6. Pourquoi Pourim est-il fixé le 14 Adar et non le 13 ?

Rabbi Chelomo Alkabetz, dans son commentaire sur la Méguilat Esther, pose la question : pourquoi a-t-on fixé la fête de Pourim le 14 Adar et non le 13 ? En effet, le miracle de la victoire et de la délivrance, le jour où ❝la situation s’est renversée en ce que ce sont les Juifs qui ont dominé leurs ennemis❞ était le 13 Adar, et le 14 ils se sont reposés de leurs ennemis [Manot Halévi sur Esther 9, 2].

La réponse est que nous faisons un jour de fête pour notre victoire, et non pour la chute de nos ennemis. Nous ne nous réjouissons pas de la chute des méchants. Comme l’ont dit nos Sages, les anges du Service ont voulu chanter un hymne au moment où les Égyptiens se sont noyés dans la Mer Rouge. Le Saint-Béni-Soit-Il leur dit : les créatures de mes mains se noient dans la mer et vous chantez un hymne [Sanhédrin 39b ; Méguila 10b] ? C’est pourquoi le jour de fête a été fixé le 14, où nous avons pris du repos, et non le 13, où nous avons remporté la victoire et où nos ennemis sont tombés.

On peut cependant faire remarquer, à ce propos, que même si le Saint-Béni-Soit-Il a dit cela aux anges, les Enfants d’Israël ont chanté à ce moment-là, comme il est dit :

Alors Moché a chanté et les Enfants d’Israël [avec lui]…

Exode 15, 1.

De plus, le Gaon Rabbi Zalman de Volozhin, élève du Gaon de Vilna et frère de Rabbi Haïm de Volozhin, rapporte un commentaire à l’exact opposé du précédent [voir Maamaré Haréaïa II, p. 509]. Au temps d’Ézéchias roi de Juda, Sanchérib et son armée montèrent sur Jérusalem pour la détruire, et un miracle eut lieu : 185.000 soldats du roi d’Assyrie moururent en une seule nuit [Rois II 19, 35]. Nos Sages rapportent qu’ils moururent parce qu’ils entendirent le chant des anges et qu’ils ne purent le supporter [Sanhédrin 95b]. De manière semblable, quand le Saint-Béni-Soit-Il voulut faire périr les Égyptiens dans la Mer Rouge, les anges voulurent les faire mourir au moyen d’un chant. Le Saint-Béni-Soit-Il leur dit : ❝les créatures de mes mains se noient dans la mer, et vous chantez un hymne ?❞, c’est-à-dire : les Égyptiens ont noyé dans l’eau les enfants d’Israël qui sont les créatures des mains de Dieu, et vous voudriez les faire mourir par un chant ? Certes non, il faut les noyer dans la mer comme ils ont noyé les enfants d’Israël dans le fleuve [livre ❛Toldot Adam❜]. D’après ce commentaire de Rabbi Zalman, ce n’est pas de ces paroles des Sages qu’on peut apprendre qu’il ne faut pas se réjouir de la chute des méchants.

Parfois, il est nécessaire de verser beaucoup de sang de scélérats pour rendre la tranquillité au monde, et c’est justement une attitude hésitante et humaniste envers eux qui ferait s’éterniser une situation de guerre et de meurtre.

La Natsiv rapporte les critiques des Sages sur Saül, dont il est dit que ❝dans tout ce qu’il fera il créera le mal❞, alors que de David il est dit : ❝Ceux qui te craignent Me verront et se réjouiront❞ [Psaumes 119, 74]. On entend là une critique de Saül, qui répandit le sang. Mais est-ce que David ne répandit pas lui aussi beaucoup de sang ? La différence entre eux est que David, après avoir asséné des coups puissants et meurtriers à ses ennemis, prit le pouvoir et leur imposa des gouverneurs par la force. Il n’eut pas besoin de revenir constamment se faire justice. Il les soumit à son pouvoir, et ainsi il mit fin aux guerres de manière durable. Le sang répandu amena la tranquillité et la paix. Mais Saül, quant à lui, sema la désolation chez ses ennemis parce qu’il ne les soumit pas, et il fut obligé de les détruire. Ses succès contre eux étaient précaires, car après un temps ils revenaient lui faire la guerre, et la situation sécuritaire ne fut jamais stabilisée.

De nos jours c’est la même chose. Certes, on tue des terroristes arabes, mais nous n’avons aucun intérêt à la mort des Arabes. Il vaudrait beaucoup mieux prendre des mesures fermes qui mettraient fin au terrorisme arabe.

Quoi qu’il en soit, sur le fond le commentaire du Manot Halévi est d’une vérité évidente, et pour l’essentiel notre jour de fête se rapporte à notre réussite et à notre tranquillité retrouvée, et non à la mort des goyim. Nous préférerions que les goyim ne nous persécutent pas, et ne soient pas tués. C’est pourquoi le jour de Pourim est fixé selon cette opinion au 14 Adar, le jour où les Juifs se sont reposés, et non au 13 Adar où nous avons fait la guerre et où nos ennemis sont tombés.

Le Hatam Sofer demande lui aussi pourquoi on n’a pas fixé Pourim le jour de la victoire et du miracle qui est le 13 Adar, comme à Pessah où on a fixé la fête le 15 Nissan, jour de la sortie d’Égypte ? Et il répond que le 13 Adar est la date du jeûne, et que pour cette raison Pourim a été repoussé au lendemain [Hidouchim sur la Meguila].

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