5.4.d- L’épreuve de la circoncision et celle de la ligature

Une des épreuves d’Avraham était la Brit-mila [la circoncision]. Après la Brit-mila, Dieu lui apparaît à Elonei Mamré “pour rendre visite au malade”. Avraham avait trois amis : Aner, Echkol et Mamré. Dieu lui apparut sur le champ de Mamré. Pourquoi justement là, quelle importance cela a-t-il ? Les Sages nous racontent [Midrach Berechit Rabba 42, 8] qu’Avraham était allé prendre conseil chez ses amis pour décider de faire ou non la mila. Echkol et Aner lui conseillèrent de s’en abstenir. Quant à Mamré, il lui conseilla de le faire, et c’est ce qu’il fit. C’est pourquoi Dieu lui apparaît dans le champ de Mamré. Cette histoire provoque notre étonnement : Avraham notre père hésita-t-il pour accomplir ou non l’ordre divin, au point d’avoir besoin des conseils de ses amis étrangers ?

Le Gaon de Vilna explique ainsi cette curieuse hésitation [‘Kol Éliahou’ sur la Thora] : le projet d’Avraham est de sauver le monde de sa détresse spirituelle. Il va apprendre aux hommes à rejeter l’idolâtrie, à mettre fin aux actions folles qui la caractérisent, et à servir Dieu avec grandeur d’âme et sensibilité, dans la droiture et les qualités morales. Et voilà que Dieu lui donne le commandement de la mila ! Ce n’est pas simple. Voilà qu’il va prendre un couteau, découper sa chair, puis prendre les petits garçons de sa maison et découper leur chair sans pitié au milieu de leurs cris… cela n’a pas l’air très moral ! Avraham a pensé à part lui : si je fais cela, je perdrai toute mon influence auprès des gens. Tous diront que moi aussi je deviens fou comme ces sauvages qui pratiquent les cultes idolâtres, et ma mission spirituelle dans le monde sera terminée.

En réalité, Dieu lui a ordonné de se circoncire pour être un homme accompli et parfait. Mais Avraham est prêt à renoncer à sa perfection personnelle pour ne pas gâcher l’occasion de relever toute l’humanité de sa bassesse. Il est prêt à offrir sa vie pour l’idéal spirituel universel. Telle est l’hésitation d’Avraham, et il va voir ses amis étrangers pour évaluer quelles pourraient être les répercussions de son action. Et en effet, Echkol et Aner tentent de le dissuader, mais Mamré, le goy idéaliste, lui conseille de se circoncire.

Avraham réfléchit, et finalement il décide de se circoncire. Il ne va pas jouer au plus fin avec l’ordre divin. Le Saint-Béni-Soit-Il, qui a donné son ordre, connaît le dommage que cette action est susceptible d’entraîner, et cette évaluation a été prise en compte. Avraham résiste à l’épreuve et se circoncit, lui-même et tous les fils de sa maison.

La ligature constitue une épreuve semblable mais plus difficile, d’après l’explication du Gaon de Vilna. Avraham s’est efforcé toute sa vie de détacher les gens de la barbarie du culte idolâtre. Alors que les hommes brûlaient leur fils dans le feu pour le culte du Moloch, il les appelait à cesser ces actions démentielles, parcourait le pays, et proclamait le Nom divin dans tous ses voyages. Et voilà que Dieu lui ordonnait d’égorger son fils ! La Brit-mila, on pouvait encore la digérer, rien de grave n’était arrivé. Mais égorger son fils ?! Que diraient les meilleurs des hommes ? Est-ce là une manière de servir Dieu ? Il est certain qu’après un tel geste il n’aura plus rien à faire sur terre au plan spirituel. Telles étaient les pensées du Satan qui lui passaient par la tête en chemin vers le Mont Moria, c’était cela l’épreuve. Malgré tout, Avraham marchait pour aller sacrifier son fils par foi en Dieu, et il accomplissait l’ordre divin.

L’épreuve est une lutte contre une force opposée, mais la force opposée n’est pas toujours de nature matérialiste, égoïste et grossière. Il arrive parfois qu’on doive lutter contre certaines tendances idéalistes et spirituelles, à un niveau élevé dans le cœur de  l’homme. Quand il mit l’alliance dans sa chair, Avraham sacrifia un idéal, et quand il alla sacrifier son fils, il allait en fait anéantir tout le peuple d’Israël à venir, qui devait descendre d’Itzhak, et avec lui l’idéal grandiose pour le monde concrétisé dans l’existence du peuple d’Israël. Son adhésion à Dieu devait prendre l’avantage sur ses inclinations spirituelles et matérielles tout à la fois.

Question :

Qu’avons-nous à faire des goyim ? Pourquoi faudrait-il prendre en compte l’influence de nos actes sur les goyim ?

Réponse :

Les goyim eux aussi ont été créés à l’image de Dieu, et nous savons qu’eux aussi proclameront le Nom de Dieu. Telle est la vocation d’Avraham :

 Par toi seront bénies toutes les familles de la terre.  [Genèse 12, 3]

Et telle est notre explication de la mitsva d’aimer Dieu :

“Tu aimeras l’Éternel ton Dieu” [Deutéronome 6, 5] – que le Nom de Dieu soit aimé grâce à toi  [Yoma 86]

Dans le futur à venir se réalisera :

Car de Sion sortira la Thora, et la parole de Dieu de Jérusalem  [Isaïe 2, 3]

Le peuple d’Israël est le ‘cœur’ des nations. La fonction du cœur est d’impulser la vie dans tous les organes [Kouzari 2, 3]. Nous désirons que tout s’élève, le monde entier, pas seulement les nations, mais aussi les animaux, les végétaux et les minéraux. Bien sûr il y a un ordre, avant tout nous élèverons le peuple d’Israël, ensuite l’humanité entière, puis les animaux, les végétaux et les minéraux. Mais ce que nous voulons, c’est l’élévation de tout, qu’il ne reste aucune chose dans le monde qui soit vide de révélation divine.


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