En effet, quelle est la force qui opère [dans la Génération] tous les changements drastiques qui nous font tant souffrir, sinon la littérature ? La littérature a causé le rejet de la religion. Bien sûr, ce rejet ne commença pas avec la littérature, mais avec les nouvelles âmes qui apparurent dans le monde, avec tous les changements et avec l’éveil de la pensée en général. Les gens commencèrent à réfléchir et à demander des comptes sur tous les trésors de morale et de spiritualité qui leur avaient été transmis jusque là. Mais le véhicule qui amena tous ces changements fut la littérature, la plume !
La foule commença à lire des livres, et la Providence divine fit advenir la découverte de l’imprimerie, qui abaissa le prix des livres de manière prodigieuse. Les gens s’intéressèrent à la littérature, ils devinrent curieux et ils lurent beaucoup de livres, au point que les livres firent des révolutions.
Certains disent aujourd’hui que le développement des télécommunications a changé radicalement la situation, mais ce n’est pas vrai. Aujourd’hui aussi, le livre garde son pouvoir. La radio, la télévision et les journaux ne suscitent pas de changements profonds chez l’homme, ils n’entraînent que des ébranlements passagers. Seul un journal sérieux, qui publie chaque jour des articles de fond, peut changer un homme.
Par exemple, Karl Marx habitait à Londres, et il écrivit un livre intitulé ‘Le Capital’. Ce livre changea la vision du monde de millions de personnes, et il fut à l’origine de la création d’états entiers. L’influence de la littérature peut aller dans le bon sens et dans le moins bon. Hitler aussi (maudit soit son nom !) écrivit un livre du nom de ‘Mein Kampf’ – ‘Mon Combat’ – qui dévasta le cerveau des Allemands. S’il en est ainsi, aujourd’hui aussi la littérature garde son pouvoir. Le Rav notre maître écrivit de nombreuses fois que nous devons maîtriser l’arme de la modernité, à savoir : l’écriture.
Et puisque la littérature a une telle action [sur la Génération], on peut comprendre qu’elle agit seulement par la force de pensée qui est en elle – la littérature agit essentiellement par le contenu signifiant de ses propos. Bien sûr, elle a aussi une forme, un style aptes à soulever l’enthousiasme et à exciter la sensibilité, et de même que la nourriture, si elle n’est pas appétissante on ne la consomme pas ! Cependant, les aliments ne nourrissent pas le corps par leur aspect, mais par leur valeur nutritive et par leurs vitamines. Bien que s’y retrouvent aussi beaucoup de verbiage et d’éléments excitants qui ne font qu’enflammer le cœur – il existe un type de littérature qui ne vaut que par le style et la sensation, et non par le contenu, il y a là une sorte de capacité à fasciner les gens en l’absence de contenu signifiant – malgré tout, si la littérature n’était pas – de manière générale – basée sur la pensée, elle ne pourrait ni se maintenir, ni captiver tellement les cœurs, pour les conduire systématiquement à la ruine et à la destruction. Il y a dans la littérature beaucoup de sentiment, mais ce n’est pas le composant qui lui donne sa force. Sa force se trouve dans les idées qu’elle contient, ce sont elles qui emportent la conviction des gens, et c’est de cette manière qu’elle prend place dans les cœurs.
Après avoir montré dans un premier temps que le caractère superficiel de la Génération ne provient pas de penchants pervers, puisqu’on trouve chez elle de l’abnégation pour différents idéaux, et un essor de la connaissance et de la pensée, le Rav notre maître apporte avec la littérature une preuve supplémentaire de la position éminente de cette génération : c’est une génération qui lit.