Peut-on annuler le vœu de monter en Erets-Israël ?


Rabbi Moché Mitrani – le ‘Maabit’  (Salonique 1500 – Safed 1580, auteur du ‘Kiryat Séfer’)


Question : Que notre Maître nous enseigne : Réouven a fait le vœu que s’il lui arrivait telle et telle chose, il monterait en Terre d’Israël et irait habiterait la ville de Safed, qu’elle soit reconstruite rapidement et de nos jours. Mais alors que ces conditions sont maintenant remplies, ni son père ni sa mère n’acceptent de le laisser partir. Sa femme ne veut pas non plus aller y habiter, et elle prétend que sa ketouba mentionne qu’il ne l’obligera pas à résider dans un autre endroit. Le respect dû aux parents est une grande chose, comme on le voit de Jacob notre père, la paix soit sur lui, qui a été puni pendant 22 ans pour ce motif. Enseigne-nous, notre Maître, si ce vœu est valide ou s’il peut en être délié, et ta récompense sera grande.

Réponse : Il est tenu de réaliser son vœu, et il n’est pas obligé d’obéir à l’interdiction de son père et de sa mère, comme nous l’apprenons au premier chapitre du Traité Yébamot : si le père ou la mère ordonnent au fils de se rendre impur, ou de ne pas rapporter un objet trouvé, il ne doit pas les écouter, comme il est écrit [Lévitique 19, 3] : « Chacun craindra sa mère et son père, mais vous garderez mes Chabbats » – et cela signifie que vous êtes tous tenus de m’honorer, comme il est écrit à la fin du verset : « Je suis l’Éternel ». Ici c’est la même chose : son père a, comme lui, l’obligation d’habiter en Erets-Israël. Il ne sera donc pas pénalisé de ne pas honorer ses parents, car eux aussi peuvent monter avec lui, ce qui lui permettrait d’accomplir deux mitsvot : habiter en Erets-Israël et honorer ses parents… À plus forte raison du fait que deux mitsvot positives sont ici combinées : celle d’habiter en Erets Israël et celle d’accomplir le vœu d’aller y habiter.

La raison de la punition de Jacob notre père (que la paix soit sur lui) est qu’il se trouvait en-dehors d’Israël. Il aurait fallu qu’après avoir épousé sa femme, il revienne aussitôt pour servir son père en Erets-Israël. Mais s’il avait été en Erets-Israël et son père à l’étranger, comme dans le cas qui nous intéresse, il n’aurait subi aucune punition… À fortiori, dans notre cas, où il s’agit d’accomplir la mitsva fondamentale de s’installer en Israël.

Il n’a donc pas à remettre son vœu en question, puisque même sans lui il a l’obligation de monter, et il n’a pas non plus à craindre pour l’honneur dû à ses parents, comme nous venons de le voir. Dès lors, comment pourrait-il remettre son vœu en question ? A l’évidence, cette procédure ne peut concerner un interdit, mais seulement une mitsva [1]. Quant au problème additionnel, que sa femme ne veut pas monter et prétend que sa ketouba stipule qu’il ne la fera pas changer de lieu d’habitation, on peut dire que l’expression ‘changer de lieu d’habitation’ ne peut concerner qu’une région extérieure à Erets Israël : en effet, nul n’est autorisé à émettre quelque condition à ce qui est écrit dans la Thora… Qu’il monte donc, et qu’il en épouse une autre…

[Responsa du Maabit I, § 139]


[1] Que l’on a prise sur soi par erreur.