À présent, le Rav notre maître aborde la solution : Allons, préparons-lui la voie, préparons pour la Génération un ‘Messilat Yécharim’ de la émouna, pas seulement des vertus morales, montrons-lui le chemin de la ville, pour qu’elle puisse en trouver l’entrée, montrons-lui qu’elle ne trouvera ce qu’elle cherche que dans l’espace d’Israël. “Je le tiens, et je ne le lâcherai pas jusqu’à ce que je l’aie amené à la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue” – la chambre intérieure – [Cantique des Cantiques 3, 4] ; “je te conduirai, je t’amènerai à la maison de ma mère, instruis-moi et je te ferai boire du vin parfumé, du nectar pressuré de mes grenades” [Ibid. 8, 2].
Cette génération merveilleuse, qui est entièrement condamnable dans les actes, et entièrement méritante intérieurement et dans sa recherche de la vérité, ne reconnaît pas ses idéaux dans la Thora, et c’est notre travail de lui montrer que les idéaux se trouvent effectivement dans la Thora. C’est cette réponse du Rav notre maître écrivit au Rav Dov Milstein dont le fils avait mal tourné – il avait délaissé la Thora, le peuple d’Israël et la Terre d’Israël, et embrassé la cause des anarchistes russes, qui affirmaient que le monde contemporain était entièrement mauvais, complètement corrompu, et qu’il fallait reconstruire un monde nouveau, bon et fondé sur la justice.
Pour que ces hommes puissent trouver ce qu’ils cherchent dans la Thora, un gros travail est nécessaire. “Montrons à la génération le chemin de la ville”, cela veut dire : traduisons le message de ‘émouna’ de la Thora dans les mots et dans les concepts de la Génération. De tous temps, les Sages d’Israël ont traduit le contenu de émouna de la Thora dans un langage approprié. La langue de Messilat Yécharim n’est pas celle du Kouzari, et celle de Hovot Halevavot n’est pas celle de Émounot Védéot. Même la langue des prophètes ne ressemble pas à celle de la Thora. Nos Sages ont dit : “Le langage de la Thora est une chose, et celui des Sages en est une autre” [Avoda Zara 58b]. Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas les mêmes personnes : Isaïe parlait dans le palais du Roi, Osée parlait dans la rue, et Houlda parlait aux femmes, chacun dans son langage particulier. Le Rambam a traduit toute la émouna dans les mots d’Aristote. Pourquoi ? Parce qu’en son temps, les gens comprenaient la langue d’Aristote. Tout est compris dans les ‘Soixante-dix facettes de la Thora’ [Sanhédrin 34a].
Il faut préparer la voie de Thora qui convient à notre génération. Les hommes de notre génération se réfèrent sans cesse aux notions d’authenticité et de véridicité : “Je suis en plein accord avec moi-même…”. Ainsi par exemple Nathan Charansky, qui resta en prison pendant de longues années, dit après sa sortie : “Je ne regrette rien, j’ai été en plein accord avec moi-même”. Quelle merveille ! Il aurait pu éviter la prison, mais il a voulu rester fidèle à lui-même.
Il y a un très vieux problème : qu’est-ce que ‘toi-même’ ? Est-ce à toi de fixer ce ‘moi-même’, et de livrer ta vie sur cette base-là, “pour être en plein accord avec toi-même” ? Peut-être ne cherches-tu pas à être vraiment fidèle à toi-même, mais plutôt à te justifier pour faire ce que tu veux ? Peut-être commences-tu par planter la flèche, et traces-tu ensuite la cible ? – Mais non : ce n’est pas un plaisir de passer de longues années en prison. Ce n’est manifestement pas une escroquerie, et puisqu’il en est ainsi, on n’est pas fondé à dire que la génération adapte ses idéaux à ses désirs. Car c’est un fait qu’elle est prête à donner sa vie pour eux.