Note 5.108 – L’aptitude à la prophétie

Le prophète doit avant tout être un très grand Sage, et comme le dit la Guemara : “La Présence divine ne réside que chez un Sage…” [Chabbat 92a], et comme le dit le Rambam dans le septième des Huit Chapitres“Le ‘Sage’ maîtrise tous les niveaux de l’intelligence, sans le moindre doute”.

Le Rambam écrit dans les Lois des Fondements de la Thora [7, 1] :

“C’est un des fondements de la religion de savoir que Dieu fait prophétiser les hommes, et que la prophétie ne se manifeste que chez un Sage de haut niveau, vaillant par ses qualités morales, hors de portée de l’influence de son penchant, le dominant toujours par sa raison, et disposant de connaissances extrêmement vastes et pertinentes. Un homme rempli de toutes ces qualités, en pleine possession de ses moyens physiques et qui, lorsqu’il entre dans le jardin merveilleux de la science et de la philosophie, sait les approcher avec pertinence pour les analyser et les concevoir. Un tel homme, s’il s’écarte des chemins du vulgaire qui suit les stupidités du moment, s’il est maître de sa pensée et apprend à l’écarter de tout sujet futile, des vanités de l’époque avec tous leurs pièges, s’il maintient sa pensée toujours à l’écoute d’en-haut, suspendue au trône céleste pour comprendre ces idées saintes et pures, s’il contemple la sagesse du Saint-Béni-Soit-Il dans sa totalité, depuis l’idée primordiale jusqu’au nombril de la terre, et qu’il en apprend sa grandeur, aussitôt l’esprit du Saint repose sur lui. Et au moment où il se posera sur lui, son âme rejoindra le niveau des anges appelés ‘Ichim’, et il deviendra un autre homme. Il se rendra compte lui-même qu’il n’est plus comme il était, mais qu’il s’est élevé au niveau des autres Sages”. 

Il reste que le prophète a également besoin du pouvoir de l’imagination pour saisir au vol la ‘réalité de l’au-delà’, car la prophétie est en fait un attelage de l’imagination avec l’intellect au plus haut niveau de leur concordance, comme l’écrit le Rambam dans le Guide des Égarés [2, 36] :

“Sache que la substance réelle de la prophétie est un flux émanant de Dieu qui se répand, par l’intermédiaire de l’intellect agent, d’abord sur la faculté intellectuelle, puis sur la faculté imaginative. C’est le sommet des niveaux de l’homme, le comble de la perfection à laquelle le genre humain peut atteindre, et la finalité de la faculté imaginative dans sa perfection”.

Et plus loin [ibid. 37] :

“Sache que si ce flux spirituel se répand seulement la faculté rationnelle sans qu’il en arrive rien à la faculté imaginative… cela donne la catégorie des sages qui maîtrisent la connaissance profonde des lois. S’il atteint les deux facultés ensemble, la rationnelle et l’imaginative… et à condition que celle-ci soit au summum de la créativité, cela donne la catégorie des prophètes. Et si le flux atteint seulement la faculté imaginative, la faculté rationnelle restant limitée, soit de manière innée, soit par manque d’exercice, alors nous avons la catégorie des dirigeants politiques et des législateurs, des magiciens et des devins, des rêveurs aux songes véridiques, mais aussi des ‘faiseurs de miracles’ au moyen de trucages extraordinaires ou de sorcellerie. Bien que ces derniers ne soient pas des ‘Sages’, tous ceux-là forment ensemble la troisième catégorie”.

Et dans le livre Orot [Orot Israël 7, 16], le Rav Kook écrit :

“Le judaïsme tire sa source de la prophétie, et la prophétie vient de l’ajustement accompli de la raison avec l’imagination ; c’est-à-dire de l’élévation de l’imagination à la noblesse et de la pureté de la raison (quand l’intellect réussit à ‘attirer à lui’ l’imagination), et de la réunion des deux facultés à leur apogée”.