5. La bénédiction matérielle d’Essav

Itzhak est vieux. Il veut donner sa bénédiction à ses fils, à chacun selon son rôle dans le monde. Il sait qu’Essav est voué à la réparation du monde matériel. Il n’a pas du tout l’intention de lui donner une bénédiction pour la spiritualité, mais au contraire il veut le renforcer et le bénir dans le domaine qui est le sien. Essav est un brave, et la bravoure est une qualité très importante. Nous avons besoin de gens comme lui, capables de s’imposer avec audace pour surmonter les obstacles de la vie réelle. Itzhak notre père veut l’aider, le bénir, afin que sa bravoure serve à construire le monde et non à le détruire. Il l’appelle ❝Essav son grand fils❞ [Genèse 27, 1], et non ❛son fils aîné❜, et il lui demande d’aller chasser du gibier et de lui préparer des mets savoureux. Cette bénédiction concerne la ❛nourriture❜, c’est-à-dire la réussite dans le domaine matériel, c’est pourquoi il convient de l’inaugurer avec de vrais aliments.

Question :

Pourquoi la nourriture doit-elle être savoureuse ?

Réponse :

Bien sûr qu’elle doit être savoureuse. La vie doit être agréable, délicate et noble de tous les points de vue. Il n’y a pas besoin que nous souffrions dans ce monde.

Mais Itzhak ne se contente pas de demander à Essav de chasser un gibier, il lui donne des instructions précises :

Prends, je te prie, tes armes, ton carquois et ton arc, sors dans les champs et chasse pour moi un gibier.

Genèse 27, 3.

Pourquoi tout cela ? Itzhak apprend-il à Essav comment chasser ? Certainement pas. Mais :

❝Prends, je te prie❞ − Affûte ton couteau et fais un abattage parfait, pour ne pas me faire manger une bête non cachère.

❝Chasse pour moi❞ − du domaine public, et non du vol.

Rachi sur place.

Itzhak enseigne comment chasser. Il souligne que la mise en ordre du monde doit se faire dans le respect des règles et de l’honnêteté, des règles entre l’homme et Dieu [❛abattage❜] et de l’honnêteté envers son prochain [❛domaine public❜]. Construire le monde du simple point de vue matériel, cela ne pose aucun problème, n’importe quel dictateur en est capable. La question décisive est de savoir comment, sous quelle forme et par quels moyens le monde doit être mis en ordre. Nous sommes intéressés à ce qu’il le soit dans la droiture. Nous n’exigeons pas trop de ceux qui sont en charge de l’économie. On ne demande pas à un agriculteur, par exemple, d’être directeur de yéchiva, mais il doit être un ❛ben adam❜, honnête et respectueux des lois, imprégné de moralité essentielle.

Tout cela n’intéresse pas Essav :

❝Essav alla dans les champs pour chasser un gibier pour l’apporter❞ [Genèse 27, 5] − Que veut dire ❛pour l’apporter❜ ? S’il ne trouve pas de gibier, il apportera une bête volée.

Rachi sur place.

Il n’est pas regardant sur les moyens. Construire dans la droiture n’est pas son affaire, le principal est de mettre les choses en place, peu lui importe comment. Les peuples d’Europe, qui sont les descendants spirituels d’Essav, ont suivi sa voie. Ils ont construit le monde sur le plan technologique, et l’ont complètement ruiné sur le plan moral.

(Retour à la liste des paragraphes)