Les ‘segoulot’ et les mitsvot


Par le Rav Chlomo Haïm Hacohen Aviner – chelita. 


Ces derniers temps, les ‘segoulot’ se sont multipliées par centaines et par milliers dans le peuple d’Israël. De quoi s’agit-il ? De pratiques dont on dit qu’elles sauvent de telle ou telle situation.

1.  Elles n’ont pas de source ancienne. Elles n’apparaissent pas dans la Thora, ni dans la Michna, ni dans la Guemara, ni dans les Richonim. Elles sont d’invention récente, et pour la plupart leur origine est inconnue. Par exemple : prier quarante jours au Kotel pour avoir le mérite de trouver un conjoint. Bien sûr le Kotel est un endroit d’une très grande sainteté, bien sûr la prière est une très grande mitsva, bien sûr elle a un effet, et à plus forte raison si on la fait quarante fois. Mais il n’existe aucune source pour affirmer que faire une prière quarante jours au Kotel va forcément faire trouver un conjoint. Il n’existe aucune source pour attester que Dieu ait promis que ce soit le cas. Et le Rav Yossef Chalom Éliachiv a dit, à propos de la coutume des quarante jours de prière au Mur Occidental, que toute prière faite au Mur Occidental, d’où la Présence Divine n’a jamais bougé, est une segoula, et qu’il n’y a aucune source à cette coutume des quarante jours [‘Hachakdan’ II, p. 109].

Le Rav Yaakov Hillel, dans son livre ‘Tamim Tihyé’, cite des dizaines de sources où des Grands d’Israël, des générations précédentes et des générations actuelles, ont rejeté les segoulot. Voir aussi dans mon livre ‘Ner Bé-ichon laïla’, entrées : ‘segoulot’, ‘segoulot chébatalmoud’, ‘avoda ouketsouré dérekh’, ‘hévelim thoraniim’, ‘émouna teféla’, ‘darké émori’.

2.  C’est une sorte de contournement de la Thora, de remplacement de la Thora et des mitsvot, c’est une injure faite à la Thora. Il est écrit des dizaines de fois dans la Thora que l’accomplissement des mitsvot amène la bénédiction. On dit cela deux fois par jour en récitant le deuxième paragraphe du ‘Chéma Israël’. Alors à quoi bon inventer de nouvelles voies ? Ce qu’a dit le Maître du monde ne nous suffit-il pas ? Serions-nous plus malins que Lui ? Aimerions-nous le peuple d’Israël plus que Lui ? Nous viendrait-il à l’esprit que ce que des êtres humains ont concocté puisse être plus élevé que ce qu’Il nous a ordonné ? Comment venir à penser à quelque chose en s’imaginant que Dieu Lui-même n’y a pas pensé ?

Peut-être les gens font-ils ainsi parce qu’ils ont le sentiment que les mitsvot leur pèsent, et parce qu’ils leur cherchent un substitut plus léger. Un jour un jeune homme m’a demandé : “Je vous en prie, indiquez-moi un chemin pour arriver au Gan Éden autrement que par la Thora et les mitsvot, car c’est trop lourd pour moi”. Voilà au moins quelqu’un de franc et d’honnête !

Il est vrai qu’il existe aussi quelques segoulot dans la Guémara, et celles-là sont donc authentiques et justifiées. Mais quiconque étudie la Guémara voit clairement qu’elles ne sont pas le principal, mais quelque chose de secondaire, dilué au soixantième, noyé au millième, annulé au cent-millième ! Le principal, c’est de servir Dieu, et “La Techouva, la Téfila et la Tsédaka font passer la rigueur du décret” [cantique ‘Ounetané Tokef]. “Et la Tsédaka sauve de la mort” [Proverbes 10, 12]. La Guémara explique en effet comment la Tsédaka sauva de la mort la fille de Rabbi Akiba [Chabbat 156a].

Voilà le principe : les plus fantastiques des segoulot sont la Thora et les mitsvot, et il n’est nul besoin d’y ajouter de pauvres inventions de notre crû.

3.  Typiquement, les donneurs de segoulot promettent qu’elles seront efficaces, mais telle n’est pas la réalité. En effet, même la prière n’est pas un acte magique, comme elle l’est chez les idolâtres, c’est seulement une imploration devant Dieu. Nos Sages nous ont averti que celui qui approfondit trop sa prière finira par avoir le cœur meurtri [Berakhot 32b], parce que sa confiance absolue qu’elle sera exaucée risque d’être déçue [Tossafot sur place].

Malheureusement et pour notre honte, il arrive très souvent que les donneurs de segoulot fassent des promesses qui amènent à de cruelles déceptions. C’est de la cruauté. Et si pour cela ils prennent de l’argent, c’est vraiment abominable.

Voici la règle générale : prier avec sincérité, sans chercher les astuces, et servir Dieu avec désintéressement.

[Rav Chlomo Aviner chelita – ‘Chéïlot Chlomo’ # 563, 29 Eloul 5778 (9 septembre 2018)]