La Terre d’Israël A1 – Le Rav Kook et l’esprit de la prophétie


[Le Rav Kook décrit l’expérience du Rouah Hakodech telle qu’il la connaît].

“Chaque fois que le cœur se met à palpiter d’une inspiration authentique, chaque fois que naît une nouvelle idée éminente et noble, nous sommes en réalité à l’écoute comme du frémissement d’un ange divin qui s’annonce, qui frappe à la porte de notre âme, qui demande que nous le laissions entrer, pour apparaître devant nous dans toute sa splendeur. Et d’autant que nous l’accueillons d’un esprit plus libéré, d’un cœur plus pur, d’un sentiment plus résolu et révérenciel, d’un désir plus profond et plus exigeant de l’amour le plus élevé, le plus digne et le plus sublime, il nous fait apparaître une foule d’âmes imprégnées de Divin, et il illumine nos ténèbres de toute sa clarté”.

Et non seulement ces âmes parlent au Rav, mais le Rav lui aussi leur parle :

“Nous commerçons avec le monde spirituel dans son objectivité [ce ne sont pas que des impressions subjectives !], il va en se sanctifiant, les relations se renforcent, nous en prenons l’habitude et nous arrivons à la sérénité, à la limpidité d’esprit et à l’aptitude aux révélations”.

…autrement dit au Rouah Hakodech. Voir Makot 23b : “Le Rouah Hakodech apparaît en trois endroits” etc. 

“Les restes de la glorieuse splendeur de la prophétie commencent de battre en nous, et sur ses ailes elle nous apporte un remède”. 

Et si l’on doute que ce soit vraiment le Rouah Hakodech (peut-être n’est-ce qu’un effet de l’imagination, une vision chimérique ?), …

“Nous serons gardés de toute vision trompeuse, de toute déviance, de tout mensonge dont l’imagination pourrait nous faire l’injure, si nous nous tenons fermement à l’arbre de vie de la Thora des ancêtres, au charme de sa morale, de ses mitsvot et de ses exigences dans toutes les voies de la vie, à notre fidélité à l’homme en général, à la famille et à la nation, à la vie et à toutes ses exigences”.

Un homme qui étudie la Thora, qui pratique les mitsvot, qui travaille ses traits de caractère et qui se conduit comme il faut avec les gens, est assuré de ne pas s’embrouiller.

“Ceci dit, nous ne devons absolument pas nous sentir ligotés par les pressions sociales, qui étouffent l’esprit suprême de liberté, qui profanent la sainteté venue du monde supérieur, du ‘monde de la liberté’, du monde ‘où la liberté est donnée aux pensées’, où une liberté absolue est laissée aux aspirations, et une franchise complète aux penchants du désir et à la créativité [de sorte qu’ils peuvent atteindre leur destination sainte]. Plus grande est la liberté, plus la sainteté grandit et plus la vie s’élève. ‘Et moi, je me réjouirai en l’Éternel, je jubilerai en Dieu de ma libération’ [Habacuc 3, 18]” [Orot Hakodech I, p. 165]. 

Le Rav explique plus loin :

“Notre esprit dessine en nous ses créations. Nous connaissons l’ange plein de vie qui est assis sur les pierres, qui forme et produit ses créatures. Des plus grandes hauteurs il prend son envol, il s’approche de nous, et il se révèle en notre âme. Le voici qui vient, et nous allons au devant de lui avec beaucoup de sympathie et d’affection. Et lui connaît notre affection sous une forme plus fine, plus pure, plus vive et plus pertinente que nous autres, prisonniers de la matière, la connaissons nous-mêmes. Que nous ayons terminé la création, ou qu’elle se soit interrompue au milieu, ‘à peine tournes-tu les yeux vers lui qu’il s’est envolé’ [Proverbes 23, 5], l’ange s’est envolé, il est monté au ciel, et nous, nous en restons stupéfiés.

“Nous nous occupons de Thora et de sagesse, de bonnes actions et de qualités morales pour faire venir à nous nos anges de sainteté, pour revigorer nos forces à la vigueur de Dieu qui gratifie, qui se manifeste à nous par sa lumière et qui nous libère.

Nous sommes confrontés à des “situations diverses”, tantôt il y a une apparition et tantôt il n’y en a pas, tantôt l’ange parle avec nous et tantôt il ne parle pas, “la bravoure et la faiblesse se rencontrent, l’amour et l’effarement se mélangent l’un à l’autre, la confiance en soi coopère avec la peur. La lumière et l’obscurité sont inextricables. Tout cela vient de ce que nous sommes insuffisamment purifiés”, sinon nous bénéficierions d’une révélation permanente de tous les instants [Ibid. p. 167].

“Ce qui est impossible, c’est d’interrompre la créativité de quelqu’un dont l’âme crée constamment de par sa nature” [Ibid. p. 168].

“À tout instant, des mondes nouveaux prennent naissance, sont formés et se mettent à exister” [Ibid. p. 169], et notre vie entière ne suffirait pas à en décrire ne serait-ce qu’un seul…

“Les hommes à grande âme ne vivent que dans leur jaillissement primordial. Les ‘sages de la créativité’ [sages de la Kabbale], dont la vie se fonde sur le renouvellement, connaîtront toujours l’expansion de leur essence, l’assouplissement de leur ossature spirituelle, rien que par le flot du renouvellement qui s’écoule devant les yeux de leur esprit. Ils ont connaissance de l’âme dans sa profondeur essentielle, [ils savent] comme elle épanche toujours son flot. De manière non moins certaine qu’un corps lumineux diffuse le rayonnement qui vient de lui sans s’arrêter, l’âme dotée de l’intelligence et du désir, du sentiment et de l’imagination, diffuse le rayonnement de sa lumière spirituelle vivante. Le courant va et se répand, il va et il crée. Des pages et des pages ne suffiraient pas à décrire la vision contenue dans un temps quelconque de l’épanchement de l’âme, même du plus petit des hommes. Et la richesse spirituelle grandit encore à cette échelle pour arriver, chez les géants de la pensée, chez les grands inspirés, à un niveau tellement prodigieux qu’il émerveille les foules par les illuminations qu’engendrent leurs descriptions, bien que la partie révélée soit forcément un produit de second ordre de la créativité. Mais son essence se trouve dans son caractère caché. L’inaccessibilité de ses mécanismes, la rapidité des flux de la pensée, ne nous laissent pas la possibilité de saisir l’essence profonde, ni la nature ni les éléments de ces flux qui nous inondent.

“Ce que nous pouvons faire de mieux est de pénétrer dans notre propre essence profonde. Et cette introspection, plus on saura comme il est facile de la faire, comme on compromet la noble élévation en faisant des efforts et en se donnant de la peine, comme on doit être attentif à l’exigence du bien-être intérieur, plus le contenu génial de la créativité augmentera, et plus les étincelles de sainteté viendront scintiller sur toute la vie et sa dimension spirituelle. En tout moment, minute après minute, nous créons, que nous le sachions ou non. La foule de nos créations s’étend à l’infini, et si seulement nous apprenions à les ressentir, à les amener au stade de la mise en évidence, à nous habituer à les faire entrer dans un cadre d’expression qui leur convient, alors leur splendeur et leur beauté apparaîtrait, et leurs effets se feraient sentir dans tous les aspects de la vie.

“Les vérités éternelles coulent de la source de la vie, de l’origine de l’âme, qui ne connaît ni vanité ni tromperie et qui est détachée du flambeau de la vérité. Tout ce qui provient de sa lumière n’est que vérité et justice pour toujours” [Ibid. p. 170]. 

“L’homme doit s’élever au niveau où il peut rencontrer son âme et prendre conscience de sa démarche spirituelle, des mouvements de ses ailes chargées de la splendeur des plus grandes saintetés, et il sera toujours prêt à écouter le secret de sa conversation sainte. Il saura alors que ce n’est pas une fois de temps à autre que l’âme renouvelle sa sagesse et sa pensée, son lyrisme et ses propos de sainteté, mais en toute époque et à tout moment elle déverse fleuves et rivières de crème et de miel, et ces flux dont elle nous inonde sont des trésors de sainteté, des fontaines d’intelligence et des secrets de bonne compréhension. ‘Ils se renouvellent chaque matin, grande est ta bienveillance’ [Lamentations 3, 23]. L’introspection dans les profondeurs de l’âme montre que la force permanente qui anime la vie authentique et sublime ne s’interrompt pas dans son œuvre, même un seul instant” [Ibid. p. 172]. 

“Il ne faut pas s’opposer à sa propre âme quand elle se manifeste, et elle se manifeste constamment [Ibid. p. 173].

“Nous écoutons la voix de la conversation sainte venue d’en-haut. Nous recueillons les signes qui nous sont révélés, qui scintillent comme des éclairs du haut de l’âme originelle. Toute vision qui se dévoile est une voix qui appelle d’en-haut, de la source de connaissance, du trésor de la vie situé dans l’âme du ‘Vivant des mondes’… Cette voix provient de la source d’unité la plus élevée qui soit, [c’est] un dévoilement de vérité” [Ibid. p. 174].