4. Le désir profond du retour à Sion. 

En l’année 5673 [1913], alors qu’il avait 22 ans, notre maître le Rav Tsvi Yéhouda écrivit ses deux premiers articles : ‘La Culture d’Israël’ et ‘À l’Ordre du jour’. Dans ce dernier il écrit :

“Tel est le chemin du monde : les lumières viennent de l’obscurité, les progrès et les agréments de la vie viennent de ses contraintes et de ses misères, et notre monde à nous, ‘peuple du monde’, tout particulièrement… sous la poussée du souffle de notre vie intérieure – du souffle divin qui est en nous, de cette intériorité secrète d’Israël, de la flamme qui brûle dans notre âme – qui est elle aussi amenée à se dévoiler à partir de différents facteurs extérieurs : notre vie fait son chemin, ses réalisations pratiques s’élargissent et se consolident aussi par toutes sortes de voies détournées, et c’est à partir d’elles et avec elles que notre conscience se développe et s’élève dans la pureté et la clarté… Et maintenant, voici devant nous cette vision elle-même [réalisée] dans notre mouvement de résurrection” – ce mouvement de résurrection vient directement de l’Esprit divin qui est en nous !

“Le sionisme et le nouveau nationalisme, eux aussi, sont apparus principalement de l’extérieur, sous l’effet de différents facteurs liés à nos conditions de vie en exil – les pogroms, la misère, les terribles persécutions. C’est ainsi que l’impact profond des souffrances de l’exil, mais aussi les émancipations [qu’il a permises], nous ont valu l’apparition de : Drichat Tsionle livre de l’éveil programmé’ écrit par le Rav Kalischer, consacré au repeuplement de la Terre d’Israël par le rassemblement des exilés dans la perspective de la Délivrance), – le mouvement ‘Netzah Israël’ [‘Éternité d’Israël’] association d’élèves de la grande et sainte yéchiva de Vologine pour le réveil national dans la même perspective, – le mouvement ‘Bilou’ (initiales de ‘Beit Yaakov Lekhou Vénelkha’), association d’élèves de la jeunesse juive scientifique et laïque de Russie, pour le réveil national dans la même perspective, et leurs mouvements dérivés, – le nationalisme de ‘Hachahar’ [‘l’Aube’], revue littéraire où la pensée nationale commence de s’exprimer, et ses filiales, – ‘l’Auto-émancipation’, revue d’opinion faisant appel au réveil identitaire et à l’indépendance nationale, – ‘l’État Juif’, manifeste–programme du sionisme politique de Theodor Herzl, avec sa notion de ‘refuge sécuritaire’ qui servit de base au sionisme politique …”

“Et quel homme aux yeux dessillés, regardant maintenant le développement florissant de notre vie en Terre d’Israël, regardant l’état général de notre peuple et le réveil de la conscience nationale (qui exalte l’esprit et multiplie les activités dans tous les domaines de la vie, saints ou profanes, et qui se consolide dans tous les groupes et les populations dispersées), ne percevrait pas et ne comprendrait pas que la valeur du sionisme, et de ce nationalisme, ne se mesure pas au montant des cotisations au ‘shekel sioniste’, ni à ses effectifs officiels (car il ne s’agit pas d’un ‘mouvement’ ou d’un ‘courant’ au sens habituel, c’est-à-dire d’un groupe organisé plus ou moins nombreux qui ne représente que lui-même) ? Qui ne comprendrait et ne reconnaîtrait ici la grandeur de l’œuvre divine dans l’Histoire, [la grandeur] de ‘Celui qui appelle les générations depuis l’origine, l’Éternel Dieu d’Israël’ [Isaïe 41, 4]?! 

“Car ceci est en réalité le mouvement de résurrection le plus grand et le plus puissant, le mouvement de résurrection, de rétablissement et de renouveau du Peuple d’Israël, son retour à la vigueur de sa jeunesse et à [la gloire de] ses jours anciens… et la source de ce grand mouvement de la Nation d’Israël se trouve, bien entendu, au sein même de la nation, au plus profond de son Intériorité, dans ses nerfs, dans ses membres et dans ses organes vitaux, dans sa collectivité et dans chacun de ses individus. Son origine, on l’aura compris, n’est nullement ‘défensive’, dans la recherche d’un abri sûr pourvu d’une protection légale contre l’antisémitisme et les menaces extérieures, contre le ‘Malheur du Judaïsme et le Malheur des Juifs’, mais elle est dans le désir de vivre la renaissance authentique, intérieure et libre, de la nation qui “se languit de son bien-aimé” [Cantique des Cantiques 8, 5], qui est nostalgique de sa maison, de son héritage et de sa terre, pas seulement pour s’y cacher de l’oppresseur, ni pour fuir les agressions physiques et spirituelles, mais dans un vrai désir positif de revenir sur la terre de sa vie, [de revenir] à son Dieu, à sa nature propre, de vivre sa vie pure, saine et libre, la sienne, sa vie divine…” [Lenetivot Israël (I) p. 12]. Il est donc nécessaire de bien ouvrir les yeux pour faire la différence entre causes extérieures et cause intérieure.