Par le Rav Chlomo Haïm Hacohen Aviner – chelita.
La résurrection du peuple juif sur sa terre ancestrale ne constitue en aucune manière une tranquille image d’Épinal, nous avertit le prophète Zé’hariah (14, 2) : « Je rassemblerai tous les peuples autour de Yérouchalayim pour l’attaquer : la ville sera prise, les maisons pillées. »
En lisant ce texte, il nous reste à espérer que cet épisode inquiétant prophétisé par Zé’hariah a déjà été vécu lors de notre guerre d’Indépendance, et que nous n’avons plus à craindre de pareils événements. Mais ce dont nous devons être sûrs, c’est qu’en fin de compte, il règnera une paix universelle, car la lumière jaillira de Tsion pour l’humanité entière : « Et en ce jour, des eaux vives s’épancheront de Yérouchalaïm… le Seigneur sera Un et Son Nom Un. » (14, 8-9).
Après l’orage, le beau temps : « Et quiconque aura survécu, parmi tous les peuples qui seront venus contre Yérouchalaïm, y montera chaque année pour se prosterner devant le Roi, le Seigneur des Armées, et pour célébrer la fête des cabanes (Soucoth). » (16). Cette solennité de notre calendrier deviendra donc une fête universelle, ce qu’en fait elle avait toujours été : nos Sages nous font en effet remarquer que l’on sacrifiait sur l’autel du Temple de Yérouchalaïm quelques soixante-dix taureaux, pour le bien-être des soixante-dix nations de la terre !
Le particularisme si accentué du peuple d’Israël n’a jamais été en contradiction avec une profonde aspiration pour le bonheur matériel et spirituel de l’humanité. Il ne s’agit pas d’une sorte de prosélytisme à la manière chrétienne, d’un œcuménisme visant à convertir tous les êtres à notre religion. Et encore moins à la manière de l’islam, qui a pour but d’imposer par la violence son absolue souveraineté sur toutes les nations de la terre. Comme on le sait, la félicité éternelle n’est pas le monopole du peuple juif : les Tsadikim, les Justes, ainsi que les ‘Hassidim, les pieux fervents, d’entre les nations, ont également leur part au monde futur. Car ce qui est en jeu ici consiste à apporter la bénédiction à tous les peuples, tout en respectant leur nature profonde, mais en les purifiant et en les élevant.
C’était précisément la mission de notre patriarche Abraham : « Je ferai de toi une grande nation… et toutes les familles de la terre seront bénies par toi » (Béréchith 12, 2-3). C’est pourquoi le peuple d’Israël est défini par le prophète Yécha’yahou comme « la lumière des nations » (Yécha’yahou 42, 6 ; 49, 6). Dans une certaine mesure, ce vœu s’est réalisé à l’époque du roi Chlomo, lorsque les rois de la terre et en particulier la reine de Cheva, ne purent modérer leur émerveillement devant le royaume de Dieu sur terre que constituaient le royaume et le règne du fils de David (I Méla’him 10). Et il se réalisera dans sa plénitude dans cet avenir tant attendu : « Car ma maison sera dénommée ‘Maison de prière’ pour toutes les nations » (Yécha’yahou 56, 7). Et plus encore : « En ces temps on appellera Yérouchalaïm ‘Trône du Seigneur’. Tous les peuples se rassembleront là, à Yérouchalaïm, et en l’honneur du Seigneur, ils cesseront de suivre les mauvais penchants de leur cœur. » (Yirméyahou 3, 7).
Évidemment, il ne faudrait surtout pas déduire de ces promesses prophétiques de pseudo-actualisations politiques de mauvais aloi, et en conclure comme le font souvent les médias internationaux que « Jérusalem est la ville sainte pour toutes les religions », et que par conséquent, il faudrait l’internationaliser. Le fait que la chrétienté reconnaisse les lieux juifs comme saints pour eux n’enlève en rien leur identité politique israélienne et juive. Il en va de même pour l’islam. Non, Yérouchalaïm est à nous, bien à nous, pour l’éternité, ce qui n’empêche en rien l’humanité entière de s’imprégner de sa spiritualité et de son message profond : ne sommes-nous pas nous-mêmes un peuple universel ? Le juif le plus simple ne signe-t-il pas sa prière journalière par l’oraison « Alénou lechabéa’h », dans laquelle il implore le Créateur de ramener tous les êtres sur le droit chemin et de rédimer le monde entier au bien ?
Le Messie si attendu, lui-même, ne s’enfermera pas dans un particularisme nationaliste, chauvin et étriqué, mais il sera le véritable porteur de la paix pour tous les peuples : « Et il sera un arbitre entre les nations et le précepteur des peuples multiples. Et de leur glaive, ils forgeront des socs de charrues, de leurs lances, des serpettes. Un peuple ne tirera pas l’épée contre un autre peuple, et l’on n’apprendra plus l’art de la guerre ». (Yécha’yahou 2, 4).
C’est alors que l’humanité entière verra dans le peuple juif la source de son bonheur, l’instrument de sa réussite, la clé de l’aboutissement heureux de l’Histoire. Si les nations avaient profondément conscience de cette vérité, elles nous aideraient au lieu de s’opposer à nous. Mais tout finit par arriver, laissons-nous porter par ces rêves, qui ne constituent rien de moins que l’avenir même de notre peuple ainsi que de l’humanité rédimée, que le prophète Yécha’yahou a eu le privilège de nous révéler dans sa vision prophétique : « Il arrivera à la fin des temps que la montagne de la Maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et se dressera au-dessus des collines, et toutes les nations y afflueront. Et nombre de peuples iront en disant : ‘Allons, gravissons la montagne du Seigneur, vers la Maison du Dieu de Yaacov, afin qu’Il nous enseigne Ses voies et que nous puissions suivre Ses sentiers ! Car c’est de Tsion que sortira la Torah, et de Yérouchalaïm la parole du Seigneur. » (Isaïe 2, 2-3).
[Rav Chlomo Aviner chelita, « Haftaroth – pensée juive sur la Haftarah », Jérusalem 2003]