C’est un grand devoir pour chaque Juif de monter en Israël et de s’y ancrer par la Thora et les mitsvot

Kiryat Tsanz

34. Rabbi Yékoutiel Yéhouda Halberstam, Admor de Tsanz  (Pologne 1905 – Netanya 1994, fondateur du quartier de Kiryat Tsanz à Netanya en 1958)


Quand la décision eut mûri dans mon cœur de m’installer en Erets-Israël pour y édifier une cité hassidique [1], beaucoup de mes amis tentèrent de m’en détourner en m’opposant l’argument suivant : « Est-il possible en une telle époque, quand des rumeurs alarmantes nous parviennent à longueur de journée et de tous côté sur les ennemis qui assiègent le Pays, d’y monter et d’y entreprendre la construction d’une cité au prix de beaucoup d’argent et d’efforts, alors que l’endroit est considéré comme exposé au danger » ?

Sur le verset : « Deux nations sont dans ton ventre » [Genèse 25, 23], le Midrach écrit : « Les deux qui sont dans ton ventre sont haïs des nations, car toutes les nations haïssent Ésaü, et Ésaü hait Jacob ». Explication : selon la coutume des nations, celui qui hait quelqu’un aime ses ennemis. Toutes les nations du monde, qui détestent Ésaü, devraient donc aimer Israël qui est détesté par Ésaü ; et Ésaü aussi, qui hait les nations du monde, devrait aimer Israël, qui est détesté par les nations. Malgré cela, nous voyons qu’Ésaü et toutes les autres nations du monde détestent Israël, comme il est dit dans le Sifri (section hebdomadaire Beha’alotekha) : « Halakha : c’est une chose connue qu’Ésaü hait Jacob ». Pourquoi en vérité les choses sont-elles ainsi ? Pour cette raison : le Saint-Béni-Soit-Il veut que nous, peuple d’Israël, sachions que, quelles que soient les situations et les avatars qui nous surviennent, nous ne pouvons nous appuyer que sur notre Père des Cieux. En toute époque de malheur et de persécutions, nous ne devons connaître qu’un seul cri : « De grâce, Éternel, sauve-nous ! », et nous ne devons nous appuyer sur aucune nation, en aucune manière.

En réfléchissant bien, notre esprit découvre le caractère extraordinaire du miracle dont nous a gratifiés avec bonté le Créateur, béni soit son Nom, en conduisant son peuple Israël depuis sa naissance en tant que nation jusqu’à ce jour sous une protection constante. Nous avons été meurtris et malmenés par toutes sortes de décrets cruels et de persécutions, que des nations malfaisantes ont précipités sur nos têtes. Or ce sont ces nations qui se sont défraîchies depuis longtemps, et le souvenir d’une seule n’est pas resté, alors que le peuple d’Israël est toujours vivant et debout, depuis près de deux mille ans.

Je suis monté en Erets-Israël à une époque où le monde entier était soumis aux tensions, où chaque pays menaçait l’autre de recours à la force et de violence, de bombardements, de guerre atomique, etc ; et à plus forte raison ici en Erets-Israël, où nous étions entourés de très nombreux ennemis, qui nous traquaient et complotaient chaque jour pour nous faire disparaître, à Dieu ne plaise ! À l’extérieur, la menace était partagée entre les Juifs et les nations du monde, alors qu’en Israël, elle était concentrée sur le seul peuple d’Israël, et cette menace n’était pas susceptible de disparaître rapidement. Et moi, je disais simplement : « Je m’enfuis en Terre d’Israël pour sauver mon âme et celle d’Israël, car le refuge le plus sûr est ici ».

Mais nous devons savoir avant toute chose qu’Erets-Israël sans Thora et sans crainte de Dieu ne peut pas tenir, et que celui qui commet une faute en Erets-Israël cause une nuisance beaucoup plus grande que dans les pays des nations. On le sait, les premiers bâtisseurs d’Erets-Israël [2] furent des hommes justes, pieux et braves. Ils furent les initiateurs des communautés agricoles, et ils contribuèrent largement au peuplement d’Erets-Israël. Tels furent Rabbi Hillel de Kolomyja et Rabbi Akiba Yossef Schlesinger, que leur mérite nous protège. Puis on s’éleva encore en sainteté, jusqu’aux élèves du Baal Chem Tov et du Gaon de Vilna, qui montèrent en Erets-Israël dans la plus grande abnégation.

Mon oncle Rabbi Chalom Halberstam, que l’Éternel venge son sang, fils tardif du Divré Haïm de Tsanz, que son mérite nous protège, écrivit une lettre à un organisateur de l’aliya en Erets-Israël avant la guerre, où il demandait l’attribution d’une autorisation pour monter au Pays. Entre autres choses il lui disait : « Je sais qu’une grande catastrophe arrive sur le monde, et je sais qu’en Erets-Israël on peut faire beaucoup pour la Délivrance » ; et plus loin il écrivait : « Mon honoré père, maître et Rav, à la tête de tous les exilés, que son souvenir nous guide vers le monde futur,  avait un immense désir de faire le voyage vers la Terre de sainteté, mais il n’eut pas cette possibilité ». Par la force du saint et fervent désir de cet Ancien, qui ne put être réalisé, et par la force de tous ces hommes justes, pieux et bienfaisants qui avaient toujours désiré monter en Terre de sainteté avec beaucoup de ferveur, j’osai espérer de l’Éternel – qu’Il soit béni – que nous ayons désormais la capacité d’agir, et que nous puissions fonder et construire ici une cité fidèle à l’Éternel et à sa Thora.

En notre temps, où la possibilité de monter en Erets-Israël est une réalité, et où s’y trouvent déjà rassemblé un grand nombre de fidèles remplis de la foi d’Israël, pourquoi voit-on encore des Juifs isolés dans les coins les plus reculés du monde, qui vivent au milieu d’une foule de non-Juifs ? Mon avis est qu’en notre temps, c’est un grand et saint devoir de monter en Erets-Israël et de s’y ancrer au moyen de la Thora et des mitsvot : « C’est au sein de mon peuple que Je réside » [Rois II 4, 13]. J’ai pu constater, au vu d’un certain nombre d’expériences, combien il faut de dévouement et d’aide divine, en-dehors d’Israël, pour garder les préceptes de la Thora et éduquer nos fils et nos filles dans la voie de leurs pères. Alors qu’en Erets-Israël, malgré toutes les insuffisances, chacun peut servir Dieu selon son désir et selon sa coutume, et je suis persuadé que ceci n’est dû qu’au mérite d’Erets-Israël. Le mérite de la Thora d’Erets-Israël, des hommes justes et pieux qui s’y trouvent, des petits enfants dans la maison de leur maître, des fils et des filles d’Israël, montera vers l’Éternel, et protégera même les autres [3] avec l’aide de Dieu, pour qu’ils soient sauvés de : « Ils se mélangeront aux peuples et apprendront leurs coutumes » [Psaumes 106, 35]. À la vérité, cette aliya grandiose en Terre d’Israël ne peut venir que des harédim qui tremblent à la parole de l’Éternel, car la construction d’une forteresse de Thora en Terre de sainteté requiert une unité parfaite entre les Bné-Israël, et ceci ne peut en aucune manière être accompli par ceux qui rejettent le joug de la Thora et des mitsvot. Même s’ils établissent un certain lien avec le peuple d’Israël, le lien authentique ils ne l’on pas. Tous les succédanés et les trucages qu’ils inventent pour remplacer la religion passeront de mode, car ils n’ont rien de réel…

Avec l’aide de Celui dont les plans sont grandioses et les réalisations immenses, par le mérite de nos pères et de nos saints maîtres, et de tous ceux qui furent des hommes justes, pieux et droits, nous agirons et nous réussirons. Ainsi nous préparerons très activement la génération du Messie, et nous mériterons tous ensemble et rapidement la délivrance du monde, amen.

[Discours à la cérémonie de pose de la première pierre de ‘Kiryat Tsanz‘ à Netanya – 1958]


[1] Le Rav Halberstam établit le quartier de Kiryat Tsanz à Netanya en 1958.
[2] À l’époque moderne.
[3] Ceux qui ne sont ni justes ni pieux etc.