Parfois une dispute éclate entre les hommes, même de grands personnages, pour des choses minimes. Pourtant il faut comprendre que l’origine de la dispute n’est pas dans ces petites choses. Elle peut être déclenchée par elles, mais elle n’est pas causée par elles. La dispute met en évidence un antagonisme entre les traits de caractère des deux parties. Ce n’est pas seulement une manière différente de voir le monde, une autre approche des problèmes, ou des sentiments opposés, mais une forme de vie différente [Orot Hakodech III, p.323].
Un conflit n’entraîne pas nécessairement la dispute et la haine. Tout dépend du rapport à la réalité des forces qui s’opposent : si chacun pense que dans sa personnalité particulière, dans la forme de dévoilement du bien qui lui est propre, se trouvent enfouis toute la vérité, toute l’honnêteté, toute la justice et tout le bien, il est amené à une négation complète des forces opposées, jusqu’à la guerre totale. De là jaillit un mode de pensée stéréotypé, une stigmatisation de la force adverse par généralisation de tous les traits de caractères qui s’y révèlent, ce qui la transforme en symbole de la laideur et du mal, et autorise à son égard toutes les formes de mépris et d’hostilité.
À l’inverse, s’il existe de l’amour et de la fraternité, cela amène à reconnaître que forcément la partie opposée a aussi une place et un rôle à jouer dans le jeu de la vie. Il y a un intérêt à ce qu’apparaissent des forces opposées, et à ce que chacune apparaisse séparément et en conflit avec les autres, pour que son caractère propre ne soit pas brouillé, pour qu’elle puisse grandir et brandir ses couleurs particulières sans être dérangée. Après que les forces se sont développées séparément, et que chacune a atteint seule sa maturité, vient le tour de l’union.
La lutte entre les frères, qui commence dans la haine, se termine dans la maturité et dans l’union :
Il embrassa tous ses frères…
Genèse 45, 15.
Très lentement, au long des années, les choses murissent, et la valeur du conflit apparaît, ainsi que la valeur du clivage et de la haine du début, parce qu’ils viennent empêcher la dilution de la spécificité dans l’expérience collective. Il s’avère, même après un long processus, que le développement séparé des forces a pour but d’amener à l’unité. On en vient à comprendre que chacun a sa place, que tous peuvent vivre ensemble, et que tous ensemble constituent l’intégrité du peuple d’Israël.