Ne pas négliger l’aliya à cause des transgresseurs


Rav Naftali Yéhouda Berlin – le Natsiv de Volozhin  (Mir 1817 – Varsovie 1893, Roch Yéchivat ‘Ets Haïm de Volozhin)


Ne pas négliger l’aliya à cause des transgresseurs qui se trouvent en Erets-Israël

Ce fervent étudiant de la Torah, le Rav X, a le cœur ardent quand il exprime ses idées sur l’installation en Terre de sainteté, et il a voulu rendre chérissable cet idéal par des paroles enflammées… Et quand il me montra le manuscrit, je trouvai l’occasion de dire à un large public à quel point le peuplement d’Erets Israël est cher aux yeux de l’Éternel. Au point qu’à l’époque où la voix de l’Éternel se fit entendre à travers les paroles de Cyrus en ces termes : « Qui parmi vous appartient à son peuple, l’Éternel son Dieu sera avec lui et qu’il monte… » [Ezra 1, 3], alors qu’ils [1] refusèrent de monter en disant : « J’ai lavé mes pieds, comment les salirais-je ? » [Cantique des Cantiques, 5, 3], ce que nos Sages ont expliqué ainsi : « J’ai lavé mes pieds de la souillure de l’idolâtrie, car ce lieu me poussait à l’idolâtrie » [2] [Midrach Chir Hachirim Rabba], nous pensons par légèreté qu’il s’agissait d’une raison sérieuse. Mais nous voyons que le Saint-Béni-Soit-Il en fut gravement irrité, comme on le voit dans la suite du saint Cantique, dans le Midrach sur ce verset, et dans le Traité Yoma (chap. I). De là nous comprenons qu’il ne faut pas dénigrer l’importance de la mitsva d’habiter sur notre Terre, sous prétexte que s’y trouvent des gens qui transgressent la Thora, car c’est quelque chose dont on peut très bien se garder [3].

Et la situation d’aujourd’hui ne ressemble pas à celle évoquée par les Tossaphistes dans le Traité Ketoubot [110b], quand ils disent qu’il n’y a pas actuellement de mitsva d’habiter en Erets-Israël, parce que nous ne pouvons pas observer convenablement les mitsvot liées à la Terre. En leur temps c’était un vrai problème, mais de nos jours nous pouvons fort bien accomplir ces mitsvot, même si c’est difficile. Ce n’est de toute façon pas pire qu’à l’époque où habiter en Erets-Israël incitait à l’idolâtrie. Le chapitre Helek du Traité Sanhedrin [113a, ‘sur chaque monticule’] atteste en effet combien il était alors difficile de se garder de l’idolâtrie, et malgré tout cette justification ne fut pas acceptée par l’Éternel. La mitsva garde sa place, et celui à qui elle incombe a la responsabilité de se préserver de toute transgression. S’il ne le fait pas, il en portera la culpabilité, et nous [4] n’en serons pas responsables ; mais en contrepartie, il faut penser à la valeur inestimable d’une mitsva qui se prolonge jour et nuit sans interruption. On voit, dans le Midrach Berechit Rabba, que c’est la raison pour laquelle Jacob notre père fut pris de crainte devant Ésaü ; il dit [au Saint-Béni-Soit-Il] : « Tu diras qu’il vient contre moi avec la force d’avoir résidé en Erets-Israël… ».

C’est pourquoi je fais appel également à tous ceux qui ont la possibilité d’aider au peuplement de notre Terre… Car ces paroles vinrent à son cœur comme de l’eau qui le rafraîchit de l’intérieur avec amour. Qu’il mérite de voir la Terre repeuplée, et Israël dans sa splendeur.

[Recommandation du livre ‘Léma’an Tsion’]


[1] Les Juifs de Babylone.
[2] Dans le Cantique des Cantiques, l’allégorie de la jeune fille qui refuse de se lever pour retrouver son bien-aimé, à cause de la souillure du sol, renvoie au refus des Juifs pieux de Babylone au temps de Cyrus, qui refusèrent de monter en Erets-Israël, à cause des dangers spirituels que faisait courir la pratique locale de l’idolâtrie à cette période.
[3] Beaucoup plus facilement que de l’attirance de l’idolâtrie à l’époque du premier exil à Babylone.
[4] Nous qui l’avons encouragé à venir, et donc à s’exposer à d’éventuelles mauvaises influences.