Ici commence la partie centrale de l’article :
Taisez-vous, mes pensées ! Ne fléchissez pas, ne soyez pas confondues, ne vous découragez pas et ne cédez pas au désespoir, le soleil de justice est là qui resplendit, pas un simple point de lumière comme nous cherchions auparavant, mais le soleil est là ! Il apportera même la guérison sous ses ailes, il effacera les larmes de chaque visage, et il remplira chaque cœur d’humeur joyeuse, pour remplacer l’humeur sombre.
Lorsqu’on approfondit et qu’on analyse les choses, il est clair que notre génération est une génération extraordinaire, c’est la génération la plus extraordinaire de toute l’Histoire. ‘Extraordinaire’ au sens de : “Cette loi que Je t’impose aujourd’hui n’est ni extraordinaire ni éloignée” [Deutéronome 30, 11], c’est-à-dire que c’est une génération différente de toutes les générations précédentes que nous avons connues, une génération qui suscite l’étonnement. C’est une génération incomprise parce qu’elle porte en elle des changements de nature des âmes.
C’est une génération avec de grandes revendications, avec une exigence venue d’un seul coup. Certes, l’aspiration à la grandeur peut venir de manière soudaine (bien que ce ne soit pas forcément le cas), mais pour parvenir à la grandeur dans la réalité, il faut aller progressivement. Cette démarche est génératrice de contradictions, car il apparaît un mépris pour le monde ‘petit’ qu’on avait jusque-là, et il en résulte une situation intermédiaire où il n’y a plus rien. La solution consiste à expliquer que la grandeur est au bout, et à aménager le chemin, en expliquant que la grandeur qui est à la fin justifie qu’on suive ce chemin.
Le Rav notre maître n’a dit cela d’aucune autre génération : c’est une génération qui est toute étonnante. Elle n’a pas l’air extraordinaire bien qu’elle soit en fait extraordinaire, et cela suscite l’étonnement ! Comme le dit le Rav notre maître dans sa lettre [n° 555] : cette génération, qui est la génération du Messie, est “bonne à l’intérieur et mauvaise à l’extérieur” [Tikouné Hazohar, tikoun 60]. Il serait très difficile d’en trouver une semblable dans toute notre histoire. On ne peut comparer cette génération ni à celle du Roi David, ni à celle du Roi Chaoul, ni à celle de Rabbi Akiba. Qu’a-t-elle de spécial ? C’est la génération qui conclut la charnière historique de la résurrection nationale. C’est une génération qui résume toutes les générations, c’est pourquoi elle a les qualités de toutes, et les défauts de toutes.
Chez l’individu aussi nous trouvons ce phénomène : l’homme ne vit pas seulement par rapport à sa situation dans l’instant présent, mais par rapport à la résultante de toutes ses expériences. Dans la même mesure, chaque peuple dans le monde est le produit de tous les événements qui l’ont traversé. Quelquefois, le passé en nous se trouve dans une sorte de léthargie, un passé éteint, comme un gène silencieux, ‘il est là sans être là’. Et maintenant, tout revient et se réveille !
La situation particulière de la Génération sur le plan spirituel a des conséquences importantes pour la halakha. Certaines halakhot sont conçues en fonction d’une situation particulière, et quand celle-ci vient à changer, la halakha change avec elle. Ainsi, on peut se demander si les hérétiques et les renégats dont parle la halakha sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui ? En fait non, les ‘renégats’ d’aujourd’hui sont très particuliers ! Il en résulte des règles éducatives et des conséquences halakhiques particulières pour une génération comme celle-ci. On trouve par exemple dans le Choulhan Aroukh qu’un homme n’est pas considéré comme ‘méchant’ [‘racha’’], et qu’on n’invalide pas son témoignage, s’il était persuadé que la transgression qu’il a commise était en réalité une mitsva [Hochen Michpat chap. 34 § 4]. Le Rav notre maître dit de notre génération qu’il serait très difficile de lui trouver une semblable dans toute nos chroniques. C’est pourquoi beaucoup de halakhot et de règles éducatives ne s’appliquent pas à elle.
Elle est formée d’oppositions et de contrastes : l’obscurité et la lumière y servent pêle-mêle. Cette génération est déconcertante. Avec une génération entièrement mauvaise on sait comment se comporter, et avec une génération entièrement bonne aussi, mais cette génération-là est complexe, ce qui la rend chaotique, et il est difficile de se positionner vis-à-vis d’elle (…). On pourrait parler pendant des années de la grandeur de cette génération, et tout aussi bien de la bassesse de cette génération. Comment une telle complexité est-elle possible ? Tout individu est soit méchant soit juste. Bien sûr, un juste aussi peut commettre une transgression, mais il restera tout de même dans la catégorie des justes. Et un méchant aussi peut faire une mitsva, mais il restera tout de même dans la catégorie des méchants. Nabuchodonosor était un méchant, bien qu’il fît aussi de bonnes actions [voir Sanhédrin 96a]. “Le Saint-Béni-Soit-Il ne prive aucune créature de son salaire” [Baba Kama 38b]. Mais cette génération est-elle atteinte de schizophrénie ? Comment peut-elle être à la fois juste et méchante ?!
De toute façon, cette situation étant donnée, il faut comprendre comment se placer vis-à-vis d’elle, comment lui parler, l’éduquer et lui enseigner la Thora, car elle est vile et déchues, mais aussi grandiose et éminente, elle est toute coupable, mais aussi toute innocente. Il est écrit dans la Guémara que le Messie viendra dans une génération entièrement coupable ou dans une génération entièrement innocente [Sanhédrin 98a]. Or le Rav, que son souvenir soit source de bénédiction, dit [dans la lettre 555] que cette génération est à la fois toute coupable et toute innocente ! Il n’y a pas de génération aussi vile dans toute l’Histoire, et il n’y a pas de génération aussi éminente dans toute l’Histoire.