Les Druzes et Israël


Par le Rav Chlomo Haïm Hacohen Aviner – chelita. 


Q : Les Druzes sont-ils de nos frères, comme cela a été dit dans certains médias israéliens ?

R : Non. Ce sont les Juifs qui sont nos frères. Tous les Juifs : les religieux, les laïcs, les gens de gauche et les gens de droite, les harédim, les sionistes, les réformés, les ‘conservatives’, en Érets Israël comme à l’extérieur. Mais les non-Juifs ne sont pas nos frères. Ce sont des hommes à l’image de Dieu, mais pas des Juifs.

Q : Il y a des Druzes qui ont été choqués par la loi sur la nationalité, qui définit l’État d’Israël comme un état juif…

R : En effet, notre état est un état juif. C’est ainsi qu’Avraham en a reçu le commandement : « Je ferai de toi une grande nation » [Genèse 12, 2]. Et c’est dans ce but que s’est constitué le mouvement sioniste. Si l’on veut vivre dans un état non juif, on peut rester en Amérique.

Q : Mais il n’y a pas de place pour un non-Juif en Israël ?!

R : Bien sûr qu’il y a une place pour lui, à certaines conditions. 1/ Des conditions spirituelles : qu’il ne se livre pas à l’idolâtrie. 2/ Une condition nationale : qu’il accepte la souveraineté de l’État d’Israël [Rambam, Melakhim chap. 6].

Q : Est-ce qu’il ne faut pas aussi respecter les sept mitsvot des fils de Noé ? Il suffit de s’abstenir de l’idolâtrie ?

R : C’est une controverse entre les rabbins de la Michna. Le Rav Kook notre maître démontre qu’il suffit de s’abstenir de l’idolâtrie, et de même notre maître le Rav Tsvi Yéhouda [Sihot Harav Tsvi Yéhouda, Érets Israël, chapitre « Nokhri acher bekirbekha »]. De toute façon leur religion n’est pas une idolâtrie.

Q : Les Druzes sont-ils des musulmans ?

R : Non. Ils se sont séparés des chiites depuis environ un millénaire. Ils ont une religion indépendante, ils croient en Adam, Noé, Avraham notre père, Moché notre maître, Jésus le chrétien, Mohammed, et encore un autre Mohammed.

Q : Et aussi Yitro…

R : Oui, à un moindre degré. En tout cas, ce ne sont pas des idolâtres.

Q : Ont-ils le statut de ‘guer tochav’ [‘étranger résident’] de nos jours ?

R : Non. Parce qu’il n’y a pas de ‘yovel’ [‘jubilé’]. Mais le Raabad écrit que cela n’empêche pas un non-Juif de résider en Israël, et le Kessef Michné écrit que le Rambam est du même avis [Hilkhot Avoda Zara, chap. 10].

Q : Et qu’en est-il de l’acceptation de la souveraineté de l’état ?

R : Dans l’ensemble ce sont des citoyens loyaux, et ils servent même dans Tsahal avec dévouement.

Q : Un officier supérieur druze a livré des informations aux Syriens pendant la guerre…

R : Oui. Et en effet le Rambam écrit que seuls les Juifs peuvent s’enrôlent dans l’armée [Hilkhot Melakhim 4, 2 ; 6, 1]. Et il y a eu d’autres affaires d’espionnage. Mais c’étaient des cas exceptionnels, et on ne légifère pas à partir de cela.

Q : Un autre officier a agressé une soldate juive qui était sous ses ordres…

R : Même réponse.

Q : En 2008 se sont produits des événements extrêmement graves à Pekiin, qui marquèrent un paroxysme après des années de haine et d’intrigues contre les Juifs dans cette ville. C’était une véritable ambiance de pogrom, comme en 1929. Ils brûlèrent un véhicule appartenant à des Juifs, ainsi que leur appartement, et ils voulurent même attenter à leur vie. C’était terrible…

R : C’est exact. C’était absolument terrible. Mais de nouveau, il faut faire attention à ne pas généraliser, même avec les non-Juifs.

Q : Doit-on appliquer aux non-Juifs la règle du bénéfice du doute ?

R : Non. Mais il y a une loi qui oblige le Juif à être un homme de vérité.

Q : Alors tout va bien avec eux ?

R : D’une manière générale. Mais bien sûr il faut se tenir sur ses gardes. Nul ne peut prédire l’avenir.

Q : Oui, on dit que les Druzes sont toujours du côté du plus fort, alors cela peut se retourner…

R : Plus exactement, les Druzes sont toujours fidèles au pays où ils habitent. La plupart des Druzes habitent en Syrie, et là-bas ils sont fidèles à la Syrie, et se définissent comme des Syriens. Ceux qui habitent au Liban se définissent comme des Libanais, et ceux qui habitent chez nous se définissent comme des Israéliens.

Q : Israéliens pour tout ?

R : Vous avez raison, c’est une situation complexe. Ils se voient avant tout comme des Druzes, puis comme des Israéliens, puis comme des Arabes.

Q : Pourquoi comme des Arabes ?

R : Parce que tout cela est imbriqué. Par exemple, une partie des Druzes du Golan ne veulent pas recevoir la citoyenneté israélienne, parce qu’ils craignent que le Golan revienne aux Syriens (bien sûr cela n’arrivera pas, avec l’aide de Dieu).

Q : Mais alors, quelle était la situation avant la création de l’état ?

R : Dans un passé lointain, il y a 400 ans, ils attaquèrent les Juifs de Sfat de nombreuses fois, ils se livrèrent au pillage et les Juifs durent s’enfuir. Pendant le Mandat Britannique, ils étaient neutres. Au moment de la grande révolte arabe en 1936-1939, la plupart restèrent à l’écart et une minorité se joignit aux Arabes. Après la création de l’état, ils rejoignirent Tsahal. C’est ce que nous avons dit : ils rejoignent l’état souverain.

Q : S’il en est ainsi, quel est le problème avec la communauté druze ?

R : Aucun état au monde ne conclut d’accords avec telle ou telle communauté. Ses rapports avec chaque citoyen sont au niveau individuel, et il ne permet pas que se forment des groupes nationaux indépendants qui constitueraient un état dans l’état. Ainsi, nous devons considérer chaque Druze individuellement. S’il est fidèle à l’état, combat dans Tsahal avec dévouement, nous le couvrirons d’honneurs et nous le récompenserons comme il le mérite.

Q : Ils font couler le sang pour nous…

R : Ils font couler le sang pour eux-mêmes. Ils ont une grande mitsva de protéger un frère druze. Et ils comprennent très bien que s’enrôler dans Tsahal, cela revient essentiellement à se défendre eux-mêmes. C’est une décision raisonnée, honnête et morale.

Q : Alors on ne leur doit pas tellement de reconnaissance ?

R : Bien sûr qu’on leur doit. Un jour, quand j’étais à l’armée, nous étions quelques soldats de l’arrière à voyager dans un command-car, et nous entendîmes l’information qu’un soldat avait été tué. Les visages se couvrirent de tristesse. Puis on annonça son nom, et c’était un druze. Nous poussâmes un soupir de soulagement : « ce n’est qu’un Druze » ! Cependant, l’un de ceux qui étaient assis avec nous était druze. Alors il s’écria, outragé et en colère : pourquoi dis-tu « ce n’est qu’un Druze » !! Il avait cent fois raison.

Q : Et en conclusion ?

R : Notre état est un état juif, ni druze ni arabe. Mais il y a la place pour des minorités, si elles ne pratiquent pas l’idolâtrie et acceptent la souveraineté de l’état. Il faut donc considérer chaque Druze individuellement comme il convient. « Quels sont ceux » [« Mi vami »] qui sont du voyage [Exode 10; 8] ? – Les initiales de ces mots en hébreu correspondent à : « Tes actions te rapprocheront et tes actions t’éloigneront ».


[In : Chéïlot Chlomo # 558, 25 Av 5778]