Le Rav notre maître explique que même si nous n’avons aucun besoin de la philosophie pour arriver à la foi authentique, la philosophie nous aide à expliquer la émouna à la Génération, parce que la Génération est accoutumée à son langage. Voici ce qu’il écrit : “Telle est notre nature, invariable et permanente. Elle n’a besoin de l’appui d’aucune recherche ni philosophie, ni d’aucun des artifices de ce monde pour exister et être elle-même. Tous nos développements et nos argumentations sur le plan de la raison et de la connaissance ne visent qu’à donner un lieu et un espace à ce caractère proprement divin, afin qu’il se déploie et se révèle le plus possible par des dévoilements extérieurs, sans aucune ressemblance ni commune mesure avec le vrai niveau de force et de clarté de la propension intérieure, enfouie en nous, à l’amour de l’Éternel Dieu d’Israël”. Toutes les interprétations humaines modernes des mitsvot n’arrivent pas au millième de la puissance de la sagesse qu’il y a dans la Thora. “C’est seulement grâce à leur dilution, à l’atténuation de leur lumière, que nous arrivons quelquefois à les faire entrer dans des propos rationnels, et à à participer grâce à eux [à la réflexion] des restes les plus distingués de toute la communauté humaine”. À un petit enfant, on ne peut pas parler de grands sujets. On n’a pas le choix de toute façon, et grâce à ce procédé il assimile les choses. Mais il reste encore des concepts si élevés qu’il est impossible de les rabaisser. Là, c’est le règne de la seule vérité absolue, sans explications ni paraboles, c’est la volonté divine et le service de Dieu.
“Car bien qu’il puisse y avoir des hommes proches de Dieu dans tous les peuples et toutes les cultures, il est obligé que tout homme, quelle que soit sa nation, porte en lui-même les caractères de cette dernière, les plus estimables comme les plus vils. Il n’existe aucune possibilité pour aucun homme de se soustraire complètement au cadre de la nation, qui a déjà imprimé à celle-ci un tempérament particulier, du fait même qu’elle est montée sur la scène des peuples au cours de son histoire. Il en résulte que l’étincelle d’Israël qui est en nous est véritablement toute notre force et notre bonheur, toute la richesse de notre esprit et l’essence de notre vie. Le reste de notre acquis spirituel ne lui est qu’accessoire et utilitaire, et même s’il abonde en productions imaginaires, il est nul et non avenu sur le plan de la pertinence et de la qualité, de même que toute notre richesse matérielle d’argent et d’or, de maisons et de palais, de pouvoir et de plaisirs royaux, n’est qu’accessoire à l’essentiel de la vie, à ce qui se révèle au centre de notre vie, dans notre intériorité” [Igrot Haréïya I, p. 43].
Certes, il faut trouver les chemin pour faire passer tout ce sublime dans les détails de notre vie la plus simple. Nous ne vivons pas dans ces mondes idéaux, nous avons besoin d’une nourriture spirituelle adaptée à notre réalité. Mais il est important de savoir, avant de traduire ces idéaux sublimes dans les détails, que la lumière divine suprême restera toujours inaccessible à tout abaissement et à toute explication. C’est seulement quand on a compris cela qu’il y a une place pour une compréhension dans les détails, chacun selon son niveau.
Cependant, c’est seulement une fois atteinte l’élévation de la pensée abstraite individuelle à la limite de sa portée – chaque individu réfléchit et élève sa pensée selon ses possibilités, une fois atteintes les conceptions individuelles les plus riches, dans le domaine de la pensée – la conception – et dans celui de la réalisation – quand l’homme comprend comment l’idéal agit sur la réalité, une fois atteint le discernement parfait que tout esprit élevé, dont la pensée est éminente, est limité et mesuré – dès l’instant où l’on comprend, où l’on explique et où l’on définit, on limite. Toute parole limite, tout habillage dissimule. S’il en est ainsi, peut-être vaudrait-il mieux ne pas parler ? – Non, il faut parler, mais il faut aussi savoir que la vérité se situe au-dessus de toutes nos paroles.
Mais il semble y avoir là une contradiction : …alors que dans la profondeur de l’âme humaine il y a une attirance pour ce qui est au-delà de toute limite, supérieur à toute mesure – l’homme a un désir de l’infini. Or, il faut savoir que s’occuper du ‘fini’ sert de tremplin pour l’infini. “Il est impossible d’embrasser le roi lui-même, mais seulement quand il est revêtu de ses atours” [Tania, chap. 4] ; mais même alors on enlace le roi lui-même.