4. Contraints sous la montagne

Israël a l’obligation d’accepter la Thora. L’existence du monde n’a pas de valeur sans la Thora :

Le Saint-Béni-Soit-Il retourna la montagne au-dessus d’Israël comme une cuvette et Il leur dit : si vous acceptez la Thora, tant mieux ; et sinon, là sera votre sépulture.

Chabbat, 88a.

Il n’y a pas là de déni du niveau d’Israël qui a dit :

nous ferons et nous entendrons [naassé vénichma❜].

Exode 24, 7

Le monde n’a été créé que par le mérite de la Thora, et si elle ne lui est pas donnée, le Saint-Béni-Soit-Il fait retourner le monde au tohu-bohu. En fait, du côté de son libre-choix, Israël est intéressé par la Thora :

Tout le peuple ensemble répondit et dit : tout ce qu’a dit l’Éternel, nous le ferons.

Ibid. 19, 8.

Mais du côté de la Création, il y a une contrainte divine à accepter la Thora. Rien n’est possible sans la Thora, l’acceptation de la Thora n’est pas dépendante du libre choix, elle est nécessaire à l’existence [voir Maharal, Tiféret Israël, chap. 32]. Le Saint-Béni-Soit-Il nous choisit, et nous crée de manière que nous soyons un peuple qui veuille la Thora. De même que nous n’avons pas le choix d’être un être humain ou d’être un animal, de même nous n’avons pas le choix d’être Israël ou non. Nous sommes créés en tant que ❝peuple qui connaît son Dieu❞ [Daniel 11, 32]. Bien sûr, nous pouvons nous affirmer ou nous renier, mais il ne nous est pas donné de nous changer.

La contrainte de la ❝montagne retournée comme une cuvette❞ n’est pas de l’ordre d’une contrainte exercée sur la volonté. La contrainte divine s’entend comme un acte créateur qui contraint la réalité. Il en résulte que l’homme est assurément appelé à s’élever, à affirmer sa nature et à révéler sa réalité intérieure. Au Sinaï, nous nous sommes élevés à la conscience d’un attachement à Dieu qui a élevé tout le peuple au niveau du ❛naassé vénichma❜, de l’identification à notre nature intérieure. Mais l’acceptation de la Thora ne se fait pas une fois pour toutes, la Thora est donnée tous les jours, et nous disons tous les jours la bénédiction : ❝Béni sois-Tu, Éternel, qui donne la Thora❞ – au présent, la Thora continue d’être donnée, la parole de Dieu est de plus en plus intégrée dans la réalité, elle devient de plus en plus claire, elle est de mieux en mieux saisie. Certes, déjà au temps du don de la Thora nous étions arrivés à une certaine maturité. Nous étions repus de culture universelle et nous languissions d’entendre le surhumain, nous nous sommes hissés au-dessus de l’humanité et nous nous sommes tournés vers la Divinité, la parole de Dieu continue de s’intégrer en nous et peu à peu nous la découvrons en nous.

Au Sinaï nous avons accepté la Thora, mais dans cette acceptation il y avait un côté de contrainte, de désaccord avec notre vitalité ouverte au monde réel. Se passent un millier d’années, et nous l’acceptâmes de nouveau à l’époque d’Assuérus à Pourim [Chabbat 88A]. Il y eut alors une identification renouvelée et volontaire à la Thora. Au fil des époques nous ❛saisissons❜ des choses que nous n’avions pas comprises avant. Toute notre histoire est un dévoilement progressif des lettres de la Thora par la vie éternelle qui est implantée en nous.

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