6. « Dieu a promis de résider dans la brume »


Quant aux idéaux les plus élevés, qui s’élèvent à l’infini, jusqu’au lieu où l’œil humain perd son acuité – se trouble, se confond, où la parole, la raison n’ont plus le pouvoir de donner un nom, [car] on ne tient là-bas que dans la lumière de la vérité absolue, sans aucune possibilité de rabaisser, ni d’attribuer aucune valeur définie ; c’est pourquoi on appellera en vérité par le nom de l’élévation totale qui monte à l’infini, par le nom de la volonté divine, et du service de Dieu. On ne peut dire que des choses générales et imprécises : “Je veux faire la volonté de Dieu, je veux servir Dieu”.

Le Rav notre maître nous a donné la directive d’expliquer et de clarifier la Thora, de la rendre lumineuse et proche. Mais une telle chose est-elle possible ? La Thora est un décret[‘gzéra’], et le Rav notre maître confirme ici que les idéaux de la Thora sont un décret qu’il est impossible d’expliquer, que notre intelligence s’épuiserait en vain à vouloir les comprendre. On y croit ou on n’y croit pas.

Mais il ne faut pas dire pour autant qu’on ne peut rien y comprendre. Ce que nous savons, c’est que plus on s’élève, plus les notions deviennent floues et indéfinissables.

“Dieu a promis de résider dans la brume”  [Rois I, 8, 12].

“Les anges courent dans un mouvement de va-et-vient comme la fulgurance de l’éclair”  [Ézéchiel 1, 14].

“Ne cherche pas à connaître ce qui dépasse ton entendement, ne va pas creuser ce qui ne t’est pas accessible, médite ce qui t’est permis, car tu n’as rien a faire dans les secrets”  [Haguiga 13a, au nom du Séfer Hayétsira].

Même le Ari zal dit parfois qu’à partir d’un certain point il n’est plus autorisé à parler ni à méditer. Au-delà de ce point, le questionnement lui-même peut être un reniement de la foi, et une stupidité. Il arrive parfois que des questions qui n’ont pas de réponse soient tout de même de bonnes questions. C’est ce qu’écrit le Rav dans Orot Hathora [6, 7] :

“Grand est le niveau de Doëg et d’Ahitofel dans l’interprétation de la Thora, car ils ont posé des questions sur une ‘tour qui s’envole dans les airs’ bien qu’ils n’en soient venus à aucune conclusion. De toute façon, le doute est une ouverture vers des solutions” [et en effet les avions sont apparus, et cette ancienne discussion a servi à trancher des lois qui s’y rapportent !]. 

Il y a deux extrémismes : le premier est une mystique brumeuse, qui fraye le chemin du reniement de la foi [par rationalisme] ; le second est une attitude simpliste, qui professe que seul ce qu’on peut expliquer existe ; mais il y manque l’essentiel, c’est une pensée étriquée ! Nous, nous disons qu’il faut donner à goûter des deux ensemble.

Jusqu’à présent, le Rav notre maître a expliqué ce qu’est la droiture naturelle du point de vue pratique, et c’était un constat descriptif ; à partir de maintenant, il va expliquer comment on y  arrive, ce qui est une connaissance essentielle.