Maintenant, le Rav notre maître commence d’expliquer comment élaborer le ‘fini’ qui sert de tremplin vers l’infini.
Il y a encore autre chose à comprendre : après la compréhension parfaite que toute bonne action est un germe semé dans la vie de la collectivité, tout le bien que fait l’homme n’est ni éphémère ni passager, chaque mitsva qu’il fait participe à la vie collective. La grande richesse de la nation est constituée par l’accumulation de toutes les bonnes actions de tous les Juifs de toutes les générations, qui engendre un enrichissement de façon consciente ou inconsciente, secrète ou dévoilée. Nous concevons l’histoire comme une longue suite d’événements qui s’enchaînent. L’histoire d’aujourd’hui est la somme de tout ce qui a eu lieu jusqu’à présent.
Il en est de même pour la vie de l’individu. À dix-huit ans, on est la somme de toute sa vie jusque là, et on ne repart pas de rien à chaque instant. Le temps dans son ensemble est une continuité, et pas seulement une accumulation d’instants. Et comme tout forme une seule continuité, il est possible aussi de réparer le passé. Bien sûr on ne peut pas changer les actions, mais on peut changer la motivation, de l’action volontaire à l’involontaire, de l’involontaire à la contrainte, etc.
Question : que veulent dire les mots “compréhension parfaite” ? S’agit-il d’une compréhension rationnelle ou ‘secrète’ ?
Réponse : Il s’agit de ces deux niveaux ensemble.
1. De façon rationnelle, tout le bien que fait un homme influence son entourage. Cela devient le bien de tous, et cela passe naturellement à la génération suivante. Même si l’action a eu lieu dans le plus grand secret, elle a de l’influence, ne serait-ce que parce que le caractère d’une personne rayonne sur son entourage. Si quelqu’un est calme, son entourage a tendance à être calme, s’il est nerveux, son entourage a tendance à être nerveux, et ainsi de suite. C’est ainsi que le Rav notre maître explique la notion d’‘œil bon’ [‘aïn tova’] : c’est quand un homme se comporte de manière honorable et qu’il a une influence inconsciente sur l’autre ; et de la même manière l’‘œil mauvais’ [‘aïn ra’a’], c’est quand un homme se conduit mal et induit tous ceux qui l’entourent à devenir comme lui, sans qu’il en ait conscience, sans qu’il en ait l’intention, comme par contamination [voir Aïn Aya, Berakhot, 20, 37].
Le Méïri explique [Sanhédrin 43b] que depuis qu’il a traversé le Jourdain, le peuple d’Israël a l’obligation de rechercher les fautes cachées, de les exposer et de s’en occuper, faute de quoi il reçoit un châtiment. Le Méïri explique ceci de façon rationnelle :
“Si tu avais été un homme bon, circulant en tout lieu, cela aurait influencé les gens et ils auraient amendé leur comportement, comme c’est écrit dans ‘Tana Dvé Éliahou’ [Raba, section 12] : ‘Peut-être poseras-tu la question : les soixante-dix mille qui ont été tués dans l’affaire de la colline de Binyamin [voir le Livre de Juges 19-21], pourquoi ont-ils été tués ? Il incombait au Grand Sanhédrin, institué par Moché et Yéhochoua avec Pinhas ben Él’azar, de ceindre leurs reins de chaînes de fer, de remonter leurs vêtements au-dessus des genoux, et d’aller faire le tour de toutes les villes d’Israël, un jour à Beth-El, un autre à Hévron, un autre à Jérusalem, pour enseigner à Israël la bonne conduite, une année, deux années, trois années, jusqu’à ce qu’Israël soit installé sur sa Terre, que soit glorifié et sanctifié le Nom du Saint-Béni-Soit-Il dans le monde entier, qu’Il créa d’un bout à l’autre’”.
On raconte aussi cette histoire : un Rav faisait des remontrances à sa communauté un Chabbat à la synagogue, parce qu’il n’y avait pas assez de gens qui venaient à la prière. Les présents dirent : “Mais nous, nous sommes là ! Pourquoi le Rav crie-t-il sur nous ?” – Le Rav répondit : “Si vous vous conduisiez davantage comme des justes, d’autres personnes viendraient à la synagogue”. Autrement dit, il y a aussi une responsabilité indirecte.
2. De façon secrète, il y a une influence et des liens réciproques entre les âmes, en vertu du ‘secret de l’union des âmes’. Toutes les âmes sont reliées ensemble. Par exemple, il n’est pas sûr que le ‘sacrifice d’Itzhak’ ait été porté à la connaissance des contemporains, mais puisque toutes les âmes sont reliées les unes aux autres, cet événement a insufflé un esprit de dévouement à toutes les âmes de la génération. Le Rav écrit dans ses ‘Lettres’ [‘Igrot’] : “Tu as fait un acte de bonté ? – alors tu as fait entrer un peu de bonté du cœur dans toutes les âmes, même chez les méchants, et même chez les bêtes féroces ; tout cela, dans le cadre du ‘secret de l’union des âmes’”.