Le 9e jour du mois de Av (Tich’a Béav) a été marqué par de grands malheurs dans l’histoire du peuple juif, c’est en particulier ce jour là qu’ont été détruits le Premier Temple par les Babyloniens, et le Deuxième Temple par les Romains.
Par le Rav Chlomo Haïm Hacohen Aviner – chelita – en 5757 (1997).
Être exilé de sa maison
Tich’a Béav, l’exil du peuple juif, est considéré comme l’un des plus grands malheurs, si ce n’est le plus grand malheur qu’ait subi le peuple juif. Il arrive certes qu’en exil, le juif prenne goût à sa nouvelle maison et éprouve même à l’étranger la sensation d’une atmosphère agréable, mais ce bonheur n’est en rien une consolation. Bien au contraire, les conditions matérielles faciles, ce bonheur, la prospérité sont extrêmement dangereuses dans la mesure où ils risquent de faire oublier à l’homme sa condition d’exil. L’exil n’est pas seulement l’aboutissement d’un transfert de population, la constitution d’une diaspora, c’est une condition humaine dans laquelle l’homme devient par essence étranger, étranger à lui-même et perd son identité.
Un des plus grands penseurs du peuple juif, le Maharal de Prague, dans le premier chapitre de son ouvrage Netsah Israël [‘l’Éternité d’Israël’], explique qu’un peuple peut vivre dans un état naturel ou dans un état non-naturel. L’état naturel suppose trois dimensions, trois conditions : être sur sa terre, être indépendant, être ensemble :
“Il n’y a aucun doute que la galout [‘l’exil’] est un changement et un désordre à l’ordre naturel du monde. Dieu a placé chaque nation dans l’endroit qui lui convenait le mieux et il a placé Israël dans l’endroit qui lui est le plus propice, Erets Israël”.
Le fait que le peuple juif soit en galout brise l’harmonie du monde. Toute chose qui est sortie de son cadre habituel n’a pas de place dans un autre cadre et retourne toujours dans son lieu d’origine.
“On ne peut pas obliger le feu à rester tapi sur terre alors que sa nature est de s’élever vers le haut. On ne peut pas obliger la terre à rester en l’air alors que sa nature est de reposer en bas. S’il en est ainsi, les choses contre nature deviendraient nature. La galout n’est pas l’endroit naturel assigné au peuple juif. Le seul pays qui lui est compatible est Erets Israël. Erets Israël est la véritable propriété du peuple juif, lui appartient en propre et n’est en aucun cas la propriété d’autrui. De même que chaque chose a été créée à sa place, il en est de même pour Israël.
“Toute chose anormale qui devient normale, dérange ipso facto l’harmonie du monde. Elle n’y a plus sa place et sa fin est évidente, puisque cette chose ne servirait plus à rien dans ce monde à moins qu’elle ne retrouve son destin originel. La dispersion par exemple, n’est pas un état naturel. De même que chaque élément retourne à sa source, ainsi, les parties divisées se retrouvent pour ne plus former qu’une seule unité” [Netsah Israël, chap. 1].
Il y a plus grave que l’exil. C’est d’oublier que l’exil est exil, c’est prendre goût à l’étranger, s’enraciner à l’étranger, oublier la nostalgie de sa véritable demeure. Dieu soit loué, ces cent dernières années, le peuple juif s’est éveillé, secoué de la poussière de l’exil et est à nouveau devenu amoureux de sa terre. Il a pris conscience que sans être sur sa terre, plus rien ne valait rien et que pour ressusciter sur sa terre il était prêt à tous les sacrifices et de ce fait, un puissant mouvement est apparu qui ramène le peuple juif à sa terre, lentement mais sûrement, ce qui en fin de compte ramènera le peuple juif dans sa splendeur d’antan et bien plus.
Shoah et renaissance
Nous sommes profondément inquiets de la résurgence de l’antisémitisme en Europe, non pas tant pour le sort individuel du peuple juif, puisqu’une nouvelle Shoah ne peut se reproduire, les portes du pays d’Israël étant désormais ouvertes à tout Juif en détresse, quel que soit son pays, son ethnie, ses convictions, mais parce que ce phénomène semble dire que l’homme occidental serait malheureusement encore une bête humaine.
Nous sommes profondément optimistes dans notre certitude que l’image divine qui habite l’homme finira un jour par illuminer et embaumer toute sa personnalité, mais ce jour semble encore loin. L’homme occidental est-il un être digne de porter le titre d’‘homme créé à l’image de Dieu’, ou n’est-il qu’un être moralement apprivoisé malgré lui par des lois et des contraintes, et incapable de maîtriser la bête humaine qui sommeille en lui ? Il est difficile d’affirmer que se lèvent une nouvelle Allemagne et une nouvelle Europe. Ce qui est certain par contre, c’est qu’un nouveau pays d’Israël est en train de renaître. Les crises qu’il traverse sont incontestablement graves, mais contrairement aux crises que connaît le peuple juif en exil, qui sont des crises de l’agonie, ici en Israël il s’agit de douleurs de l’enfantement.
Nous sommes certains que le peuple juif, qui connaît aujourd’hui la renaissance nationale annoncée par les prophètes, poursuivra son ascension jusqu’à la réalisation pleine et entière de toutes les prophéties.
[In : ‘Le Souffle de Vie”, Jérusalem 5757 (1997), pp. 45-46.]