9. Conception historique

Maintenant, le Rav notre maître commence d’expliquer comment élaborer le ‘fini’ qui sert de tremplin vers l’infini.

Il y a autre chose à comprendre : une fois atteinte la compréhension parfaite que toute bonne action est ensemencée dans la vie de la collectivité … – tout le bien que l’homme fait n’est ni éphémère ni passager, chaque mitsva que l’homme fait se joint à la vie collective. Le grand trésor de la nation est constitué de l’accumulation de toutes les bonnes actions de tous les Juifs de toutes les générations, et il amène une bénédiction d’une manière connue ou inconnue, secrète ou rationnelle. Nous avons une conception de l’histoire selon laquelle l’histoire est une longue continuité où tout est enchevêtré. L’histoire d’aujourd’hui est la somme de tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant.

Il en est de même pour la vie de l’individu. À dix-huit ans, on est la somme de tout ce qu’on a vécu jusque là, et on ne repart pas de rien à chaque instant. Le temps dans son ensemble est une continuité, et non une simple accumulation d’instants. Et comme tout est une continuité unique, il est possible de réparer même le passé. Bien sûr, on ne peut pas changer les actions, mais on peut changer la volonté qui leur est associée, de la malveillance à l’inadvertance, de l’inadvertance à la contrainte, etc.

Question : que veulent dire les mots “compréhension parfaite” ? S’agit-il d’une compréhension rationnelle ou ‘secrète’ ?

Réponse : Il s’agit de ces deux niveaux ensemble.

1. Au niveau rationnel :

Tout le bien que fait un homme influence son entourage, cela devient le bien de tous, et cela passe naturellement à la génération suivante. Même si l’action a été faite dans le plus grand secret, elle a de l’influence, car le caractère d’une personne rayonne sur son entourage. Un homme calme – tout son entourage est calme ; un homme nerveux – tout son entourage est nerveux, et ainsi de suite. Ainsi s’explique la notion de ‘bon œil’ [‘aïn tova’] chez le Rav notre maître : quand un homme se comporte de manière louable, et qu’il a une influence inconsciente sur l’autre. De la même manière, le ‘mauvais œil’ [‘aïn ra’a’], c’est quand un homme se conduit de manière malséante, de sorte que tous ceux qui l’entourent deviennent comme lui, sans même qu’il en ait conscience, sans qu’il en ait l’intention, comme par contagion [voir Aïn Aya, Berakhot, 20, 37].

Le Méïri explique [Sanhédrin 43b] que le peuple d’Israël, depuis qu’il a traversé le Jourdain, a l’obligation de rechercher les fautes cachées, de les exposer et de s’en occuper, faute de quoi il reçoit un châtiment. Le Méïri explique ceci de façon rationnelle : “Si tu avais été un homme bon, circulant en tout lieu, cela aurait influencé les gens et ils auraient amendé leur comportement, comme c’est écrit dans ‘Tana Dvé Éliahou’ [Raba, section 12] : ‘Peut-être poseras-tu la question : les soixante-dix mille qui ont été tués dans l’affaire de la colline de Binyamin [voir le Livre de Juges 19-21], pourquoi ont-ils été tués ? Il incombait au Grand Sanhédrin, institué par Moché et Yéhochoua avec Pinhas ben Él’azar, de ceindre leurs reins de chaînes de fer, de remonter leurs vêtements au-dessus des genoux, et d’aller faire le tour de toutes les villes d’Israël, un jour à Beth-El, un autre à Hévron, un autre à Jérusalem, pour enseigner à Israël la bonne conduite, une année, deux années, trois années, jusqu’à ce qu’Israël soit installé sur sa Terre, et que soit glorifié et sanctifié le Nom du Saint-Béni-Soit-Il dans le monde entier, qu’Il créa d’un bout à l’autre’”. 

On raconte aussi cette histoire : un Rav faisait des remontrances à sa communauté un Chabbat à la synagogue, parce qu’il n’y avait pas assez de gens qui venaient à la prière. Les présents dirent : “Mais nous, nous sommes là ! Pourquoi le Rav crie-t-il sur nous ?” – Le Rav répondit : “Si vous vous conduisiez davantage comme des justes, d’autres personnes viendraient à la synagogue”. Autrement dit, il y a aussi une responsabilité indirecte.

2. Au niveau du secret :

Il y a une influence et des liens réciproques entre les âmes, en vertu du ‘secret de l’unité des âmes’. Toutes les âmes sont reliées ensemble. Par exemple, il n’est pas sûr que la ‘ligature d’Itzhak’ ait été porté à la connaissance des contemporains, mais puisque toutes les âmes sont reliées les unes aux autres, cet événement a insufflé un esprit de dévouement à toutes les âmes de la génération. Le Rav écrit dans ses ‘Lettres’ [‘Igrot’] : “Tu as fait un acte de bonté ? – alors tu as fait entrer un peu de bonté de cœur dans toutes les âmes, même chez les méchants, et même chez les bêtes féroces. Tout cela, dans le cadre du ‘secret de l’unité de l’existence’”.