3. Le peuple est une réalité

Quelle est l’importance spéciale de ce qu’est le peuple par rapport aux individus ? Nous voyons que l’humanité est divisée en entités nationales. C’est un fait qu’on ne peut pas se cacher. L’humanité n’est pas cosmopolite, mais composée de nations. La vie n’est pas organisée arbitrairement en divers rassemblements d’individus, mais sous forme de peuples et d’états qu’un esprit national lie ensemble par une manière d’être particulière. Beaucoup de guerres ont eu lieu, et beaucoup de sang a été versé au cours de l’histoire humaine, à cause des antagonismes nationaux.

Se cacher la réalité des nations, et vouloir inculquer à l’humanité des règles générales sans tenir compte de sa répartition en peuples, revient en réalité à abandonner la vie au Satan. Ainsi a fait la chrétienté, elle s’est construite comme religion œcuménique pour l’humanité entière, et de ce fait elle a éprouvé le besoin de se cacher les contradictions politiques, économiques et culturelles entre les peuples. Ainsi a vu le jour sa formule impure : ❝Donnez à César ce qui est à César, et donnez à Dieu ce qui est à Dieu❞. Cela veut dire que la politique et la conduite de la vie appartiennent au domaine séculier. La religion ne s’occupe pas de choses ❛grossières❜ comme celles-là, mais elle est couronnée d’une spiritualité supérieure qui plane au-dessus de la vie. Cette manière de voir signifie pratiquement l’abandon de la vie concrète aux forces du mal. C’est pourquoi la chrétienté est ❝un mensonge qui ne tient pas debout❞ [voir Orot Hakodech III, p. 180].

Toutes proportions gardées, à propos de la création de l’État il existe aussi une telle conception. Certains ne sont pas satisfaits de sa création et ne veulent pas en entendre parler. Pourtant l’État existe. La vie nationale qui renaît et se consolide dans certaines directions est un fait dont il ne sert à rien de se cacher. L’État existe, qu’on en soit satisfait ou non. La question est : que faire ? Se désintéresser et se fermer, cela revient à abandonner, à livrer le rôle de l’édification matérielle et spirituelle de la nation à des mains dépourvues de sainteté. Se cacher l’existence de l’État revient à renoncer au droit et à la possibilité d’influencer le développement de l’esprit national dans les directions qui nous semblent les bonnes.

[Toute directive visant à éluder un problème plutôt qu’à s’y mesurer comporte un danger semblable. Quand, par exemple, un agriculteur vient demander : ❝Comment gérer une étable le Chabbat ?❞, si on lui répond : ❝Pourquoi veux tu être agriculteur ? Va vendre des vêtements à Tel Aviv comme on faisait en exil !❞, alors le résultat sera le renoncement à construire la vie dans la sainteté. On soustrait la vie à l’autorité de la Thora et à l’influence de la guidance divine, et on la confie à des mains vides de sens.]

La réalité du peuple est donc un fait établi, qui appartient à l’essence de la vie humaine. Et quand Dieu s’adresse au monde pour l’instruire, Il se tourne vers le peuple en tant que peuple.

Question :

Si c’est le cas, pourquoi ne trouvons-nous pas des enseignements et des mitsvot adressées aux peuples en-dehors du peuple d’Israël ?

Réponse :

Il est vrai qu’à l’humanité en général n’ont été données que les sept mitsvot des fils de Noah, qui sont pour la plupart des directives destinées à l’individu en tant qu’individu, et non à la nation en tant que nation. Seule la mitsva des ❝tribunaux❞, qui impose l’établissement d’un système judiciaire, pour juger et punir les coupables d’une transgression, constitue une mitsva donnée à la société dans son ensemble [voir l’entrée ❛ben Noah❜ dans l’Encyclopédie Talmudique].

Cependant, le fait que ni mitsvot ni enseignements de Thora n’aient été donnés, pas de mitsvot et de directives de la Thora pour les peuples ne signifie pas que l’entité nationale n’existe pas en tant que valeur propre, mais que la guidance divine nationale passe par la collectivité du peuple d’Israël. Les peuples doivent tirer du peuple d’Israël les principes de la morale et de la justice humaines, qui se découvrent à la fréquentation de sa vie, de ses pensées et de ses conduites. C’est de là que les peuples doivent puiser une formation pour la construction de leur vie nationale, de sorte que chaque peuple se construira selon ses caractéristiques et sa capacité d’intégration.

Toute directive ne vient pas sous forme de mitsva pratique contraignante. À l’intérieur du système éducatif de la Thora, il y a des mitsvot contraignantes, et il y a en outre des mesures de piété qui ne sont pas obligatoires. Mais les individus qui s’élèvent spirituellement adoptent ces conduites selon ce qu’ils ressentent et leur mesure de sainteté [voir Igrot Haraïa I, p. 97]. De même l’éducation des peuples ne se fait pas par des mitsvot, car cela ne leur convient pas d’être contraints par elles. Elle se fait par l’influence du peuple d’Israël, de qui chaque peuple s’inspire selon son caractère.

L’existence des peuples n’est pas seulement une réalité pratique-organique, mais c’est un phénomène d’importance spirituelle. Un peuple n’est pas qu’un rassemblement d’individus, c’est une création nouvelle. Un philosophe a divisé la Création en : inerte, végétal, animal, être parlant et peuple. Triant les sciences par ordre croissant de complexité, un sage des nations [Auguste Comte] donne la classification suivante : les mathématiques, l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie, la psychologie et la sociologie. D’après lui la sociologie, qui s’occupe de la société, est la science supérieure parce que son domaine est le plus complexe, comprenant tous les étages précédents de la Création, et qu’elle constitue une entité par elle-même. Le rapport du peuple avec ses individus est comparable au rapport du corps vivant avec les membres qui le composent. Le peuple est un entité qui possède une valeur propre, une âme globale de haut niveau, au-delà des individus qu’il rassemble.

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