publie les accusations d’une femme de ménage, mais on y ajoute aussi du plus gros calibre, avec l’artillerie des « affaires » aux noms mystérieux pour les rendre plus redoutables : ‘dossier 1000’, ‘dossier 2000’, ‘dossier 3000’, et on ne parle plus que de ça… ou presque. Pendant vingt ans toutes ces ‘affaires’ n’ont jamais rien donné, mais cela n’empêche pas de continuer d’accuser et de salir le Premier Ministre. Des plaintes sont déposées contre lui dans tous les sens, la police lui fait subir des interrogatoires de plusieurs heures… jusqu’à quand et jusqu’où ? Et comment considérer cet acharnement politico-judiciaire du point de vue de la Thora ?

La Guémara de Sanhédrin [18a-19a] pose la question : “peut-on juger le roi ?”, et sa réponse est comme d’habitude très circonstanciée. Dans un premier temps elle dit : “Le roi ne juge pas et on ne juge pas le roi”. Mais la suite montre qu’elle parle là d’une situation particulière où le roi s’écarte des principes de la Thora, car alors les juges ne sont pas libres de leurs décisions, craignant les représailles royales. Donc dans une situation normale, quand le roi d’Israël est fidèle à la Thora et à ses principes, il est justiciable comme toute autre personne. À plus forte raison le Premier Ministre d’Israël, dont l’honneur est d’être soumis comme quiconque à la justice de la Thora pour être lavé de tout soupçon, ou pour être écarté de sa fonction dans le cas contraire. Donc, pas d’immunité du prince dans un état de droit. Mais cela justifie-t-il l’acharnement politico-judiciaire ?

D’abord une mise en accusation du roi, ou même une simple enquête portée sur la place publique, est une atteinte évidente à l’honneur de la nation d’Israël, ce qui constitue un crime d’une grande gravité aux yeux de la Thora. À l’époque du Beit Hamikdach, si le roi était soupçonné d’infraction, le Beth-Din avait l’obligation de mener son enquête dans le plus grand secret, et si une sanction s’avérait nécessaire, elle devait être appliquée dans le même secret [Rambam, ‘Hilkhot Talmud Thora’ 7, 1].

Ensuite, soumettre à une enquête celui qui dirige les affaires du pays entraîne une gêne majeure dans l’exercice de sa fonction, et cela constitue un danger pour la gestion et la sécurité de l’état. Une enquête préalable sur les plaintes doit donc être faite, pour écarter a priori toute action judiciaire insuffisamment fondée. La Thora abonde de telles précautions, pour éviter à tout homme de subir des préjudices indus au nom de la justice [Rambam, ‘Hilkhot Sanhedrin’ 13, 1].

Les lois de la royauté s’appliquent-elle à notre Premier Ministre ? Pour la question de l’immunité judiciaire non, puisqu’elle ne s’appliquait pas au chef de la communauté babylonienne [Rambam, ‘Hilkhot Sanhedrin’ 4, 13], qui avait une fonction comparable à celle du chef du gouvernement de nos jours. Mais pour ce qui concerne l’honneur et l’autorité du gouvernement d’Israël, et pour la question de l’obstruction faite à la direction de l’état,  la situation est à l’évidence de même nature, et nous devons donc garder les mêmes principes. Le Rav Kook va jusqu’à fixer ainsi la halakha, qu’un dirigeant national accepté et reconnu a le statut juridique du ‘roi’ [Responsa ‘Michpat Cohen’, p. 338], sinon pour toute chose, du moins pour le soutien qui lui est dû dans la conduite des affaires de l’état.

Dans ses Responsa ‘Chéïlat Chlomo’, le Rav Aviner amène tous ces éléments et il conclut :

“Tout homme quel qu’il soit doit être soumis à la justice. Si c’est un élu de la nation, ceci doit être fait en secret, sans aucune divulgation médiatique. Et il faut aussi passer les requêtes soigneusement au crible, pour le mettre à l’abri du harcèlement”.

Que dire alors de ces tempêtes médiatiques à propos d’affaires dont l’instruction traîne en longueur et qui n’aboutissent jamais, mais qui servent à prolonger sans fin les spéculations malveillantes dans le public ? Que dire de la collusion de l’appareil judiciaire et de la police avec les médias politiquement orientés, pour se prêter docilement à ce jeu ? Et surtout, que dire des justifications de ‘morale publique’ dont se parent les acteurs de ces opérations ?

La justice oui, le harcèlement non. Aujourd’hui la gauche s’abaisse à des pratiques de bas étage pour tenter de démolir l’édifice de la droite, à laquelle elle ne peut opposer aucun projet politique honorable. Quelle décadence ! On se prend de nostalgie pour la gauche travailliste de Ben Gourion, dont la gestion n’était pas dépourvue d’erreurs, mais ne manquait pas non plus de grandeur, ni de fidélité aux idéaux sionistes.

La Thora n’est ni de droite ni de gauche. Toutes les composantes de la vie politique ont leur mot à dire dans la conduite de la nation dans le respect de ses idéaux. Nous rêvons d’une refondation du projet sioniste dans l’unité du peuple riche de toute sa diversité. Et en attendant nous formulons nos meilleurs vœux de santé et de réussite à notre cher Premier Ministre.