1. L’éveil à la renaissance

La Knesset Israël s’est éveillée à la renaissance, le peuple d’Israël s’est levé pour renaître, grâce à la volonté de la jeune génération, la volonté de la jeune génération s’est éveillée à la renaissance, mais pas la volonté de l’ancienne génération, les Talmidé Hakhamim, l’Ancien Yichouv, n’ont pas manifesté la volonté de se lever pour renaître (et pourtant, ils voulaient toujours davantage de Thora et de sainteté, et ils voulaient toujours se renforcer dans les bonnes actions !), les énergies se sont réveillées en un sursaut étonnant et prodigieux.

Cette phrase est une phrase-clé de l’article, et il y a ici trois limitations :

1/ “s’est éveillée” – comme un homme qui se réveille de son sommeil, qui n’est ni réveillé ni endormi.

2/ “la volonté” –  ce n’est encore qu’une volonté potentielle, mais dans les faits il n’y a rien. Certes, le rassemblement des exilés a commencé, ainsi que la construction du pays, celle de l’armée, etc, mais même cela est considéré comme ‘rien’. Bien-entendu, depuis l’époque du Rav notre maître nous avons progressé, mais il reste encore un long chemin à faire.

3/ “la jeune génération” – il est évident que la nation s’est éveillée à la renaissance principalement chez les jeunes. Il est plus difficile de faire changer les vieux.

Pour comprendre que la nation se lève vers sa renaissance bien que dans les faits il n’y ait encore ‘rien’, et que même la volonté n’est pas très apparente, il faut la clairvoyance du Rav notre maître. Qu’est-ce qu’un sage ? Celui qui comprend quelque chose dans ses causes [Aristote] : à partir de la compréhension des causes, il est possible de voir ce qui prend naissance. C’est la logique exprimée de l’enseignement de nos Sages : “Quel est le sage ? – celui qui voit ce qui est en train de naître” [Pirké Avot 2, 9].

Dans le livre Orot [Les Lumières de la Résurrection 32], le Rav notre maître écrit : “Le caractère de la Délivrance qui s’annonce, dont nous percevons et ressentons les premiers pas, est inscrit dans l’intériorité de la Knesset Israël”. C’est-à-dire que Dieu délivre le peuple d’Israël par des changements à l’intérieur de l’âme d’Israël, au moyen d’âmes nouvelles constamment formées, c’est là l’essentiel du changement.

Bien sûr, la résurrection nationale vint aussi de ‘l’extérieur’ : le protectorat turc sur notre pays s’effondra et il fut remplacé par les Anglais. Mais l’article ‘La Génération’ fut écrit en 1906, avant que les Anglais conquièrent le pays, et avant même la Déclaration Balfour. Il n’y avait encore aucune avancée politique décisive. La Turquie n’autorisait pas les Juifs à monter en Israël, et au Congrès Sioniste qui se réunit à Bâle en 1903, Herzl lança la proposition de l’implantation en Ouganda, ce qui ne faisait guère avancer la cause de l’aliya en Israël.

Et cependant, le Rav notre maître dit [dès cette époque] : “L’Assemblée d’Israël s’est éveillée pour renaître” ! Pourquoi ? Certes, l’état d’Israël n’était pas encore créé, mais les Juifs avaient commencé d’affluer en Terre d’Israël depuis 1881. C’est de cela dont il parle : de l’implantation dans le pays, et de la construction du pays qui avait commencé. Le Maître du monde travaille par toutes sortes de voies à la délivrance de la nation, mais la principale est celle de l’intérieur, celle qui passe par les profondeurs de l’âme de la nation.

Quand l’éveil vers Sion commença de se manifester, les Juifs craignant Dieu se divisèrent sur la question. Certains dirent : nous devons prendre l’initiative, et Dieu nous aidera, c’était le Mizrahi. Et d’autres dirent : Dieu prendra l’initiative et nous le suivrons, c’était l’Agoudat Israël. Vint alors la troisième opinion, celle du Rav notre Maître, qui trancha entre les deux en disant : c’est Dieu qui prend l’initiative, et nous le suivons :

“L’état actuel de la délivrance constitue le fondement de ce qu’a prédit la Thora des secrets : que l’Assemblée d’Israël ne reviendra pas [d’elle-même] à sa place, mais que le Saint-Béni-Soit-Il et toutes ses armées viendront vers elle, et la relèveront de la poussière avec de grands honneurs”...  [Orot, les Lumières de la Résurrection 32]

Le Rav notre maître s’exprime comme l’Agoudat Israël !? Sauf que l’originalité de ce qu’il dit, c’est que les termes du verset, “Dieu relèvera l’Assemblée d’Israël”, désignent ce qui se passe en ce moment : Dieu relève l’Assemblée d’Israël de l’intérieur par l’apparition des ‘âmes de la renaissance’, et non par une action extérieure, comme portée par un nuage ! Dieu relève Israël par le souffle d’une tempête intérieure. Mais un souffle intérieur sans retombées pratiques ne serait d’aucune utilité, le souffle intérieur doit être accompagné de nos efforts. C’est de cette manière que Dieu enchaîne les événements avec l’éveil du souffle intérieur.

Question : les hommes de l’Ancien Yichouv et de l’Agoudat Israël n’avaient-ils pas étudié le Zohar

Réponse : il se peut qu’ils l’aient étudié, mais ils ne l’ont pas compris. Certains l’étudient et le comprennent, d’autres ne l’étudient pas et ne le comprennent pas ; et d’autres enfin l’étudient mais ne le comprennent pas – c’est le pire des cas. En voici un exemple. Quelqu’un me dit : “j’ai un penchant au bien et ma femme a un penchant au mal”. Je lui demande : “pourquoi dis-tu cela ?” – Il répond : “parce que c’est écrit dans le Zohar, que le penchant au mal a été créé pour la femme et le penchant au bien pour l’homme. Donc, chaque fois que ma femme veut une robe ou quelque chose comme ça, je lui dis : c’est le penchant au mal, c’est gaspiller de l’argent !”, et le même homme gaspille de l’argent toute la journée, mais chez lui tout est penchant au bien, puisque c’est écrit dans le Zohar ! Je lui répondis deux choses : 1/ cesse d’étudier le Zohar ; 2/ l’explication de ce passage d’après Rabbi Moché Cordovero [Tomer Devora, chap. 6] est la suivante : si tu désires quelque chose de matériel, renonce, suis uniquement ton penchant au bien, ne t’occupe que de choses spirituelles ; mais si ta femme a le désir d’une chose matérielle, venant du côté du penchant, donne lui ce qu’elle veut, car l’utilité du penchant au mal, Dieu l’a créée pour ta femme. Comme l’a dit Rabbi Israël Salanter“le côté matériel de ton ami, c’est ton côté spirituel à toi” [Tenouat Hamoussar I, p. 280, note 1].

Quand le Rav notre maître écrivit dans Orot le chapitre traitant de la culture physique, cela fit scandale, et on le blâma publiquement à ce sujet. Le père du Rav en fut attristé, et il lui conseilla : “Peut-être devrais-tu dévoiler quelques-unes de tes sources”. Le Rav lui répondit : “Mes sources sont dans le Ari »zal. Son père poursuivit : “Alors écris-le !” – “Non”, répondit le Rav“si j’écris que cela vient du Ari »zal, cela les rendra encore plus furieux, car ils n’ont pas compris ses enseignements et ils diront que je les ai falsifiés”.