Le temps de guerre est-il approprié au jeûne, parce qu’on a besoin de miséricorde divine, ou faut-il s’abstenir de jeûner parce que le jeûne affaiblit les combattants au moment où ils doivent être au mieux de leur force et de leur vigueur pour être vainqueurs ? Sur cette question, il apparaît que Saül et son fils Jonathan ont été en désaccord :
Dans la guerre contre les Philistins, Saül fait jurer le peuple en ces termes :
❝Maudit soit l’homme qui prendra une nourriture jusqu’au soir, quand j’aurai été vengé de mes ennemis❞.
Samuel I 14, 24.
Il décrète un jeûne en pleine guerre, et Jonathan son fils n’a pas entendu que son père a fait jurer l’armée. Il tend le bout du bâton qu’il avait en main, il le trempe dans le rayon de miel, il en mange, et sa vue s’éclaircit. Quand un homme de la troupe l’avertit que son père a fait jurer l’armée de ne prendre aucune nourriture toute la journée, il dit :
❝Mon père a affligé le pays : voyez, ma vue s’est éclaircie parce que j’ai goûté un peu de ce miel ; si le peuple avait mangé lui aussi aujourd’hui du butin trouvé sur ses ennemis, le coup porté aux Philistins n’aurait-il pas été plus retentissant ?❞
Ibid. 29-30.
Et le verset vient appuyer ses paroles :
Ils frappèrent les Philistins ce jour-là, mais le peuple était très fatigué.
Ibid. 31.
Et à cause de cela ils se ruèrent sur le butin :
Ils prirent des brebis et des bœufs… ils les égorgèrent à terre, et le peuple mangea [la chair] sur le sang.
Ibid. 32
Ainsi, Saül décréta un jeûne en pleine guerre pour qu’ils offrent leur vie à la vengeance d’Israël contre les Philistins, et Jonathan pensa que c’était une erreur, disant que si l’armée avait mangé, ils auraient pu aggraver la défaite des Philistins. Saül était un grand Juste, très méticuleux. Cependant la ferveur individuelle ne se fond pas toujours dans la ferveur nationale. Un particulier peut prendre sur lui de jeûner, mais une armée entière ?! Quoi qu’il en soit, Saül pensa que les hommes de son époque étaient assez forts pour tenir l’épreuve. Son fils Jonathan n’était pas de son avis. Le verset fait entendre que c’était Jonathan qui avait raison.
De nos jours, la décision d’imposer un jeûne au public est plus difficile à prendre. Dans le passé les gens étaient forts physiquement et moralement. Aujourd’hui la faiblesse est descendue sur le monde, à la fois physique et morale, et les gens sont contrariés et gémissent à la moindre difficulté. À l’époque il y eut une réunion du Conseil des Rabbins de Yesha pour parler de la situation. Un rabbin se leva et dit : quand il y a eu une situation difficile dans le peuple d’Israël, on a toujours jeûné, il faut fixer un jour de jeûne. Un autre se leva et s’y opposa : le jeûne va casser le moral.
De toute façon, il n’y a pas de contradiction sérieuse entre un jeûne de techouva d’un côté, et la bravoure et la maîtrise de soi de l’autre. De même il n’y a pas de contradiction entre la techouva d’un côté, et la joie et la festivité de l’autre.